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Ambition. Déclaration. Action : pour une plus grande liberté constitutionnelle

En juin dernier, le gouvernement du Québec nous a confié le mandat de recommander des mesures visant à protéger et à promouvoir les droits collectifs de la nation québécoise, à assurer le respect de ses valeurs sociales distinctes et de son identité, et à garantir le respect des domaines de compétences québécois et accroître son autonomie au sein de la fédération canadienne.

Le rapport que nous avons déposé propose une approche structurée et globale pour permettre au Québec d’exercer pleinement sa liberté constitutionnelle. Il s’appuie sur les caractéristiques de la nation québécoise et prend acte des combats menés au fil du temps par les gouvernements de tous horizons. Toutefois, dans un contexte marqué par le déclin continu du français, la multiplication des ingérences fédérales ainsi que les défis liés à la mondialisation, il exhorte également le Québec à intensifier son action et, désormais, à faire preuve d’audace.

Une posture ambitieuse, affirmée et proactive

Dans cet esprit, le Québec doit à la fois occuper pleinement son espace et chercher à progresser de manière unilatérale. Certains gestes posés au cours des dernières années, comme consacrer l’existence de la nation québécoise au Loi constitutionnelle de 1867font déjà partie de cette démarche.

Bien entendu, dans une fédération comme le Canada, l’unilatéralisme a aussi ses limites. C’est pourquoi, afin de réaliser des réformes spécifiques, nous proposons que le Québec emprunte la voie d’une modification constitutionnelle bilatérale. Seul l’accord de l’Assemblée nationale et du parlement fédéral sera alors nécessaire. Le Québec a également suivi avec succès cette démarche en 1997 en déconfessionnalisant ses commissions scolaires.

Ultimement, comme certaines avancées ne peuvent se réaliser sans la participation des autres États fédérés, le Québec doit également travailler à établir des conditions favorables à des réformes multilatérales au sein de la fédération.

Une constitution québécoise

Certains gestes forts proposés dans le rapport permettent de véritablement structurer notre posture. Tout d’abord, nous recommandons l’adoption d’une Constitution québécoise codifiée. Il s’agirait de réunir dans un même texte les caractéristiques de la nation québécoise, les symboles qui y sont associés, les fondements de l’État québécois ainsi que les références qui sont essentielles aux lois fondamentales, dont la Charte des droits et libertés de la personnele Charte de la langue française et le Loi sur la laïcité de l’État.

La commission propose également l’adoption d’une loi-cadre sur les libertés constitutionnelles qui viserait à empêcher les ingérences fédérales. La défense et l’augmentation des libertés constitutionnelles du Québec seraient alors une responsabilité partagée par tous les ministères et organismes publics. A terme, certaines mesures pourraient compléter ce dispositif, notamment une commission parlementaire dédiée aux affaires constitutionnelles et internationales, ainsi qu’un Conseil constitutionnel.

Investir dans les institutions et affirmer les particularités du droit québécois

En même temps, le Québec gagnerait à accroître sa liberté constitutionnelle dans les institutions de la fédération. En ce sens, le comité propose de jouer un rôle plus important dans la sélection des candidats aux postes de juge des cours supérieures et de lieutenant-gouverneur.

De plus, nous recommandons qu’une modification constitutionnelle bilatérale établisse la prépondérance des lois du Parlement du Québec relatives à la propriété et au droit privé. Cette dernière est toujours restée la meilleure juge de l’état de sa culture, de sa langue et de sa tradition civile. Certaines mesures pourraient également être prises pour favoriser une interprétation des droits et libertés mieux adaptée au contexte québécois et confirmer que le droit à l’éducation dans la langue minoritaire ne doit pas y être interprété de la même manière qu’ailleurs au Canada.

Autonomie fiscale

Concernant le partage des pouvoirs législatifs et l’équilibre fiscal au sein de la fédération, nous recommandons de contester judiciairement tant le prétendu pouvoir fédéral de dépenser que le plafond imposé à la péréquation. À notre avis, ces mesures s’accompagnent de la revendication d’un droit de retrait avec pleine compensation constitutionnalisé pour le Québec. Le comité propose en outre que le Transfert canadien en matière de santé – avec les conditions et sanctions qui en découlent trop souvent – ​​soit remplacé par un transfert de TPS, et que le Transfert canadien en matière de programmes sociaux remplace une augmentation de taxe équivalente à l’espace pour le Québec. La mise en place d’une déclaration fiscale et d’une administration fiscale uniques nous semble également opportune.

Immigration, culture et relations internationales

Comme plusieurs, nous recommandons avant tout l’adoption d’une loi consacrant le modèle québécois d’intégration et de gestion du pluralisme. En matière d’immigration, Québec doit également négocier une entente avec Ottawa sur le partage des responsabilités et des ressources à l’égard des demandeurs d’asile. Ces mesures s’inscrivent dans la continuité de la volonté historique du Québec de revendiquer toutes les compétences nécessaires à son identité.

Afin de protéger cette spécificité, la commission recommande également de constitutionnaliser le principe du prolongement des compétences du Québec dans le monde numérique. Nous proposons parallèlement de renforcer la mission éducative et culturelle de Télé-Québec, et d’exiger que le respect et la défense de la spécificité québécoise soient précisés dans le mandat de la Société Radio-Canada.

Finalement, il nous semble plus que approprié d’inclure la doctrine Gérin-Lajoie dans la constitution codifiée du Québec ainsi que dans la Constitution du Canada, en plus de lier l’adhésion du Québec aux traités internationaux conclus par le gouvernement fédéral à sa participation aux négociations, puis accroître l’action et le pouvoir d’influence du Québec à l’échelle internationale.

Ces recommandations sont à la fois ambitieuses et réalistes. Il appartient maintenant à nos élus d’agir pour permettre au Québec d’affirmer et de préserver son identité, tout en concevant un avenir à la hauteur de ses aspirations.

Membres du comité consultatif sur les questions constitutionnelles au Québec au sein de la fédération canadienne
  • Amélie Binetteprofesseur au Département de droit de l’Université du Québec en Outaouais;
  • Luc Godboutprofesseur titulaire au Département de fiscalité de l’Université de Sherbrooke, titulaire de la Chaire en fiscalité et finances publiques de l’Université de Sherbrooke;
  • Catherine Mathieuprofesseur à la Faculté de science politique et de droit de l’Université du Québec à Montréal;
  • Sébastien Proulxavocat, ancien ministre de l’Éducation, du Loisir et du Sport et ancien ministre de la Famille ;
  • Guillaume Rousseauprofesseur titulaire à la Faculté de droit de l’Université de Sherbrooke et directeur des programmes de droit appliqué et politiques de l’État;
  • Martine Tremblayconsultant en affaires publiques, ancien sous-ministre et ancien chef de cabinet des premiers ministres René Lévesque et Pierre Marc Johnson.
 
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