​​la fin tragique d’Emmanuelle Debever, première accusatrice publique de Gérard Depardieu

​​la fin tragique d’Emmanuelle Debever, première accusatrice publique de Gérard Depardieu
​​la fin tragique d’Emmanuelle Debever, première accusatrice publique de Gérard Depardieu

Une femme est partie. Un nom refait surface. Le mystère d’une vie. Emmanuelle Debever a été inhumée ce jeudi à l’église Saint-Joseph de Montrouge (Hauts-de-Seine). Ce nom oublié est réapparu avec le suicide, à soixante ans, de cette actrice qui avait arrêté sa carrière à 29 ans et avait été la première accusatrice publique de Gérard Depardieu.

En 2019, sur son compte Instagram, en commentant la photo de son unique film avec la star, elle écrivait : « Monsieur Depardieu. Aujourd’hui acquitté des accusations de viol et d’agression sexuelle. Aucun commentaire. Danton par Wajda. J’ai joué Louison, la très jeune épouse de Danton. Le monstre sacré s’était permis beaucoup de choses lors de ce tournage… Profitant de l’intimité à l’intérieur d’un carrosse. Glissant sa grosse patte sous mes jupes, soi-disant pour que je me sente mieux… Moi, je ne me laisse pas faire. Ici, les yeux fixés sur l’échafaud, une tête était sur le point de tomber. D’où mon regard. »

Elle est passée à l’action fin novembre

La disparition de l’actrice a été rendue publique le jour même de la diffusion du « Complément d’enquête » – son décès a été constaté la veille, le 6 décembre – consacrée notamment aux excès verbaux sexistes et inqualifiables de l’acteur envers les femmes alors tournage en Corée du Nord.

Une coïncidence qui a poussé le parquet de Paris à ouvrir une enquête sur « les causes du décès » de cette femme qui avait changé sa vie depuis longtemps. Sur Instagram, une de ses sœurs a critiqué ceux qui ont écrit qu’elle s’était suicidée le jour de l’émission de 2, alors qu’elle avait passé à l’action fin novembre et avait été hospitalisée une semaine avant pour succomber : « Des raccourcis trompeurs. Repose en paix ma sœur. »

Ce jeudi, dans cette église de Montrouge où elle avait ses habitudes, où elle avait même « préparé des messes depuis longtemps », raconte un ami, l’ancienne comédienne a été appelée Emmanuelle Gomez par le curé qui célébrait. Le nom de son mari, Henri, son soutien quotidien, qui a longtemps médité seul dans la paroisse avant l’arrivée des parents et collègues.

Beaucoup de ces derniers ont voulu être là, avec un grand bouquet de fleurs au nom de « Vos collègues DGESO » – la Direction Générale de l’Enseignement Scolaire – ou une imposante couronne de « Vos collègues et amis Mildeca », la Mission Interministérielle de l’Enseignement Scolaire. lutte contre les drogues et les conduites addictives, placée sous l’autorité du Premier ministre.

Assistante à la mise en scène lumière durant sa seconde vie

Une seconde vie, finalement plus longue que la première, de fonctionnaire, de brillante assistante de direction. « J’adorais prendre mes pauses en même temps qu’elle. Nous avons parlé de tout et de rien. Je ne peux rien vous dire de plus», dit en larmes une de ses voisines de bureau en quittant l’église comme beaucoup d’autres.

Une autre couronne est dédiée « À notre cousin. » A la paroisse, ce sont les deux sœurs d’Emmanuelle Debever qui ont pris la parole. « Partez le cœur léger, petite abeille », conclut-elle, en référence au compte Facebook « Emma l’abeille », elle qui adorait naviguer dans tous les arts. Elle avait joué, peint, écrit, dansé. « Elle a touché à tout, vraiment. Avec des hauts et des bas. C’était quelqu’un de fort et de fragile à la fois, pendant longtemps”, souffle un ami. Emmanuelle Debever-Gomez, comme son nom est écrit sur le faire-part, aimait aussi les chats, les animaux et la vie à la campagne.

Non contacté par « Enquête complémentaire »

Depardieu ? Ce n’est ni le jour ni le moment d’en parler. L’heure de la contemplation, l’orgue a à peine sonné. A la fin des funérailles, une femme qui l’a bien connue, mais pas dans sa jeunesse, nous a confié qu’elle ne l’avait jamais entendu parler de l’acteur. L’équipe de « Complément d’enquête », le magazine de France 2, n’a pas contacté l’actrice ni ses proches lors de la préparation de son sujet diffusé le 7 décembre.

