Procès pour viol à Mazan | La famille Pélicot « détruite », mais en lutte contre « l’insupportable »

Procès pour viol à Mazan | La famille Pélicot « détruite », mais en lutte contre « l’insupportable »
Procès pour viol à Mazan | La famille Pélicot « détruite », mais en lutte contre « l’insupportable »

(Avignon) Comment faire face lorsque leur père a violé et a fait violer leur mère par des inconnus sous soumission chimique ? La famille Pélicot, au cœur d’un procès historique en , est « anéantie », torturée par des questions restées sans réponse, mais déterminée à ce que la société refuse « l’insupportable ».

Isabelle WESSELINGH

Agence -

Le procès des viols en série à Mazan, dans le sud-est de la France, a exposé au monde entier les ravages des violences sexuelles, ravages décuplés lorsqu’elles surviennent au sein de la famille avec la trahison d’un père, d’un mari, d’un père- en droit…

Dominique Pelicot, 72 ans, est accusé d’avoir drogué sa désormais ex-femme, Gisèle, du même âge, pour la violer et la livrer à des dizaines d’inconnus recrutés via internet pendant une décennie à Mazan, dans cette maison où la famille aimait pour se retrouver, profitez d’un apéritif en terrasse.

“Une famille entière a été détruite”, a résumé l’aîné de la fratrie, David, 50 ans, devant le tribunal le 18 novembre.

« Quant à imaginer que le chef d’orchestre était celui qu’on croyait sain, fidèle, en qui on avait confiance… », remarque Caroline, la fille de Gisèle Pelicot.

Elle a été la première à écrire sur le tremblement de terre qui a bouleversé « sa vie simple » et fracturé sa famille, dans un livre publié en 2022, Et j’ai arrêté de t’appeler papa.

Au procès, David n’utilise plus le terme de père, parlant de « cet homme dans la boîte ». Florian, 38 ans, dit vouloir « faire un test de paternité » car « il ne dort plus la nuit ».

« Mon monde s’effondre, tout ce que j’ai construit pendant 50 ans », témoigne Gisèle, officiellement divorcée juste avant le début du procès et imperturbable lundi par sa dernière tentative d’excuses.

« Touché définitivement »

“Tout le monde est durablement marqué par cette horreur”, souligne M.e Antoine Camus, à quelques jours du verdict, attendu jeudi. Avec son collègue Me Stéphane Babonneau, ils représentent tous les membres de la famille partie civile, jusqu’aux petits-enfants. «Ils ont perdu leur innocence», insiste au tribunal l’une des belles-filles, Céline.

« Avant le procès, tout le monde était en quête de vérité : qui est au fait cet homme ? Qu’a-t-il fait ? Depuis quand? Tous nos souvenirs sont-ils faux ? », raconte à l’AFP Me Camus.

« Ils n’ont pas eu de réponse car Dominique Pelicot ne dit que ce qu’il a envie de dire. Tant que l’évidence ne lui est pas agitée sous le nez, il ne dit rien », ajoute celui qui comprend malgré tout cet « espoir » d’obtenir des réponses. “On se dit “quand je l’aurai devant moi, il crachera la vérité””.

Cette absence de réponse est particulièrement violente pour Caroline. Les enquêteurs ont retrouvé des photos d’elle nue, prises à son insu, sur l’ordinateur de son père, arrêté à l’automne 2020. Sur certaines, elle apparaît endormie, vêtue des sous-vêtements de sa mère, dans un dossier au nom inquiétant.

Malgré les appels de ses frères à l’audience, dont celui de David, « s’il vous reste encore un peu d’humanité, [je voudrais que] “Vous dites la vérité sur les agissements que vous avez eus sur ma sœur qui souffre”, continue de nier Dominique Pelicot. Tout comme il reste laconique sur les photos de ses belles-filles prises à leur insu.

Caroline se sent « l’oubliée » du procès : « Gisèle a été violée sous soumission chimique, la seule différence entre elle et moi c’est le manque de preuves me concernant », assène-t-elle à la barre.

Combattantes

Mais la « famille va continuer à se battre », assure David, évoquant la douloureuse reconstruction de chacun et d’une cellule reconstituée en effaçant Dominique Pelicot.

Caroline continue son combat pour alerter sur les dangers de la soumission chimique. « Elle a rapidement posé le diagnostic que ce dossier transcende l’histoire familiale », raconte M.e Camus.

En publiant son livre en 2022 – tout en préservant l’anonymat de ses proches –, à l’heure où Gisèle préférait rester discrète, Caroline écrit qu’elle a voulu « transformer cette boue en matière noble », pour aider les victimes à surmonter le « poids de la honte », « refuser l’insupportable ».

Deux ans plus tard, sa mère refuse de tenir le procès à huis clos, faisant résonner le débat sur le viol dans le monde entier.

“Quand elle a vu les vidéos en mai, elle s’est demandé ‘comment était-il possible que j’aie été traitée comme ça, comme un sac poubelle, des centaines de fois ?’ Qu’on trouve des dizaines de personnes pour violer une femme inerte ? Elle pensa : « Qu’est-ce que cela dit sur nous tous ? En tant que société », explique Me Camus.

Si Caroline et Gisèle vivent les choses différemment – ​​« chacune fait ce qu’elle peut, regarder l’avenir à 72 ans, ce n’est pas la même chose qu’à 46 ans », souligne l’avocate –, elles ont ce « dénominateur commun », des combats plus larges, et une formule prise » des deux côtés : « Pour que la honte change de camp ».

 
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