Poussés par les progrès de la médecine, l’augmentation de l’espérance de vie et une nouvelle attitude face au vieillissement, de nombreux retraités décident de casser les codes de la vieillesse. Jeux de Scrabble et maisons de retraite ? Très peu pour eux. Mise de focus est partie à la rencontre de ces « Seeagers » qui vivent la retraite comme une seconde adolescence.
Début octobre 2024, une scène insolite s’est produite sous une pluie battante sur la place de la Gare de Delémont : des dizaines de seniors se sont rassemblés pour un flashmob. Sur la chanson « Je suis fou », ils dansent et chantent, revendiquant leur jeunesse d’esprit.
« Nous étions fous ! J’ai toujours rêvé d’avoir la chance de faire un flashmob, je ne l’ai pas eu, alors je le fais maintenant », s’amuse un participant. Noé Mayer, responsable des activités Pro Senectute pour l’Arc Jura et co-organisateur de cet événement, explique : « Nous avons voulu confronter l’image vieillissante des seniors avec l’approche dynamique du flashmob pour montrer que les personnes âgées peuvent très bien faire des choses jeunes. ».
Une retraite à l’honneur
A Leysin, Alain Peyrod, presque quatre-vingts ans, commence sa journée dès l’aube. Ce retraité affiche une musculature impressionnante, acquise après s’être lancé dans la musculation à l’âge de 60 ans. « Je ne savais même pas ce que voulait dire ‘seeager’, mais j’aime ça. C’est exactement ce que je vis», dit-il en riant.
Ancien président des services industriels de Genève, il est aujourd’hui un YouTubeur suivi par plus de 200’000 abonnés sur Instagram et TikTok. Même le célèbre YouTuber TiboInshape l’a invité sur sa chaîne. « Si j’entretiens mon corps, c’est par esthétique, mais aussi par vanité. Sur internet, je reçois beaucoup de propositions féminines, mais je reste méfiant », confie-t-il.
Son entraîneur, Martin Charbeau, vante sa détermination : « Dans sa tête, il ne fait absolument pas son âge et c’est même à moi de le calmer dans ses objectifs. C’est vraiment remarquable, à 79 ans, d’avoir toujours envie de progresser et d’essayer de nouvelles choses. Nous ne pouvons que nous en inspirer.
Profitez sans retenue
John et Jacqueline Allemann, 160 ans à eux deux, refusent de se laisser enfermer dans les clichés. « Notre fils économise pour acheter une maison. Nous avons tout dépensé au Club Med et sur les croisières Costa », raconte Jacqueline en riant.
Professeur de français et d’italien à la retraite, elle donne désormais des cours de danse, tandis que John organise des expositions de peinture. « Nous sommes en bonne santé et nous en profitons au maximum », dit-il. Quand on leur parle de tricot, ils plaisantent : « Seigneur, tu m’as rendu anxieux pour le reste de l’après-midi ! » réagit Jacqueline.
Tu te sens vieux plus tard
Selon une étude de la Confédération, en 1990, on se sentait vieux à 69 ans. Aujourd’hui, cet âge a été repoussé à 80 ans. Christian Suter, sociologue à l’Université de Neuchâtel ayant participé à cette étude, explique que les progrès de la médecine et l’augmentation du niveau de vie contribuent à ce changement, mais pas seulement. Il y a aussi ici une question de valeurs.
-« Ces nouvelles générations de personnes âgées étaient de jeunes adolescents ou dans la vingtaine dans les années 1968-70. Certains étaient peut-être aussi des punks au début des années 1980. C’est donc une génération qui a aussi d’autres valeurs et surtout l’individualité, qui est très importante pour elle”, explique-t-il.
Une célébration sans âge
Une fois par mois, John et Jacqueline se rendent au MAD, la discothèque emblématique des jeunes lausannois, pour la soirée « Forever Young », réservée aux plus de 60 ans. « Comme nous aimons danser. On se disait que chaque fin de mois on y allait pour s’amuser, s’amuser”, raconte John. « Quand on danse vraiment, on n’a pas d’âge, ajoute Jacqueline.
De leur côté, Brenda, Corinne et Emma profitent d’un apéritif avant de se rendre également en soirée. Pour Brenda Spencer, ancienne médecin d’origine anglaise, il faut lutter contre les stéréotypes qui pèsent sur les seniors : « C’est comme si on devenait invisible. Surtout quand on a eu une carrière professionnelle importante, on a peut-être un corps qui vieillit, mais au fond, on est toujours nous-mêmes, on est toujours la même personne qui s’amusait. Quand on aime la musique, on n’arrête pas d’aimer la musique, quand on aime danser, on ne peut pas arrêter d’aimer la danse », témoigne-t-elle.
A l’intérieur de l’établissement, l’ambiance est électrique. « Il faut bouger, funky, disco, ce n’est pas parce qu’on a 60 ans qu’il faut rester à la maison », affirme un participant. DJ Vkee Madison confirme : « Ils ont construit notre monde et ils veulent continuer à en profiter. »
Claude, 85 ans, exécute des pas de danse. « Je n’ai pas le temps de me faire draguer, je voyage trop », dit-il en riant. Quant à Jacqueline, elle apprécie : « C’est merveilleux. Tout le monde lâche prise, c’est un besoin physique et psychologique.
Et lorsque les plus jeunes rejoignent la fête vers 23 heures, de nombreux spectateurs décident de rester sur la piste de danse, comme si rien ne pouvait les arrêter, pas même le temps qui passe.
TV report: Jérôme Galichet
Adaptation web : Tristan Hertig