Réponse aux tarifs douaniers de Trump | Énergie et snowbirds

Il a été question de taxer le jus d’orange américain, le whisky Jack Daniel’s et maintenant l’énergie canadienne en réponse aux tarifs douaniers de Donald Trump. Et si les Canadiens décidaient eux aussi de se serrer les coudes en refusant de partir en vacances aux États-Unis ?

Le Canada cherche par tous les moyens à répondre aux tarifs douaniers redoutés, comme on l’a vu lors de la réunion des premiers ministres des provinces canadiennes mercredi.

Avant de parler des « snowbirds » et de leurs dépenses lucratives en Floride, intéressons-nous au commerce entre le Canada et les États-Unis, pour voir quels secteurs le Canada pourrait cibler.

Tout d’abord, l’énergie. Plusieurs premiers ministres provinciaux, dont François Legault, appuient l’idée de limiter les exportations d’énergie vers les États-Unis, par une taxe spéciale ou autrement.

L’Alberta n’a pas appuyé le communiqué final de la rencontre – où il n’est pas question de limiter l’énergie – mais nous comprenons que ce bien essentiel pourrait faire partie de la réponse.

En 2023, le Canada a exporté pour 166 milliards de dollars de produits énergétiques vers les États-Unis, ce qui représente 30 % de nos exportations totales de biens, loin devant les véhicules et pièces automobiles (82 milliards) ou les métaux et minéraux (56 milliards), dont l’aluminium.

L’opposition de l’Alberta n’est pas surprenante, sachant que cette province est à l’origine des trois quarts des exportations d’énergie vers les États-Unis, selon les données de Statistique Canada.

Au Québec, les revenus de ces exportations ne représentent que 3 % du total canadien de l’énergie – provenant principalement d’Hydro-Québec – et en Ontario, 1,6 %.

Ce type de tarif contreviendrait à l’accord de libre-échange (ACEUM), ainsi qu’aux règles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), m’a dit l’avocat Bernard Colas, d’Affilia Légal.

Des contestations sont attendues, mais les États-Unis tardent à nommer des juges indépendants à l’OMC et parfois à l’ACEUM qui pourraient trancher ce genre d’affaires. Et on dit que Trump invoquerait la sécurité nationale pour contourner les règles.

Des différends pourraient également survenir entre des parties privées canadiennes et américaines liées par contrat, souvent à long terme, notamment dans le domaine de l’énergie. Cependant, la plupart de ces contrats comportent des clauses de modification des conditions économiques (épreuves) et de force majeure pouvant entraîner la résiliation de tels contrats, le cas échéant, m’explique M. Colas.

Bref, bien des ennuis à venir.

En fait, le constat de Donald Trump sur notre commerce n’est pas sans fondement, même s’il ne s’agit absolument pas de subventions. Depuis 10 ans, la balance du compte courant (échanges de biens, services et investissements) est constamment favorable au Canada, et est en forte croissance depuis trois ans.

Au total, le Canada a empoché 824 milliards de dollars en 2023 avec ses produits, soit 82 milliards de dollars de plus que les 742 milliards de dollars des États-Unis, selon les données de Statistique Canada. L’écart de 82 milliards de dollars équivaut à peu près au budget des soins de santé de l’Ontario.

Ce solde de 82 milliards s’explique par notre excédent dans les échanges de biens (102 milliards), qui est cependant réduit par des déficits de près de 14 milliards dans les échanges de services (juridiques, informatiques, etc.) et quelque 12 milliards dans les revenus d’investissement. et autres (actions boursières, obligations, emprunts d’État, etc.).

Pour mieux comprendre et surtout mieux voir quels secteurs pourraient servir de réponse à Donald Trump, j’ai extrait les principales sous-catégories de la balance courante. Les biens, les services et les investissements ont été fusionnés et, ce faisant, la part de l’énergie est passée de 30 % à 22 % du commerce total du Canada avec les États-Unis.

Faut-il envisager une taxe sur les services Netflix ou Amazon, voire une retenue à la source sur les redevances des logiciels Microsoft et autres brevets américains ?

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Les « Snowbirds », une vache à lait

Ce qui m’amène à vous parler des voyageurs canadiens aux États-Unis, particulièrement des « snowbirds » du Québec et de l’Ontario, qui passent une bonne partie de l’hiver en Floride.

PHOTO DAVID BOILY, LA PRESSE ARCHIVES

Les gens marchant le long de la promenade à Hollywood Beach, en Floride

Ils constituent une véritable vache à lait pour les Etats-Unis, notamment pour un Etat cher à Donald Trump, la Floride. En 2023, quelque 3,2 millions de Canadiens ont visité la Floride, dont environ 8 % pour passer l’hiver, laissant des milliards de dollars de revenus dans l’économie locale.⁠1.

Ce n’est pas pour rien que le sénateur Marco Rubio a présenté en 2023 une nouvelle loi permettant aux « snowbirds » canadiens âgés de 50 ans et plus de séjourner en Floride pendant huit mois consécutifs plutôt que six.

Au cours des 25 dernières années, les dépenses des Canadiens aux États-Unis pour leurs voyages – pour la plupart des loisirs – ont connu une croissance très significative. Ils ont même atteint un niveau record de 30 milliards de dollars en 2023 (dernière année complète de données disponibles). Ces dépenses comprennent par exemple les frais de logement, de nourriture ou de transport.

Or, les Américains dépensent moins au Canada lorsqu’ils visitent le pays, ce qui crée un déficit important (près de 16 milliards en 2023) et qui croît fortement depuis 20 ans, selon les données de Statistique Canada.

D’où ma question : en réponse aux tarifs douaniers de 25 % sur les marchandises, les Canadiens ne pourraient-ils pas limiter leurs voyages aux États-Unis ? Les autorités devraient-elles envisager une taxe, comme pour l’énergie ?

C’est ce que suggère le professeur de relations internationales Fen Osler Hampson, de l’Université Carleton.

«Ottawa pourrait imposer une taxe de voyage aux États-Unis qui découragerait les Canadiens de passer des vacances dans des endroits comme la Floride, le Nevada ou la Californie, ce qui frapperait durement les économies locales de ces États», écrit le professeur avec l’expert Tim Sargent.⁠2.

Bien entendu, cette mesure serait politiquement difficile à convaincre. Mais après tout, si le Canada est prêt à priver les Canadiens de leur emploi en taxant l’énergie exportée ou d’autres biens essentiels, pourquoi en serait-il autrement pour les adorateurs du soleil ? Ne sommes-nous pas dans une confrontation économique, comme le dit Trump ?

Ceci dit, la chute du huard face au dollar américain – qui pourrait descendre jusqu’à 65 cents avec les turbulences – pourrait déjà inciter plusieurs à éviter les États-Unis pour leurs séjours, devenus trop chers.

Quel bouleversement, tout de même…

1. Lisez l’article de Soleil de Floride

2. Lire le texte publié sur The Hub (en anglais)

 
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