«J’ai été expulsé de l’école hôtelière»

«J’ai été expulsé de l’école hôtelière»
«J’ai été expulsé de l’école hôtelière»

Pierre Wynants, le chef le plus célèbre de Belgique, nous a donné rendez-vous au Comme Chez Soi le 19 juin prochain, à l’occasion du 98ème anniversaire de l’établissement. A sa tête désormais, son gendre Lionel Rigolet et sa fille Laurence, mais Pierre Wynants est également fier d’accueillir la cinquième génération en cuisine, en la personne de son petit-fils, Loïc, récemment auréolé du titre de Premier Maître. de l’Hôtel de Belgique.

Comment a commencé la grande aventure de Comme Chez Soi ?

« Au fond, c’est mon grand-père, Georges, qui a ouvert un établissement boulevard Maurice Lemonnier. Il ne s’appelait pas encore Comme Chez Soi, mais tout simplement « Chez Georges ». C’était un restaurant plus démocratique, mais il connut rapidement un succès. Une habituée des lieux rappelait à chacune de ses visites « Georges, on mange chez nous comme à la maison ».

Ce n’est que plus tard que le restaurant déménagera place Rouppe ?

« Oui, et petit à petit, nous avons fait évoluer la cuisine. D’abord mon père, qui a décroché la première étoile, puis moi, à ses côtés, pour remporter la deuxième et, enfin, j’ai pu obtenir cette troisième étoile tant convoitée.

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Enfant, vous étiez baigné dans la cuisine, mais votre cursus scolaire ne vous prédestinait pas à une telle réussite…

« En effet, j’étais loin d’être un bon élève. J’ai même été renvoyé de Ceria en 1954. Je n’étais pas dans la moyenne. Nous étions tout un groupe et nous préférions aller jouer au kicker plutôt qu’aller en cours. Mon père m’envoya alors dans les grandes maisons comme le Savoy, le boulevard de Waterloo ou la Tour d’Argent. Je suis aussi partie en Angleterre pour perfectionner mon anglais puis je suis revenue en Belgique. Je n’ai pas atterri directement à Comme Chez Soi puisque j’ai d’abord fait un détour par le Belvédère. Le Prince de Liège était client du restaurant. Il y a eu un problème de cuisinier au Belvédère et je suis donc allé aider. J’y ai cuisiné pour le futur roi Albert II et la reine Paola, ainsi que pour Baudouin.

Les Souverains étaient-ils des habitués du restaurant ?

« Nous avons eu le roi Léopold III, Baudouin, Albert II, Philippe. Notre roi actuel est également venu plusieurs fois et a même célébré son anniversaire de mariage avec nous. Lors d’une fête nationale, j’ai cuisiné pour un banquet derrière le Soldat inconnu. Là, j’ai eu la chance de servir la princesse Elisabeth. Au total, cinq générations de souverains sont passées à ma table.»

Vous vous êtes battu pour obtenir ces fameuses trois étoiles. Mais lorsque le relais a été passé à votre gendre, Lionel Rigolet, la troisième étoile a été retirée. Comprenez-vous cette décision de Michelin ?

«Ça faisait mal, bien sûr. Nous avons été très déçus, mais je pense avec le recul que Michelin avait raison. C’était une période où on pataugeait un peu. Je reste toujours détenteur du record du nombre d’années couronnées de 3 étoiles puisque j’ai 27 ans. Aujourd’hui, ce que je ne comprends pas, c’est qu’on a perdu la deuxième étoile même si Lionel fait un meilleur travail que lorsque je cuisinais. Les clients le disent, tout le monde le dit : nous méritons d’avoir au moins une deuxième étoile.

Vous avez remporté de nombreux autres titres dans votre carrière. L’un d’eux vous tient particulièrement à cœur ?

» Sans aucun doute la Légion d’honneur française. Je suis le seul dans la profession à avoir reçu une telle récompense. Et, ce vendredi, nous venons également de recevoir une nouvelle distinction de la part de Rudy Vervoort. Cela fait 15 ou 20 ans qu’on ne décerne plus de médailles, c’est donc une fierté de se voir ainsi récompensé. Freddy Vandecasserie (chef historique de la Villa Lorraine) et Jean-Pierre Bruneau ont également été distingués.

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Pour parler de titres, d’un tout autre genre, vous en avez vécu beaucoup avec votre club préféré, le Sporting Anderlecht. Comment est née cette passion pour les Mauves ?

« Je suis l’un des plus anciens supporters d’Anderlecht. Cela est dû à mon père, qui allait rarement au football car le restaurant était alors fermé le lundi. Il n’a donc pas eu la possibilité de se rendre au stade. Grâce à sa connaissance auprès de la clientèle, j’ai pu jouer un peu au football à Anderlecht. Parmi ses clients, il y avait notamment une grande compagnie d’électricité où travaillait un certain Félix Week. C’est ainsi que j’ai été présenté à Eugène Steppé, qui était secrétaire général du Sporting Anderlecht, et à Albert Roosens, alors président. Cela m’a permis de jouer un petit peu à Anderlecht. J’ai fait de l’athlétisme aussi, mais pas pour longtemps non plus parce que le métier m’appelait.

