Le gouvernement sénégalais envisage de relancer la surtaxe sur les appels entrants, Samba Diouf, ancien directeur juridique de l’opérateur du service universel et ex-membre de la commission nationale de contrôle et de surveillance du trafic sous l’égide de l’ARTP, appelle à une réforme plus profonde.
Selon lui, le trafic international entrant nécessite un contrôle et une surveillance minutieux pour des raisons de souveraineté et de sécurité nationale. Cette exigence va au-delà des questions économiques ou commerciales, fiscales et financières.
Les décrets 2010-632 et 2011-1271, qui avait instauré une taxation des appels entrants, sous la présidence de M. Abdoulaye Wade, ne répond plus aux réalités actuelles du secteur des télécommunications.
Ces textes avaient soulevé des bouleversements juridiques, que l’installation au sein de l’ARTP d’une cellule autonome de surveillance et de contrôle du trafic a permis de surmonter.
Le SÉNÉGAL n’a plus besoin de prestataires de services étrangers comme « Global Voice » qui violeraient la prétendue confidentialité des systèmes internes des opérateurs.
Mais la pertinence d’une taxe parapublique sur les appels entrants en République du SÉNÉGAL ne devrait-elle pas mettre le curseur sur un autre domaine innovant des technologies des communications électroniques ?
Considérons que les télécommunications supportent déjà plusieurs chefs de taxes :
Taxes et prélèvements existants sur les télécommunications
- La Rutel (la redevance sur l’utilisation du réseau de télécommunications) qui passe de 2% à 5% « article 20 LOI 2010 14 du 23 juin 2010 »
- Au CST (contribution spéciale du secteur des télécommunications) qui a remplacé le CODETE et la PST pour un taux de 5%
- La taxe de service universel destiné à financer les zones blanches et la lutte contre les inégalités régionales (0,75 %).
- La taxe d’occupation du domaine public fixé à 1000 F par kilomètre linéaire pour les autoroutes et 500 F par km linéaire pour les artères
- Redevances pour l’attribution et l’utilisation des fréquences radio : Les premiers dépendent d’une formule de calcul selon la nature de la fréquence en mobile ou fixe. Pour les frais d’utilisation, ils sont fixés à 50 000 000 (cinquante millions) FCFA et 1 000 000 (un million) FCFA pour toute demande d’études relative à l’attribution de fréquences à un opérateur pour un réseau ouvert au public.
Pour rappel, la taxe sur les appels entrants a été fixée à 75,45 FCFA par Minute aux termes de l’article 6 du décret de 2011. Ce montant fixe a été fixé sur la base des références de parité de l’Euro et du Franc CFA.
Dans le détail, l’ARTP facturait pour le compte de l’Etat sous l’ère Abdoulaye WADE 0,075 Euros, soit 49,20 F CFA sur le réseau mobile et 0,115 Euros, soit 75,45 FCFA sur le réseau fixe.
Les nouvelles technologies seront plus efficacement taxées par le SÉNÉGAL
Imiter la réglementation sur les appels internationaux entrants, notamment les décrets indiqués ci-dessus, serait inadapté dans un contexte où les appels internationaux migrent vers les OTT (Over-The-Top) comme Whatshap », explique Samba Diouf du cabinet CADREAFRIQUE.
Une taxe indirecte sur le système de communication international traditionnel ne fera que créer de nouvelles charges sur l’exploitation commerciale des opérateurs de télécommunications, qui seront obligés de la répercuter sur l’utilisateur final. Le SÉNÉGAL possède certains des tarifs téléphoniques les plus chers d’Afrique. Tout événement susceptible d’aggraver cette situation doit être évité.
Il faut plutôt s’inscrire dans le sillage des travaux de l’ANAF (le forum africain de l’administration fiscale) et de l’OCDE prônant une plus grande équité dans la répartition de la richesse numérique.
Cette vision rejette toute possibilité de créer de nouveaux coûts pour les opérateurs et les utilisateurs finaux en Afrique.
Les applications de messagerie, qui utilisent des numéros nationaux pour acheminer des appels internationaux via Internet, sont totalement exonérées de la fiscalité actuelle. « L’utilisation de nos ressources nationales, c’est-à-dire les numéros de téléphone sénégalais (XX77 ; XX76 ; XX70 ; XX72 ; XX75) par des plateformes comme Whatshap, doit être réglementé.
Ce manque de contrôle constitue une énorme perte de revenus pour le pays », poursuit l’expert.
Le marché des communications internationales s’est radicalement transformé ces dernières années. Les appels vocaux traditionnels ont été supplantés par des solutions numériques basées sur les données, créant un vide réglementaire.
Pour Samba Diouf, il est urgent d’élaborer un cadre juridique pour capter l’économie générée par ces nouveaux usages. Tous les États souhaitent avoir plus de visibilité sur les flux d’interconnexion, afin de faire valoir leurs droits sur la taxation des services de communications
interconnectés.
Dans les différents segments du marché des télécommunications au Sénégal, il ne semble y avoir aucune permissivité dans l’utilisation de nos « numéros internes » autres que la voix, les DATA et les VAS réglementés par l’ARTP.
Autrement dit, “ Aucun opérateur n’est actuellement autorisé à fournir un service dédié à Whatshap pour passer des appels internationaux. Whatshap n’est pas non plus autorisé à utiliser des numéros loués par l’ARTP à des opérateurs sénégalais pour inciter à la création de comptes destinés à la voix ou à la messagerie..
Or, ces plateformes exploitent nos infrastructures sans compensation. Le débat sur la taxation des appels entrants s’élargit ainsi à une réflexion globale sur la régulation de l’OTT.
Samba Diouf appelle à une stratégie plus moderne et adaptée, qui non seulement préserverait les intérêts financiers du Sénégal, mais s’alignerait également sur les nouvelles réalités numériques.
Dans la dynamique de la fiscalité, il faudra réfléchir aux outils opérationnels de contrôle et de supervision du trafic entrant, quelle que soit la technologie ou le support utilisé par un opérateur sénégalais ou un agent étranger.
Selon Samba DIOUF, la fiscalité peut jouer un rôle majeur dans le rééquilibrage des relations entre le Sénégal, l’Afrique et le reste du monde en matière de communications numériques et électroniques, comme l’Union européenne l’a fait en imposant des impôts directs. sur les « places de marché », mais il ne faut jamais envisager une application stricte des rigueurs classiques de la fiscalité à un secteur innovant dans lequel on ne sait pas chaque jour ce qui pourrait se passer le lendemain. Le choix de la norme fiscale apparaît très prépondérant.
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Source-réf: 1 Maître Saliou DIEYE expert fiscal agréé Président de l’Ordre des Experts du Sénégal : le Vade Mecum édition fiscale 2022 ; Page 241 ; édition harmattan
Sourceréf-2 –Docteur Samba NDIAYE : Contrôle et tarification du trafic international entrant Editions universitaires européennes Page 10 ; chercheur dans le laboratoire de l’ancien directeur du centre national de surveillance de la circulation CNST ARTP/SENEGAL.