(Québec) François Legault brandit le recours à la clause dérogatoire pour forcer les nouveaux médecins à débuter leur pratique dans le public. Après avoir déclaré vouloir « sevrer » le réseau du secteur privé, Christian Dubé reconnaît s’être trompé : le secteur privé restera « complémentaire du public ».
Publié à 9h40
Mis à jour à 16h24
Le premier ministre a jeté la clé dans la mare en déclarant que Québec aura recours à ce moyen exceptionnel dans le projet de loi du ministre Christian Dubé qui veut obliger les médecins nouvellement diplômés à travailler dans le public « pendant les premières années » de leur pratique.
« Nous formons des médecins à grands frais dans nos universités. Ensuite, il y en a qui vont en Ontario, il y en a qui vont dans le secteur privé. On dit : pendant un certain nombre d’années, il faut travailler dans le public. […] Cela veut dire qu’il faut utiliser la clause dérogatoire. Oh ! Là, Québec solidaire sera en colère. La clause d’exemption, on n’y touche pas», a tonné M. Legault, suivi de Gabriel Nadeau-Dubois.
Le ministre de la Santé n’avait pas évoqué ce scénario jusqu’à présent. Dimanche, il a annoncé son intention de déposer un projet de loi d’ici la fin de la session parlementaire. «Je n’ai aucun commentaire à faire là-dessus», a brièvement déclaré M. Dubé à sa sortie du Salon rouge. Son cabinet a précisé que « ces discussions » auront lieu lors du dépôt du texte législatif.
En 2012, alors qu’il était sur les bancs de l’opposition, François Legault affirmait qu’un gouvernement caquiste serait prêt à utiliser la clause dérogatoire pour obliger les médecins qui quittent la province après leurs études à rembourser le coût de leur formation. Il a également réfléchi à la question en 2003, alors qu’il était ministre de l’Éducation sous un gouvernement péquiste.
Avec son projet de loi, Québec veut freiner l’exode des médecins vers le secteur privé, « une tendance croissante », selon le ministre de la Santé. Le gouvernement rappelle que « la formation d’un médecin coûte, résidence comprise, entre 435 000 $ et 790 000 $ aux contribuables québécois et que le nombre de places pour étudier la médecine est limité ».
Selon les données fournies par le cabinet, 136 médecins de famille ont quitté le régime public au cours des premières années de leur pratique, entre 2020 et 2024. Ce nombre est de 57 parmi les médecins spécialistes pour la même période.
Mardi, le ministre a fait valoir que le projet de loi sur les nouveaux médecins est un premier élément de sa stratégie et qu’il pourrait être « plus fort » qu’annoncé et contenir d’autres moyens pour freiner l’exode.
M. Dubé a mentionné qu’« il est évident » que les règles permettant aux médecins d’aller et venir entre le régime public et le secteur privé « doivent être corrigées ». Depuis mars, il a entre les mains un projet de règlement approuvé par la RAMQ pour augmenter le délai de désaffiliation du régime public. Actuellement, un médecin peut le faire jusqu’à 19 fois par an.
Il s’est également montré favorable à l’établissement de tarifs maximaux pouvant être facturés dans les cliniques privées.
Dubé change d’avis
Autre rebondissement mardi. Après avoir déclaré vouloir « sevrer » le réseau de la santé du privé, Christian Dubé admet s’être fourvoyé. Le secteur privé restera « complémentaire au public », a-t-il rectifié.
Christian Dubé a provoqué la surprise mardi matin en affirmant, lors d’une interpellation au Salon rouge, qu’il voulait cesser progressivement d’avoir recours au privé. « Je pense qu’on est rendus très près d’être capables de se sevrer graduellement du privé », a lancé le ministre. Il s’agissait d’un « changement de cap majeur », s’est notamment réjoui Québec solidaire.
Or, le ministre s’est trompé. « J’ai fait une erreur de terme, j’aurais dû regarder dans le dictionnaire avant. Je vais être très, très clair, le privé va rester complémentaire au public, on en a besoin pour servir les patients, je suis content de corriger [mon propos] “, a-t-il déclaré après coup.
M. Dubé a ajouté que l’utilisation de l’expression « retrait » s’appliquait plutôt à son engagement déjà connu d’abolir le recours aux agences de placement dans le réseau public d’ici 2026. Or, au Salon rouge, au contraire, il a utilisé cet exemple. pour expliquer sa « vision » globale de la place du secteur privé dans le système de santé québécois.
Le ministre a également ajouté que les prochains mois serviront à « se mettre d’accord sur la période de transition que nous devrions avoir » pour réduire la contribution du secteur privé à la santé. Il a fait ses déclarations lors d’une interpellation – une procédure parlementaire au cours de laquelle le ministre répond aux questions de l’opposition. L’exercice portait sur « la montée de la privatisation des soins de santé au Québec ».
Cela tombait à point puisque le Collège des médecins a demandé lundi au gouvernement Legault de freiner immédiatement l’expansion des soins de santé privés. Ce à quoi M. Dubé s’est dit d’accord.
Lire l’article « Le Québec doit freiner, estime le Collège des médecins »
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