Les acheteurs de voitures super, hyper ou ultra souffrent du syndrome de Peter Pan. Quand ces adultes qui refusent de grandir s’offrent une de ces voitures très très chères et très très puissantes, c’est une manière de posséder un nouveau jouet.
Certes, et c’est souvent le cas, lorsque le jouet est homologué pour la route, il peut aussi servir de moyen de transport, justifiant ainsi son utilité, du moins sur le papier. Mais lorsqu’il est réservé à un usage sur circuit, il se transforme instantanément en petit jouet grandeur nature pour les grands garçons.
Petit poids et gros chèque
C’est le cas de Mc Murtry Spéirling Pure : une voiture vendue au prix de 954 000 euros, le prix à payer pour une utilisation en suivre les jours uniquement. Les clients qui signeront un éventuel chèque sont donc de grands enfants, mais leurs parents aussi, même s’ils sont d’un caractère différent.
Car selon les pédopsychiatres, les tout-petits sont divisés en deux camps : ceux qui jouent aux Playmobil, et ceux qui jouent aux Legos : les premiers ont de l’imagination, et les seconds sont des constructeurs. David McMurtry, lorsqu’il était en short, était indéniablement dans le camp des joueurs Lego.
Cet ingénieur, né en 1940, a fait toute sa carrière dans l’aéronautique, d’abord chez Bristol, puis chez Rolls lorsque le premier fut racheté par le second en 1966. Un bon salaire, une belle évolution de carrière au sein de concepteur de moteurs d’avions n’apportent pas forcément du bonheur, et surtout ne suffisent pas à nourrir l’ambition des Anglo-Irlandais.
D’autant qu’en 1973, il met au point un nouveau type de sonde qui connaît un grand succès. Sauf qu’il n’est qu’un employé de Rolls, et que les gains financiers de l’entreprise ne sont pas pour lui. Alors, il part seul et fonde sa propre entreprise avec un autre voleur d’aviation. Et ça marche. Son entreprise, appelée Renishaw, s’est rapidement établie. Dix ans après son lancement, la start-up est devenue une grande entreprise cotée en bourse et emploie 5 000 personnes.
David McMurtry, aujourd’hui Sir McMurtry, réussit même, après une bataille juridique, à récupérer la propriété des brevets qu’il avait développés chez Rolls. En 2018, il lâche finalement les rênes de son entreprise et se retrouve, selon Forbes, à la tête d’une fortune estimée à plus de 1,4 milliard d’euros.
De quoi déboucher sur une retraite heureuse, d’autant que l’ingénieur avait alors atteint 78 ans. Mais à l’âge où d’autres jardinaient, il créa une nouvelle entreprise. Mc Murtry Automotive s’adresse, comme son nom l’indique, à l’automobile, et son infatigable patron réfléchit à la création pure et simple d’une marque automobile.
Pour y parvenir, il va débaucher l’un des barons de l’industrie : Thomas Yates, un ingénieur qui a notamment travaillé, chez Mercedes, sur le design des F1 de Lewis Hamilton et Nico Rosberg durant les années baraka de la star de Stuttgart. Les deux hommes et une poignée de techniciens développeront le Mc Murtry Spéirling Pure sur trois ans. Pourquoi Spéirling, avec cette orthographe étonnante ? Car en gaélique irlandais, ce curieux terme désigne la tempête.
En 2022, un premier prototype est prêt, et une tempête silencieuse s’abat cette année-là sur le festival de Goodwood. Car c’est une voiture électrique de 1 000 ch qui se présente au départ et va briser le record de la piste en 39,08 secondes avec un 0/100 km/h en moins de 1,4 s. Non seulement le Mc Murtry est puissant, mais il est également léger et pèse un peu moins de 1 000 kg.
Vide et fibre de carbone
Fabriqué en fibre de carbone, il ne dépasse pas 3,57 m et, pour éviter de décoller du sol, il utilise un ventilateur à vide comme le Brabham BT 46 du championnat du monde de F1 de 1978. L’effet Ouah fut immédiat et Mc Murtry décida, un an plus tard, après avoir peaufiné la machine, de la produire à 100 exemplaires pour la belle somme de 954 000 euros.
Quand on veut s’offrir un jouet aussi exclusif qu’inutile, on ne lésine pas sur les prix. Les premiers exemplaires assemblés devraient être livrés cette année, mais Sir McMurtry ne remettra pas les clés. Il est décédé il y a quelques jours à l’âge de 84 ans. Mais il aura néanmoins pris le volant du premier exemplaire de son dernier jouet, son dernier Lego.