Au printemps 2023, deux employés du Café Pékoe, situé dans la basse-ville de Québec, rachètent l’entreprise fondée en 2016. Alexandra Maltais et Josiane Thériault, alors âgées de 30 et 32 ans, font partie des rares jeunes repreneurs de la province.
C’est comme si vous montiez à bord d’un train qui roule déjà et que vous deviez le maintenir à la même vitesse. Idéalement, il faudrait avancer encore plus vite
explique Alexandra Maltais, assise à une table de pique-nique dans le petit café du quartier.
Les femmes entrepreneures, passées du statut deemployés
à celui de les patrons
font partie des 5% de jeunes acheteurs au Québec.
C’était un bon défi
souffle Josiane Thériault. Obtenir un financement pour la restauration n’est pas facile. C’est un domaine saturé et risqué.
Une contribution financière des grands-parents d’Alexandra aide le couple d’entrepreneurs à investir le capital nécessaire pour racheter l’entreprise, un coup de pouce qui aide la jeune femme à atteindre un vieux rêve
.
C’est sûr que nous n’avons pas démarré l’entreprise, mais nous y apportons petit à petit notre propre touche et partons d’un cadre qui existe.
Les transferts dépassent les créations d’entreprises
Les transmissions d’entreprises ont considérablement augmenté depuis 2015. En 2021, il y en a eu 8 600, dépassant ainsi la création de nouvelles entreprises, selon les dernières données du Centre de transfert d’entreprises du Québec (CTEQ).
En 2021, la Capitale-Nationale était deuxième, après Montréal, parmi les régions les plus actives en matière de transmission d’entreprises au Québec, selon le Mouvement Desjardins.
Cette année, plus de 2 000 transferts d’entreprises sont attendus partout au Québec, ce qui est beaucoup. Ce sont des valeurs totales de plus de 3 milliards de dollars
appuie Jean-Yves Bourgeois, premier vice-président services aux entreprises du Mouvement Desjardins.
L’entrepreneuriat est un enjeu essentiel pour l’avenir économique du Québec, selon Jean-Yves Bourgeois.
Photo : Radio-Canada / Anne-Sophie Roy
Le nombre record d’entreprises à transférer au Québec s’explique d’abord par le vieillissement des propriétaires et une baisse des intentions de démarrer une entreprise. Selon les estimations du Business Research Institute, environ 34 000 personnes envisagent de vendre leur entreprise au cours des cinq prochaines années. PME et Statistique Canada.
C’est vraiment notre économie qui est en jeu
s’inquiète Pierre Graff, PDG du Regroupement des Jeunes Chambres de Commerce du Québec. Avec d’éventuelles fermetures d’entreprises, on estime que 1 000 entreprises pourraient fermer leurs portes au cours des 12 prochains mois en raison du manque de remplaçants.
Au Canada, des dizaines de milliers d’entreprises risquent de fermer faute d’acheteurs, et la plupart n’ont pas de plan de relève. Selon la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante (FCEI), 76 % des propriétaires d’entreprise PME passera le flambeau d’ici 10 ans.
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Pierre Graff, CEO of the Regroupement des Jeunes Chambres de Commerce du Québec, makes takeover his hobby horse.
Photo : Radio-Canada / Anne-Sophie Roy
Difficile de vendre le rêve entrepreneurial
En 2021, les jeunes de 18 à 34 ans ne représentaient que 5,2% des nouveaux acheteurs, en baisse par rapport à 2015 où ils représentaient une proportion de 5,8%.
Quand on parle d’entrepreneuriat pour les jeunes, on leur dit souvent : « Il y a aussi la reprise ». Il y a beaucoup moins de risques à reprendre une entreprise qui a peut-être déjà des bases solides et une clientèle existante.
explique Jean-Yves Bourgeois.
Pour Pierre Graff, reprendre une entreprise plutôt que de la créer de toutes pièces, c’est moins sexy dans l’imaginaire collectif
que de démarrer une entreprise.
Avec les changements démographiques et les départs à la retraite des propriétaires d’entreprises au Québec, on a vraiment constaté un écart entre ce nombre de personnes et le nombre de personnes qui considéraient l’entrepreneuriat comme une carrière d’entrepreneuriat à part entière.
deplores Pierre Graff.
C’est pour cette raison que le RJCCQ a lancé l’initiative Mouvement Repreneuriat pour sensibiliser et outiller les jeunes entrepreneurs. Pourtant, les moyens financiers requis pour une transmission d’entreprise représentent un obstacle important pour les jeunes.
L’investissement en capital nécessaire pour reprendre une entreprise est d’environ 5 à 10 %, ce qui peut équivaloir à un financement de plusieurs millions de dollars, explique Pierre Graff.
Cet acompte est moins disponible à 25 ans qu’à 35 ou 45 ans.
La reprise implique de racheter immédiatement l’entreprise et d’investir beaucoup de capital, ce qui constitue un risque financier immédiat qui s’accompagne d’une charge psychologique et stratégique. À l’inverse, les défis surviennent plus progressivement lors du démarrage d’une entreprise.
Toutefois, les entreprises dont la propriété a été transférée sont parmi les plus prospères au Québec. Elles ont réalisé des revenus annuels moyens de 4,8 millions de dollars en 2021, soit 9,2 fois plus que ceux générés par les nouvelles entreprises, selon le CTEQ.
Je voulais être mon propre patron
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Jean-Michel Talbot, qui a acquis l’entreprise beauceron Milmonde, est lui-même originaire de la région.
Photo : Radio-Canada / Anne-Sophie Roy
En 2021, l’ingénieur Jean-Michel Talbot met la main sur le fabricant d’armoires de cuisine Milmonde à Notre-Dame-des-Pins, en Beauce.
En toute transparence, j’aurais pu acheter une entreprise de bouchons d’oreilles ou de bols, à condition d’être dans le domaine de la fabrication et à moins de 100 miles de chez moi.
» dit l’entrepreneur au début de la quarantaine. Je voulais être mon propre patron.
Dès son arrivée, Jean-Michel Talbot entame une revue stratégique de l’entreprise en mettant en œuvre des processus de robotisation et de digitalisation. L’année dernière, Milmonde a dévoilé une ligne de finition automatisée qui ponce, peint et sèche les portes d’armoires avant que le contrôle qualité ne soit effectué par l’intelligence artificielle. Ce projet, que Jean-Michel Talbot surnomme affectueusement son bébé
a été rendu possible grâce à des investissements et à une subvention non remboursable de 1,19 millions de dollars versée par le ministère des Richesses naturelles et des Forêts du Québec.
L’entrepreneur se réjouit d’être le premier fabricant neutre en carbone dans le secteur de l’ébénisterie et souhaite devenir le premier au monde à utiliser une peinture nanotechnologique qui décontamine l’atmosphère.
Il y avait déjà des racines vertes à Milmonde. Il fut l’un des premiers acteurs à se convertir à la peinture à l’eau. Nous prenons donc la même direction que celle initiée par les derniers propriétaires, mais nous poussons un peu plus loin.
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