Il a dit une demi-heure avant de retourner à la répétition : c’est finalement plus d’une heure que nous passerons avec Kamel Ouali, au Paradis Latin. Entrer au cabaret à 17 heurese Le quartier parisien est animé. Le public est attablé pour assister à la désormais célèbre revue L’Oiseau du Paradis, dirigé par le chorégraphe.
Installé dans sa loge, Kamel Ouali termine son repas, tout en saluant, entre deux bouchées, les artistes qui lui font signe avant le lever de rideau. Généreux, le chorégraphe le plus connu du pays accepte de revenir en détail sur son parcours, ses réussites et ce qui l’anime. Et le programme est très chargé puisqu’en dehors du Paradis Latin, Kamel Ouali s’est lancé un sacré défi : relancer sa comédie musicale Le Roi Soleil, vingt ans après sa première représentation.
Redécouvrez la magie du Roi Soleil
Il a ainsi révélé, début décembre, qu’il faisait à nouveau équipe avec Emmanuel Moire pour le rôle principal. En 2018, le producteur du spectacle Dove Attia discutait avec le chorégraphe du retour de la comédie musicale. Mais à cette époque, Emmanuel Moire ne s’en sentait pas capable. “Il avait peur de ne pas retrouver la magie qui avait opéré quinze ans plus tôt, alors il a refusé”dit Kamel Ouali.
Le projet n’est pas abandonné pour autant et au fil des demandes, “on s’est dit que c’était un peu bête, qu’il fallait repartir”. Cette fois, Emmanuel Moire est partant, se sentant « armés pour que l’aventure continue ». Le reste du casting devrait être nouveau. Les auditions touchent à leur fin, il faut maintenant voir ce que “correspondre” le meilleur, nous dit Kamel Ouali.
“Je garderai les codes du passé, mais je les moderniserai”, ajoute-t-il, presque mystérieusement. « L’esthétique sera la même, avec des costumes d’époque. Il y aura un nouveau look, mais nous restons avec la même identité. » Il promet déjà que Le ballet des planètestableau phare, sera de retour avec ses sphères géantes.
Et s’il s’excuse à intervalles réguliers de sa fatigue actuelle, ce n’est pas pour rien : la promotion bat son plein, nous apprend celui qui encadre déjà les danseurs du Paradis Latin depuis cinq ans.
Un univers auquel il n’avait jamais touché auparavant. « Ce qui m’a plu, c’est le défi, je‘essaye toujours de me mettre un peu en danger, de ne pas coller à ce que j’ai acquis’, dit-il, les yeux pétillants. Alors, quand nous l’avons contacté pour lui dire que l’homme d’affaires Walter Butler, qui venait de racheter le cabaret, voulait “faire changer les choses”il a réussi à constituer un dossier en seulement trois jours.
Les gérants du cabaret sont séduits mais lancent un ultimatum : le spectacle doit être prêt trois mois plus tard. « Je dis OK, mais carte blanche. Et du coup, le fichier que je leur ai donné correspond à 98% au spectacle que vous voyez. »
Sûr de ses envies, Kamel Ouali a en effet su imposer ses choix au fil des années. Il se souvient particulièrement de la manière dont il avait intégré le hip-hop dans les spectacles français, à une époque où cela ne se faisait pas du tout. Pour Les dix commandementsLe réalisateur Élie Chouraqui est rapidement séduit par ses propositions. Pascal Obispo, sur la musique, beaucoup moins. Le chanteur a du mal à imaginer des danseurs hip-hop sur ses chansons. Pourtant le résultat est là : la comédie musicale est un carton.
Challenger jusqu’au bout, Kamel Ouali a également assuré la chorégraphie de la série C’est Paris. “I meet Marc Fitoussi (un réalisateur)qui m’explique un peu son point de vue sur la série et, très vite, je me rends compte que c’est exactement le contraire de ce que je propose au Paradis latin »il rit.
Travailler sur la série était encore “un joli cadeau”, estime celui qui a notamment passé du - aux côtés de Monica Bellucci. « Quelle femme ! » Elle n’est pas danseuse mais elle connaît si bien son corps. Même ses yeux dansent. J’ai adoré cette expérience »s’exclame-t-il avec enthousiasme.
