(Séoul) L’opposition sud-coréenne a accusé lundi le parti au pouvoir d’avoir commis un « deuxième coup d’État » en refusant de destituer le président Yoon Suk-yeol après sa tentative ratée d’imposer la loi martiale, et en se rendant coupable de manœuvres « illégales et anticonstitutionnelles » pour continuer à gouverner.
Mis à jour hier à 23h03
Hieun SHIN
Agence France-Presse
La Corée du Sud a plongé mardi soir dans le chaos politique, lorsque M. Yoon a déclaré de manière inattendue la loi martiale, avant d’être contraint de l’abroger six heures plus tard, sous la pression du Parlement et de la rue.
Une motion de révocation à son encontre a été soumise au vote des députés samedi, mais elle a échoué, son Parti du pouvoir du peuple (PPP) ayant boycotté et invalidé le vote faute de quorum.
Le PPP avait alors expliqué avoir « obtenu » de M. Yoon, en échange de ce blocage, sa « promesse » qu’il se retirerait et qu’il laisserait la gouvernance à son parti ainsi qu’au Premier ministre.
“Peu importe comment ils essaient de le justifier […] c’est un deuxième acte de rébellion et un deuxième coup d’État, illégal et inconstitutionnel», a tonné lundi Park Chan-dae, chef du Parti démocrate au Parlement, largement favorable à l’opposition.
La Constitution sud-coréenne stipule que le président reste le chef du gouvernement et des forces armées à moins qu’il ne soit incapable d’assumer ses fonctions (s’il tombe dans le coma par exemple), qu’il démissionne ou qu’il soit destitué. Dans ces cas, son autorité est transférée au Premier ministre jusqu’à la tenue de nouvelles élections.
Déclarer que Yoon Suk-yeol peut rester à son poste, tout en cédant ses pouvoirs au profit du Premier ministre et du PPP, est « une violation flagrante de la Constitution, sans aucune base légale », a critiqué Park Chan-dae.
La situation s’apparente à un “coup d’État silencieux”, a déclaré à l’AFP Kim Hae-won, professeur de droit constitutionnel à la faculté nationale de droit de Busan.
Enquêtes
M. Yoon est visé par une enquête policière pour « rébellion ».
Les autorités ont déjà arrêté l’ancien ministre de la Défense en exercice lors des troubles de mardi à mercredi, perquisitionné son bureau, placé plusieurs responsables sous interdiction de quitter le territoire et convoqué lundi le commandant de l’éphémère loi martiale pour l’interroger. .
Le président Yoon lui-même pourrait être convoqué, a indiqué lundi la police, ajoutant qu’elle “envisageait” de lui interdire de quitter le pays, dans un contexte d’enquête accélérée.
La police mènera ses enquêtes “conformément à la loi et aux règles, sans aucune exception”, a assuré Woo Jong-soo, chef des enquêtes de la police nationale.
Lundi, le ministère de la Défense a néanmoins affirmé que Yoon Suk-yeol restait à la tête de l’appareil sécuritaire du pays, soulignant la complexité de la situation politique.
“Légalement, [le contrôle des forces armées] est actuellement entre les mains du commandant en chef [Yoon] », a déclaré Jeon Ha-kyou, porte-parole du ministère.
Nouvelle tentative de destitution
Le leader impopulaire Yoon, 63 ans, s’est excusé samedi pour avoir déclaré la loi martiale, mais n’a pas démissionné.
Il a ensuite justifié son coup d’Etat par son « désespoir de président », alors que le Parlement torpillait pratiquement toutes ses initiatives.
« J’ai causé de l’anxiété et des désagréments au public. Je présente mes sincères excuses”, a-t-il conclu avant de s’incliner profondément devant les téléspectateurs.
Mardi soir, en proclamant la loi martiale, il a déclaré vouloir protéger la Corée du Sud des « forces communistes nord-coréennes » et « éliminer les éléments hostiles à l’État ».
Militaires et policiers ont été déployés pour sceller le Parlement, sans empêcher 190 députés d’entrer pour voter la levée de cet état d’exception.
Devant l’institution, des milliers de personnes se sont rassemblées pour réclamer la démission de Yoon Suk-yeol.
Samedi soir, alors que la motion de destitution contre lui était soumise au vote, quelque 150 000 manifestants se sont rassemblés devant le Parlement, selon la police. Les organisateurs ont revendiqué une participation d’un million de manifestants.
L’opposition a fixé sa nouvelle tentative de destitution de M. Yoon à samedi. De nouveaux rassemblements d’ampleur autour de l’Assemblée nationale sont prévus.
La cote de popularité du président a atteint un minimum de 11 pour cent, selon un nouveau sondage Gallup publié lundi par les médias locaux.