Peut-être avez-vous vu plus d’une fois sur vos réseaux sociaux des publications promettant de « démystifier » les soi-disant « fausses promesses » des véhicules électriques ? Ces publications sont la plupart du temps fausses ou trompeuses, elles sont de toute façon partagées en masse. Voici pourquoi.
Or, il a été calculé, vérifié et répété au moins autant de fois qu’on le souhaite, par des sources fiables et officielles, allant du prestigieux MIT aux organismes gouvernementaux canadiens et européens, que les véhicules électriques sont moins polluants que leurs homologues à moteur à essence. Même si l’on prend en compte la composition de leurs batteries et la présence de métaux rares à bord. Même s’ils sont alimentés par de l’électricité qui proviendrait d’une centrale électrique au charbon.
Et pourtant, ce qui circule le plus sur les réseaux sociaux, encore aujourd’hui, c’est l’opinion inverse. Et grâce aux réseaux sociaux, cette opinion gagne sans cesse de nouveaux adeptes.
Écho, écho, écho…
C’est ce que tend à démontrer une série de sondages que vient de publier la radio publique américaine NPR. Selon ces sondages, de 2022 à 2024, le nombre d’Américains convaincus que les véhicules électriques sont moins polluants que les véhicules à essence est passé de 63 % à 58 %.
NPR a également divisé les répondants en deux groupes pour mieux comprendre ce déclin. Le premier groupe, celui des personnes interrogées qui envisagent d’acheter un jour un véhicule électrique, considère ces véhicules comme plus propres dans une proportion restée stable à 82%, de 2022 à 2024.
Dans le même temps, les choses ont beaucoup plus changé chez l’autre groupe, celui qui n’envisage pas d’acheter un véhicule électrique. La part de ce groupe estimant que l’électricité est moins polluante que l’essence est passée de 38 % à 30 % au cours des deux dernières années.
Comment est-ce possible ? Il faut y voir un effet de chambre d’écho, conclut le chercheur Ipsos qui a dirigé les sondages NPR, Graham Gordon. La chambre d’écho est un phénomène bien connu sur les réseaux sociaux, qui valide à leurs propres yeux les croyances des internautes, même celles qui sont infondées.
Constater que plusieurs d’entre eux partagent la même opinion renforce le scepticisme des sondés qui ne « croient » pas aux véhicules électriques, estime Graham Gordon. « Ils sont de plus en plus unis autour de cette idée [que ces véhicules] ne sont pas meilleurs pour l’environnement. »
Regardez ! Un écureuil !
Plus que la chambre d’écho, les réseaux sociaux accentuent l’hypersimplification des sujets complexes. Ce qui circule le mieux ces jours-ci sur les réseaux sociaux, ce sont les mèmes : des images accrocheuses qui se consomment en une seconde. Ou encore des « Reels », des séquences vidéo qui ne durent pas une minute.
On n’a pas le temps, en une image ou quelques secondes de vidéo, d’aller au fond d’un sujet complexe comme les émissions polluantes de la chaîne de production des véhicules électriques. Cela fonctionne dans les deux sens : les promoteurs des véhicules électriques parleront parfois de « véhicules zéro émission ». C’est plus simple que de dire « des véhicules qui n’émettent pas de gaz d’échappement, mais dont la production pollue et nécessite au moins un baril de pétrole par véhicule ».
Évidemment, TikTok et tout le monde le font.
Cette tendance existe depuis des décennies.
Le National Center for Biotechnology Information, une agence fédérale américaine, a calculé que le temps d’attention moyen d’un internaute en 2000 était de 12 secondes. Quinze ans plus tard, c’était 8,25 secondes. À titre de comparaison, on dit qu’un poisson rouge a une capacité d’attention de 9 secondes.
Lorsque vient le temps de se concentrer sur la consultation de contenus plus étendus, comme des rapports de recherche, l’attention des internautes diminue également, constataient des chercheurs de Microsoft à la fin de l’été dernier. En 2004, c’était en moyenne 2 minutes 30 secondes. En 2023 : 47 secondes.
Une solution proposée par Microsoft pour améliorer votre concentration ? Devenez « méta-éveillé ». Demandez-vous pourquoi vous devez absolument allumer votre téléphone et consulter les réseaux sociaux toutes les cinq minutes.
On ne se rend pas compte que ces automatismes se développent avec le temps. Et lorsque l’on ne dispose que de quelques secondes à consacrer à un sujet, une image marquante ou une courte vidéo sera plus attractive qu’un contenu plus nuancé. Ce qui contribue à renforcer nos chambres d’écho.
La question est pourtant assez simple : faut-il confier le sort des véhicules électriques à Facebook et TikTok… et à tout le reste, d’ailleurs ?
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