Le 17 novembre, nous célébrons le 170e anniversaire de la naissance d’une figure emblématique de notre histoire coloniale et de nos liens profonds avec le Maroc. Brillant stratège, humaniste et modernisateur, Hubert Lyautey, maréchal de France, s’illustre par une vision de la colonisation qui, dans l’armée de son temps, se démarque. Alliant respect des cultures locales et développement des territoires sous administration française, elle a su incarner une forme unique de colonisation, fondée sur la modernisation et l’intégration. Mais au-delà d’être un chef militaire, Lyautey était aussi un penseur, partisan d’une mission civilisatrice pacifique et critique des méthodes brutales.
Un officier aux idées innovantes
Né à Nancy en 1854, Hubert Lyautey est issu d’une famille franc-comtoise et catholique. Comptant plusieurs militaires parmi ses ancêtres, il fut très tôt attiré par le métier des armes et rejoignit l’École Spéciale Militaire de Saint-Cyr en 1873 au sein de la promotion de l’Archiduc Albert. Lyautey entame une carrière militaire qui le mène aux confins des colonies françaises. En Indochine et à Madagascar, il sert sous les ordres du général Gallieni, adepte de la « conquête civilisatrice », Lyautey est profondément marqué par cette expérience.
En 1907, Lyautey, général depuis 1903, fut chargé de pacifier la région d’Oujda, en Algérie, en proie à des tensions frontales avec le Maroc. Cette mission le familiarise non seulement avec le Maghreb mais surtout avec la réalité marocaine, un pays où l’autorité centrale est contestée par de nombreuses tribus locales. Lyautey applique alors une approche pragmatique alliant diplomatie et fermeté militaire. En stabilisant les territoires conquis tout en respectant les traditions locales, il pose les bases de ce qui deviendra son mode de gouvernance et la clé de sa réussite au Maroc en 1912.
Le bâtisseur du Maroc moderne
Nommé en 1912 résident général de la France au Maroc, Lyautey se lance dans une œuvre de pacification et de modernisation sans précédent. Plutôt que de détruire les structures existantes, il s’appuie sur les élites locales et respecte le rôle du sultan Moulay Youssef, tout en menant de profondes réformes. Selon Lyautey, une administration réussie d’une terre considérée presque comme une colonie doit passer par l’éducation, la santé et le développement économique des populations locales. Avec cet objectif, il développe des routes pour désenclaver les régions reculées, construit des écoles pour éduquer les populations, des hôpitaux pour sauver des vies et favorise l’agriculture et le commerce. Lyautey cherche également à promouvoir la culture marocaine et insiste pour que les administrateurs français respectent les coutumes locales. Cette approche lui a valu l’estime de nombreux Marocains, même si certains nationalistes veulent le voir comme un simple colonisateur paternaliste parmi d’autres. Malgré les critiques, sa politique a laissé une empreinte durable sur le Maroc, contribuant à en faire un protectorat relativement stable. Cette situation permet également l’établissement de liens profonds entre nos deux pays, qui se sont poursuivis, malgré les vicissitudes, jusqu’à aujourd’hui avec la récente visite d’État d’Emmanuel Macron au Maroc.
Un patrimoine basé sur le respect des personnes
Cependant, en 1916, la Première Guerre mondiale rappelle Lyautey en France, où il est brièvement nommé ministre de la Guerre. En effet, quatre mois après sa nomination, il finit par démissionner en raison de désaccords avec l’état-major, notamment concernant la prochaine offensive du Chemin des Dames, qu’il jugeait comme une mauvaise idée. Il retourne ensuite au Maroc et reprend son travail temporairement interrompu. En 1921, il est élevé au rang de Maréchal de France en reconnaissance de ses services. En 1925, face à une insurrection menée par Abd el-Krim dans le Rif, il prône la prudence pour éviter une guerre destructrice. Jugé inefficace par le Cartel de gauche, il est finalement remplacé par le maréchal Pétain. Épuisé, Lyautey décide de se retirer de la vie publique. Lors de sa retraite, il s’engage dans le scoutisme, activité dont il devient l’un des piliers en France et qui lui permet d’entreprendre un retour à la foi catholique.
Lyautey décède le 27 juillet 1934 dans sa propriété de Thorey en Lorraine, et, selon ses vœux, il est enterré sur le sol marocain jusqu’en 1961. Ce fut à la demande du roi Mohammed V, inquiet d’une éventuelle profanation de sa tombe. , que le général de Gaulle fit rapatrier la dépouille du maréchal en France. Depuis, il repose dans l’église du Dôme des Invalides, dans un tombeau orné d’inscriptions témoignant de son double attachement au Maroc et à la France. On y lit notamment : « Être de ceux en qui les hommes croient ; dans les yeux où des milliers d’yeux cherchent l’ordre ; à la voix de laquelle les routes s’ouvrent, les pays se peuplent, les villes surgissent « . En arabe, une autre citation de Lyautey exprime son admiration pour le Maroc : « Plus je vis au Maroc, plus je suis convaincu de la grandeur de ce pays ».
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