Lors du match test contre Bruges en 1986, Pierre Wynants appelle Michel Verschueren pour inviter le Sporting en cas de titre : premier dîner d’une longue série avec l’équipe d’Anderlecht. ©Bernard Demoulin

Cela ne vous a pas empêché de devenir un fervent supporter du RSCA…

« Il y avait un avantage à l’époque. Le tramway local avait pour terminus la Place Rouppe et se rendait directement à la Place De Linde. Alors mes parents m’ont laissé aller au football seul. J’ai vécu la grande époque du Sporting. J’ai visité tous les stades belges et j’ai effectué de nombreux voyages à l’étranger. A l’Ajax, le PSV, Twente, Wembley, Arsenal, l’AC Milan pour le dernier match de Georges Grün, le Real et le Barça, l’Atlhetic Bilbao, Rome, le PSG, Lens, le Bayern, le Panathinaikos et Glasgow. Durant le voyage à Lyon, nous sommes allés manger chez Bocuse. Nous y avons croisé la délégation de match. Je suis même allé à Hong Kong ! Le sponsor principal était alors la Banque Générale. Elle a fêté son trentième anniversaire et, à cette occasion, a organisé un match amical contre l’équipe de Hong Kong. Il s’avère que ma plus jeune fille suivait en même temps une formation hôtelière à Hong Kong. Nous en avons profité pour faire le déplacement.

Quel sera votre meilleur souvenir de ces matchs face aux grands d’Europe ?

« Je me souviens d’un match contre le Real, qui avait lieu au Heysel. Pour la première fois, le grand Real s’est fait battre, grâce à un but de Jurion, à 7 minutes du terme. Et à trois minutes de la fin, Verbist s’offrait une nouvelle fois le luxe de dribbler Di Stéfano sur la grande place. La fête était totale.

Comme dans toutes les histoires d’amour, il y a parfois des moments plus sombres. Était-ce également le cas à Anderlecht ?

« Oui, je me souviens avoir rompu mon abonnement et l’avoir envoyé à Constant Vanden Stock. J’étais en colère car pour pouvoir suivre les matchs au stade, j’avais décidé de fermer le dimanche. Ensuite, Anderlecht a commencé à jouer samedi soir. Pour moi, c’était devenu impossible d’aller au match. Mais j’ai continué à partir sur la route et à l’étranger autant que possible.

Si vous n’alliez plus aussi souvent à Anderlecht… c’étaient ces joueurs qui venaient chez vous, notamment pour fêter les titres…

» Cela a commencé en 1986. Pour la seule fois, le titre s’est joué après un match test, contre Bruges. Lors du match aller, au stade Constant Vanden Stock, le match s’est soldé par un match nul : 1-1. La situation commençait mal. J’ai appelé Michel Verschueren et lui ai dit que j’inviterais toute l’équipe à manger si nous étions champions. Au retour, Bruges menait 2-0 à la mi-temps, mais Anderlecht renversait la situation pour revenir à 2-2. Nous avons célébré encore 7 ou 8 fois après cela, puis ça s’est arrêté. Aujourd’hui, je ne connais presque personne, à l’exception du président Coucke, de Wouter Vandehaute et de Michael Verschueren. Mais de toute façon, avec les obligations des joueurs une fois le championnat terminé, une telle célébration ne serait plus possible. Je suis joueur d’Anderlecht depuis 72 ans, mais pour des raisons de santé, je ne peux plus aller au stade. Ma fille prendra ma place et le flambeau. Cependant, je suis toujours très heureux de parler football avec mon ami Patrick De Corte. Avec sa femme Fabienne et ses enfants, nous avons également développé la sauce équitable, fabriquée à Didden.

Raymond Goethals était un fidèle fan de Comme Chez Soi. ©Bernard Demoulin

Supporter d’Anderlecht, vous avez également de la sympathie pour d’autres clubs bruxellois…

» Oui, pour m’amuser j’ai souscrit un abonnement à l’Union, où j’ai côtoyé Danny Ost, le fils de Jean Cornelis et Dany Spreutels. De même, lors d’une visite à la Foire du Midi, j’ai rencontré Thierry Dailly. Nous avons pris un verre ensemble et par sympathie, j’ai promis de souscrire un abonnement au RWDM. Mais l’ex-président a été licencié entre-temps et cela n’est jamais arrivé.»

Supportez-vous les Diables avec la même ferveur que pour Anderlecht ?

« Non, ce n’est pas la même passion. Mais je suis les matchs. Ce qui m’inquiète, c’est de voir si peu de joueurs chanter la Brabançonne. Cela donne l’impression qu’ils ne veulent pas tout donner pour la Belgique. J’ai été très déçu de la défaite contre la Slovaquie et même si Vertonghen se sent plus optimiste qu’après le match contre le Canada, je reste aussi dubitatif. Parce que la Roumanie, avec des gars comme Stanciu, sera un os plus difficile à ronger que la Slovaquie.»

 
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