Ses sœurs parlent d’être une grande admiratrice du pianiste Alexandre Tharaud, et une tante gâteau, qui cuisinait pour ses neveux ou nièces et les emmenait au cinéma. Elle n’en fait plus, après avoir eu une carrière courte mais intense aussi bien sur le petit que sur le grand écran. Dans « Joëlle Mazart », la suite de la série à succès « Pause café » sur TF 1 avec Véronique Jannot en assistante sociale, Emmanuelle Debever incarne Corinne, une étudiante frappée par son petit ami dans un lycée professionnel de banlieue parisienne. Un de ces personnages adolescents qui auront bien besoin de cette grande sœur de rêve surnommée « Pause Café », alias Joëlle Mazart.

Elle a continué à tourner au début des années 1980

Au cinéma, elle débute également en 1982, à l’âge de 19 ans, dans « Douce enquête sur la violence », de Gérard Guérin, en sélection officielle au Festival de Cannes. Gérard Mordillat, qui a produit le film, en a ensuite fait sa propre production qui a marqué l’époque « Vive la sociale ». Joint au téléphone, ce dernier partage son émotion : « Emmanuelle est quelqu’un qu’on a vraiment choisi, comme une relation affective, dans le film de mon ami Gérard Guérin puis le mien. Nous formions tous comme une petite troupe avec les comédiens. »

Gérard Mordillat poursuit : « C’était encore une très jeune femme, extrêmement sensible et fine, avec une vraie photogénicité, et une malice un peu sérieuse, qui n’appartenait qu’à elle. Une actrice délicieuse, et puis tu sais, elle prononce en Vive le social la meilleure ligne que j’ai jamais écrite : Ils sont nés sans mémoire… »

Au début des années 1980, la très jeune femme poursuit le tournage. “Danton” avec Depardieu donc, mais aussi “Un jeu brutal”, où elle incarne la fille paraplégique de Bruno Cremer, un rebelle sensuel, qui refuse de se laisser anesthésier par ses charpentes d’acier, immobilisée dans un fauteuil roulant mais brûlant de vivre tout. Il est réalisé par Jean-Claude Brisseau, un réalisateur sensuel, décédé en 2019, qui avait été reconnu coupable de harcèlement et d’agression sexuelle.

Emmanuelle Debever dans « Un jeu brutal », où elle incarne une jeune fille paraplégique mais brûlante de tout vivre. Les films du Losange

Emmanuelle Debever, très active sur Facebook et Instagram ces dernières années, a évoqué le cinéaste et « A Brutal Game » à sa mort : « Un rôle que j’ai aimé jouer. J’aurais aimé qu’il me dirige plus doucement. Je débutais, complètement passionnée par mon métier d’actrice. Il ne s’est jamais mal comporté envers moi. Accusé puis reconnu coupable de harcèlement sexuel. Il se serait perdu dans ses fantasmes et l’aurait malheureusement payé cher. Ce que je dis : une actrice doit savoir dire non et s’imposer des limites. Jamais, quel que soit le rôle proposé, je n’aurais franchi certaines barrières. Adieu. Bon voyage… Merci de m’avoir choisi pour jouer Isabelle, un superbe rôle.

“Si on me proposait un rôle intéressant, je dirais oui”

Sur son profil Facebook, elle avait écrit comme emblème : « Faites de petites choses mais faites-les bien. Souris a la vie. » Elle répondait aux amis ou admirateurs qui lui demandaient si elle continuait à tourner : « Non. Sans aucune frustration. Au lieu de cela, j’écris et je peins. Mais si on me proposait un rôle intéressant, je dirais oui. » Personne ne le lui a proposé.

Emmanuelle Debever, cette actrice dont on ne se souvient plus, oscillait entre ses passions, comme “ces petites aquarelles de type naïf”, qu’elle peignait, et ses doutes, “parfois violents, très violents, et récurrents”, confie un ami : “Elle a vécu tellement de choses. Pour certains, la vie est plus dure que pour d’autres… » Elle adorait les psaumes. Sa famille, ses amis, ses collègues chantaient pour elle sous des vitraux rouges qui réchauffaient l’âme : « Quand les portes de la vie/S’ouvriront devant nous/Dans la paix de Dieu/Nous vous reverrons. »

 
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