Le 24 novembre, les Suisses devront se prononcer sur un sujet qui divise : l’élargissement de six tronçons autoroutiers, dont celui entre Le Vengeron (GE) et Nyon. Un mal nécessaire pour éliminer les embouteillages toujours plus nombreux, selon les partisans. Un appel aérien qui générera encore plus de trafic, selon les opposants. La présidente des Verts Lisa Mazzone refuse fermement le projet, le conseiller d’Etat Pascal Broulis (PLR/VD) en est un fervent partisan. Entretiens croisés.
Pascal Broulis, pourquoi faut-il élargir les autoroutes ?
P. Broulis : En Suisse romande, Vaud et Genève ont enregistré 500’000 habitants de plus en 20 ans. Il y a donc un besoin de moderniser nos infrastructures, d’autant plus que nos autoroutes sont des vecteurs de création de richesse et de cohésion territoriale entre les populations. Par ailleurs, la route et le rail ne doivent pas être opposés : ils sont complémentaires. Nous l’avons vu avec le trou de Tolochenaz (VD). Cela a perturbé le trafic ferroviaire pendant plusieurs semaines et la route a pu atténuer le problème. Enfin, le projet est entièrement soutenu par le fonds FORTA. La route finance la route. C’est donc un projet intelligent, calibré, pas énorme, qui apportera une réelle valeur ajoutée.
Lisa Mazzone, vous refusez ces élargissements. Pour quoi?
L. Mazzone: L’élargissement des autoroutes aggravera la situation, en augmentant le trafic, les embouteillages et la pollution. Pour le tronçon Le Vengeron-Nyon, on parle de passer de 80 000 à 130 000 voitures par jour ! Cependant, si nous élargissons les autoroutes, les routes tout autour resteront les mêmes. En conséquence, en créant des capacités supplémentaires, ils seront encore plus surchargés et le trafic se dirigera encore plus vers des quartiers et des villages où les habitants souffrent déjà du bruit et de l’insécurité dus à la circulation.
Pascal Broulis : N’y aura-t-il pas une explosion avec, à terme, encore plus de trafic ?
P. Broulis: Aucun élargissement n’a été réalisé depuis la création de l’autoroute Lausanne-Genève, soit depuis 60 ans ! Durant cette période, le trafic a explosé de 440 %. Cette idée d’une offre contrôlant la demande est donc erronée ou du moins totalement déconnectée des réalités vécues quotidiennement par des milliers de navetteurs. Ce n’est pas en répétant mille fois les mêmes choses qu’elles finissent par devenir des faits établis.
Lisa Mazzone : Supprimer les goulots d’étranglement facilitera la fluidité du trafic, ce n’est pas si mal, non ?
L. Mazzone: Tout d’abord, les riverains vont devoir endurer 10 ans de travaux et de chantiers qui vont créer des embouteillages supplémentaires et envoyer camions après camions ! Ensuite, il y aura peut-être 2 à 3 ans de trafic plus fluide et tout sera de nouveau sur les rails. L’Office fédéral des routes parle lui-même d’une nouvelle saturation pour le tronçon Genève-Nyon 10 ans après sa mise en service. Cela aggrave donc le problème.
P. Broulis. Plus d’autoroutes signifie plus de pollution et de bétonnage, non ?
P:Broulis: Les six projets ne représentent que 2,3 % de la superficie totale des autoroutes. Concernant les superficies cultivées, la surface totale des travaux ne représente que 11 terrains de football, alors que ces terres agricoles représentent plus de 620 000 champs. Il est donc totalement exagéré de prétendre que l’on va bétonner le paysage. De plus, le parc de véhicules est toujours plus propre et force est de constater qu’une circulation plus fluide réduit les émissions de CO2.
Lisa Mazzone : En effet, il n’y aura bientôt plus que des voitures électriques à partir de 2035, donc plus de pollution…
L. Mazzone : Il y a une urgence pour le climat, on le voit avec les intempéries extrêmes, en Valais par exemple. C’est le nombre d’années que nous perdons à mesure que la crise s’accélère. En revanche, la production de voitures électriques, dans les pays touchés par l’extraction de métaux rares, pose des problèmes sociaux, humains et environnementaux. Ce n’est pas une solution miracle.
Pascal Broulis : On entend des craintes liées à l’épuisement du fonds Forta qui entraînerait une augmentation du prix de l’essence. Fondé?
C’est une tentative de déstabiliser les opposants. L’OFROU et le Conseil fédéral ont contesté ces propos. Le fonds FORTA dispose d’une réserve de plus de trois milliards et génère près de 9 milliards chaque année grâce à la route, via les taxes sur l’essence, les vignettes et les taxes automobiles. Ces revenus financent les autoroutes, le rail mais aussi le transfert de la route au rail. Par ailleurs, les taxes automobiles servent aussi largement à financer des projets de transports publics, de gares ou de chemins de fer ! Sans la voiture, c’est donc le contribuable qui paierait seul toutes les dépenses de notre mobilité.
Lisa Mazzone : Vous trouvez le projet excessif, pourquoi ?
L. Mazzone : Berne prévoit de consacrer plus de 5 milliards de francs à ces extensions, tandis que des crédits sont supprimés dans les crèches, l’AVS, les subventions aux assurances maladie et la protection du climat. Soit en moyenne une seule personne par voiture aux heures de pointe ! De plus, les autres projets sont totalement excessifs. A Berne, il y aura huit voies. À Schaffhouse, une autoroute à deux étages ! Des premières en Suisse. Ce n’est pas défendable.
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