Fidèle à son instinct
Car tout est émotion pour Kamel Ouali, lorsqu’il s’agit de travailler avec des danseurs. « Quand j’auditionne, quand j’entre dans la salle, je sais déjà qui je vais emmener. » Et il le dit haut et fort : son instinct ne l’a jamais trahi. « Il y a quelque chose qui ne s’explique pas, au-delà de la technique, au-delà de la performance. Ce qui m’émeut, c’est ce que les gens vont proposer s’ils veulent me dire quelque chose. »
Au Paradis Latin, le chorégraphe se sent extrêmement proche de sa troupe. « Ce que j’aime par dessus tout, c’est cet esprit de famille, que ce soit les serveurs, les vendeurs, les artistes. Tout le monde communique ensemble. » Même si les débuts ont été mouvementés. « On mangeait en travaillant, on répétait avec le bruit des tronçonneuses. Mais il y avait une énergie folle. Et depuis, c’est un grand succès. » Au point de poursuivre l’aventure à Dubaï, puisque le Latin Paradis envisage de s’y exporter avec un nouveau dîner-spectacle français.
Cette proximité avec les gens qui l’entourent se ressent dans les couloirs du cabaret. Cela se reflète dans tous ses projets. En commençant par le Académie des étoilesqui a animé huit années de sa vie. Le chorégraphe emblématique du château de Dammarie-les-Lys (Seine-et-Marne) y revient régulièrement. Là Étoile Ac, « Quand j’y vais, j’ai l’impression de rentrer dans ma deuxième maison » dit-il.
Il déclare clairement que la série a changé sa vie. Connu des professionnels, il ne l’était pas du tout du grand public. « Du jour au lendemain, j’ai pu monter mes propres projets et avoir mon nom en grand sur une affiche »il admet. « Cela m’a ouvert des portes et rendu les choses plus faciles. »
Aujourd’hui, il embrasse pleinement ce qui constitue son identité artistique, façonnée entre autres par des artistes comme Redha, Maurice Béjart, Pina Bausch… « Tout m’inspire. Un beau film peut m’inspirer. Quand on voit le Joker (avec Joaquin Phoenix), la façon dont il bouge, c’est juste fou et c’est très inspirant. »
Casser les codes
Au Paradis Latin, il casse les codes traditionnels du cabaret en choisissant des morceaux pop, rock et hip-hop. Mais aussi avec des artistes « totalement différent de ce que nous avons l’habitude de voir ». À commencer par les femmes qui y apparaissent. «Je voulais que toutes les femmes soient représentées. Il y a donc des petites, des grandes, des filles un peu plus rondes, moins rondes. Mais aussi des Blancs, des Noirs, des Asiatiques… »
Un choix qui tranche avec d’autres cabarets aux scènes bien plus uniformes. « Ce n’est pas l’histoire que je voulais raconter. » Quant à ses danseurs, ils viennent d’horizons variés, « du monde hip-hop aussi bien que classique ou contemporain. Et c’est ce côté un peu cosmopolite que j’aime et qui m’alimente. »
Père de deux enfants, Kamel Ouali ne les obligera jamais à danser. Mais quand il voit son petit Rock reprendre la guitare ou France, quinze mois, danser sans arrêt, il voit bien que sa progéniture est déjà plongée dans un monde artistique.
Issu d’une famille de douze frères et sœurs, il n’avait pas “pas prévu d’en faire un métier”. C’est à La Courneuve, où il vécut enfant, qu’il participa à un spectacle de fin d’année. « J’ai passé un moment merveilleux, ce fut une révélation. J’ai quitté le cours en disant à ma sœur : Quand je serai grande, je veux inventer la danse. » Il n’avait que 10 ans.
Bio express
> Né en 1971 à Paris.
> Après de nombreux clips et performances scéniques, il assure la chorégraphie de la comédie musicale Les dix commandements en 2000.
> Entre 2001 et 2008, il a été professeur à la Académie des étoiles sur TF1.
> Il part Le Roi Soleilsa propre comédie musicale, en 2005.
> Il a contribué à la conception de l’attraction « Danse avec les robots » du Futuroscope en 2006.
> Il devient chorégraphe du cabaret Paradis latin en 2019 et invente Mon premier cabaret pour les enfants.