« Je l’ai identifié grâce à ses doigts » : Suzanne Karkaba, secouriste libanaise, n’aurait jamais pensé qu’elle devrait un jour fouiller dans les décombres d’un centre de la Protection civile visé par un bombardement israélien pour retrouver le corps de son père Ali.
Egalement sauveteur, “mon père était là et dormait ici pour pouvoir sortir, avertir les gens” avant les attaques israéliennes, “récupérer les corps et les remettre aux familles”, raconte Mme Karkaba dans son uniforme vert olive. , les larmes aux yeux et la voix fatiguée.
Car depuis près de deux mois le Liban est déchiré par la guerre entre le Hezbollah et l’armée israélienne, qui bombarde chaque jour les bastions du mouvement islamiste pro-iranien.
« Je l’ai identifié grâce à ses doigts, c’est comme ça que j’ai retrouvé mon père », poursuit la jeune femme qui avait rejoint les secouristes au Liban sur les traces de son père.
Il ne comprend toujours pas pourquoi une attaque israélienne a visé jeudi soir le principal centre de la Protection civile libanaise, une institution gouvernementale chargée des opérations pour l’est du Liban, dans la ville de Douris, à l’extérieur de Baalbeck.
Autour d’elle, dans la place gardée par l’armée, des dizaines de personnes, sauveteurs et habitants, se pressaient près des décombres à la recherche de victimes.
Parmi les blocs de béton et les barres de fer, un camion rouge de la Protection Civile est éventré. Deux excavateurs, guidés par des sauveteurs, tentent d’évacuer les décombres.
Plus loin, deux hommes inspectent un sac, espérant identifier l’une des victimes grâce à son contenu. D’autres sauveteurs évacuent un corps enveloppé dans un sac mortuaire.
«Maintenant, c’est à mon tour de récupérer les morceaux du corps de mon père pour l’enterrer», raconte Suzanne Karkaba. “Je ne sais pas à qui crier : mon père, le directeur du centre ou mes amis de dix ans.”
– « Nous sommes des cibles » –
L’attaque du centre de Douris a tué 14 secouristes, a déclaré vendredi à l’AFP Samir al-Chakiya, un responsable local de la protection civile, ajoutant que les recherches se poursuivaient pour retrouver au moins deux autres collègues.
Contactée par l’AFP au sujet de cette attaque, l’armée israélienne n’a pas immédiatement réagi.
Le Hezbollah a ouvert le 8 octobre 2023 un front contre Israël en soutien au Hamas dans la bande de Gaza, constamment bombardée par l’armée israélienne en représailles à une attaque d’une ampleur sans précédent du mouvement islamique palestinien sur son territoire.
Après presque un an de fusillades transfrontalières, la situation a dégénéré en guerre ouverte le 23 septembre et l’armée israélienne mène une campagne d’attaques intenses au Liban.
Avec des bombardements massifs frappant quotidiennement des localités du sud et de l’est du Liban et des bastions du Hezbollah, les sauveteurs et le personnel médical n’ont pas été épargnés.
Selon les données du ministère libanais de la Santé, plus de 150 sauveteurs, dont certains travaillaient avec des associations affiliées au Hezbollah ou à ses alliés, ont été tués.
Jeudi, plus de 40 personnes ont été tuées au Liban dans des attaques israéliennes dans l’est et le sud du pays, selon la même Source.
Parmi ces attaques, deux « centres de secours », dont un affilié au Hezbollah, ont été visés en deux heures, a déploré le ministère dans un communiqué.
Mahmoud Issa était également à Douris vendredi pour rechercher les corps de ses collègues dans les décombres.
“Il y a encore des parties du corps que nous n’avons pas pu identifier”, a-t-il déclaré. « Est-ce que ce genre d’attaques contre les équipes de secours peut être pire que ça ? protestation.
“Nous sommes parmi les premiers à nous mobiliser pour aider, éteindre les incendies, sauver des vies humaines, transporter les blessés”, ajoute le secouriste.
“Mais maintenant, nous sommes la cible.”
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