On a vu « Maria », le destin tragique et réel de Maria Schneider, actrice brisée par les tournages

“ Maria», c’est Maria Schneider. Nous sommes à la fin des années 1960. Elle a 16 ans, le regard franc, le visage couvert d’une frange de petite fille. Elle n’est plus une enfant, ni encore une adulte. Son père, l’acteur Daniel Gélin, interprété ici par Yvan Attal, l’a invitée à assister à un tournage. Apprentie comédienne, elle l’observe avec admiration. Au fond, elle le sait…

“ Maria», c’est Maria Schneider. Nous sommes à la fin des années 1960. Elle a 16 ans, le regard franc, le visage couvert d’une frange de petite fille. Elle n’est plus une enfant, ni encore une adulte. Son père, l’acteur Daniel Gélin, interprété ici par Yvan Attal, l’a invitée à assister à un tournage. Apprentie comédienne, elle l’observe avec admiration. Au fond, elle sait peu de choses sur cet jouisseur incohérent, qui ne l’a pas élevée.

Trois ans passent. Un éminent réalisateur italien, Bernardo Bertolucci (Giuseppe Maggio), lui propose un rôle important dans un film dont le sujet sera, dit-il, « une relation physique intense ». Avec Marlon Brando (Matt Dillon) ! Elle accepte, non sans fierté.

L’équipe tourne en isolation dans un appartement parisien aussi cossu que sombre. Dans cet espace clos et étouffant, Brando règne telle une étoile noire. Il ne croit plus à rien, surtout pas au cinéma. Quel contraste entre le cynisme de ce despote qui respire la haine de soi et la foi de Maria dans son nouveau métier.

Mise en œuvre simple et frontale

La suite est malheureusement connue. Au cours d’une scène, le personnage incarné par Brando sodomise sa partenaire à l’aide d’un morceau de beurre. Ce n’était pas prévu dans le scénario. L’acteur et réalisateur a eu cette idée quelques heures avant le tournage et n’en a pas informé Maria. Elle est paralysée, se débat en vain, sous le regard vorace et cruel de la caméra. Cette humiliation, fixée à jamais sur pellicule, restera une blessure incurable pour la jeune comédienne.

Le personnage incarné par Brando sodomise sa partenaire à l’aide d’un morceau de beurre. Ce n’était pas prévu dans le script

Bertolucci justifie l’injustifiable en invoquant une prétendue quête de vérité. L’agent de Maria lui conseille d’oublier l’épisode, de faire taire sa colère. « Sinon, personne ne voudra plus vous embaucher. »

Mais Maria ne s’en remet pas et cherche une solution à ce traumatisme et à sa solitude dans la drogue. Elle a mené coûte que coûte une carrière exigeante, tournant avec Rivette et Comencini, tout en refusant farouchement, quarante ans avant #MeToo, d’obéir lorsque les cinéastes voulaient faire son film nu. Cette insubordination la marginalise.

Déménagement Anamaria Vartolomei

Adapté d’un livre de la journaliste Vanessa Schneider, sa cousine, le deuxième long métrage de Jessica Palud est de facture classique, et flirte avec le didactisme dans certaines scènes. Mais quelle force ! Il est difficile de ne pas être ému et révolté. Le cinéaste a choisi une mise en scène simple, frontale, indexée sur le point de vue de Maria, pour décrire, au-delà de son personnage, un système où les femmes se heurtent au mur du pouvoir et du silence. Elle parle de cinéma avant #MeToo, confirme qu’en matière de statut d’actrice, on a parcouru un long chemin, un très long chemin.

L’impact de « Maria » doit beaucoup à l’incarnation d’Anamaria Vartolomei, émouvante par sa fragilité et sa droiture. Elle a impressionné dans « L’Événement », d’Audrey Diwan, va vous épater dans « Le Comte de Monte-Cristo », qui sort fin juin. A 25 ans, ce talent brut s’impose solidement dans le cinéma français. Dans « Maria », elle est le visage d’une innocence meurtrie.

“Maria” de Jessica Palaud. Durée : 1 heure 40 minutes. Sortie le 19 juin.