Entre cancers et espions chinois, la « Firme » n’a pas eu la vie facile en 2024
Comme le veut la tradition, la famille royale s’est réunie pour Noël au Sandringham Manor dans le Norfolk. Outre Harry et Meghan, qui ont choisi de passer les vacances en Californie, il manquait une personne à ces belles retrouvailles du clan Windsor : le prince Andrew.
Ce dernier a en effet été « désinvité » par le roi Charles, suite à un nouveau scandale le impliquant.
Mi-décembre, la presse britannique révélait qu’Andrew avait entretenu des relations douteuses avec un homme d’affaires chinois nommé Yang Tengbo. Devenu « confident » d’Andrew au point d’être invité à son anniversaire en 2020, l’entrepreneur avait profité de cette amitié pour accéder à l’élite politique et entrepreneuriale du pays, étant même autorisé à agir au nom du prince pour recherche d’investisseurs chinois potentiels.
Mais la justice britannique, le soupçonnant d’être un espion se livrant à des « activités secrètes et trompeuses » pour le compte du Parti communiste chinois, a fini par lui interdire l’entrée sur le territoire britannique.
Cette affaire, très médiatisée au Royaume-Uni, est une nouvelle tuile sur la tête d’Andrew. Tombé en disgrâce en raison de sa proximité avec le financier et criminel sexuel Jeffrey Epstein (qui s’est suicidé en prison) et d’allégations de détournement de mineurs, le prince avait déjà été démis de ses fonctions royales en 2022, sans aucune chance de réhabilitation.
Correspondant à Londres pour le magazine Le Point et auteur de six livres sur la famille royale, Marc Roche estime cependant que ce nouvel « Andrewgate » est exagéré au vu de la faute commise. « Il est déjà à terre », siffle le journaliste. On tire sur une ambulance. »
Il est vrai que les Chinois ont infiltré les milieux sensibles britanniques en profitant de la vulnérabilité financière du prince Andrew – à qui Charles vient de couper ses approvisionnements, espérant lui faire quitter sa chère maison de Royal Lodge. Marc Roche rappelle cependant que d’autres membres de la famille royale, dont le fils de la princesse Anne, Peter Phillips, entretiennent des relations avec des hommes d’affaires chinois.
De plus, ces révélations surviennent au moment où le leader travailliste Keir Starmer est lui-même à la recherche d’investissements chinois et multiplie les offensives de charme contre Xi Jinping, comme en témoigne une photo des deux hommes prise lors du dernier sommet du G20.
Mais voilà : le prince Andrew est « le personnage le plus détesté de la famille royale, en raison de sa personnalité antipathique et du scandale de pédophilie ». Et c’est pour cette raison, estime Marc Roche, que les médias britanniques ont fait exploser l’affaire.
Une tempête dans un verre d’eau ? Peut être. Mais suffisamment violent pour que le prince raté soit exclu des fêtes de famille. Décision parfaitement comprise par le correspondant royal Richard Fitzwilliams, rejoint par La presse.
“Il ne fait aucun doute que cela menaçait de faire de l’ombre au Noël royal”, explique l’expert. Parce que cette histoire a fait beaucoup de dégâts… Nous ne le reverrons peut-être jamais lors d’un événement royal… »
Deux cancers et une photo retouchée
Pour la famille royale, cette affaire est la cerise sur le gâteau d’une année assez éprouvante, peut-être la plus éprouvante depuis 1992, lorsqu’un incendie ravageait une partie du château de Windsor et que trois enfants d’Elizabeth II étaient en instance de divorce.
À l’époque, la reine utilisait le terme « annus horriblis » pour désigner les épreuves endurées par le clan. Pourtant, certains n’hésitent pas à réutiliser aujourd’hui cette expression pour parler de l’année 2024. Hormis Andrew, on pense bien sûr aux deux cancers royaux, qui ont frappé coup sur coup le roi Charles et la princesse Kate. “Horrible, je ne sais pas, mais très difficile, oui, car nous sommes confrontés à la situation presque impensable où deux membres aînés d’une famille sont touchés par la maladie en même temps”, résume Richard Fitzwilliams.
L’affaire a été plutôt bien traitée médiatiquement du côté de Charles, mais on ne peut pas en dire autant de Kate. Son entêtement à vouloir cacher sa maladie au grand public, au point de diffuser une photo de famille retouchée, a été très mal accueilli par les médias et fustigé par les théoriciens du complot de tous bords. Marc Roche estime que le prince et la princesse de Galles ont commis l’erreur de vouloir prendre en charge leur communication, plutôt que de s’en remettre aux professionnels de Buckingham Palace.
« Les jeunes Windsor font ce qu’ils veulent et veulent contrôler leur image », a-t-il déclaré. Mais ils ne sont pas très bons. Nous les sentons mal à l’aise avec toute la sphère des réseaux sociaux, qui sont d’une génération inférieure à la leur et qu’ils utilisent de manière très ponctuelle, très conservatrice, très passive et réactive plutôt qu’active”, résume l’expert.
Pour Ellie Woodacre, experte en Renaissance à l’université de Winchester, cette situation illustre bien les tensions de la famille royale, constamment tiraillée entre vie publique, vie privée et désir de préserver le « mystique de la monarchie… ».
L’historien rappelle que, dans le passé, les maladies royales n’étaient pas toujours divulguées immédiatement, notamment lorsque le monarque était atteint, afin de ne pas déclencher de panique ou de spéculations sur la succession. « Dans le cas de la princesse de Galles, il est compréhensible qu’ils aient voulu aborder en privé un diagnostic aussi traumatisant. Bien qu’une plus grande franchise aurait pu empêcher les spéculations intenses autour de son absence des fonctions royales, ils ont clairement décidé de donner la priorité à la confidentialité plutôt qu’à la clarté dans cette affaire. »
Le seul succès de cette séquence a été de « se connecter avec les millions de personnes dans le monde qui sont touchées par le cancer », ajoute Richard Fitzwilliams.
À quoi s’attendre à partir de 2025 ? Tout dépendra de la santé des principaux protagonistes. Le roi Charles a repris ses fonctions royales, mais poursuit ses traitements. La princesse Kate a terminé ses traitements en septembre, mais a fait très peu d’apparitions publiques depuis. Va-t-elle reculer ? Le fardeau de William pourrait-il devenir plus lourd ? Qu’en est-il de Harry et Meghan, qui poursuivent leur rêve américain, rompre avec Buckingham Palace ?
À ces incertitudes s’ajoute un rejet croissant de la royauté, au Royaume-Uni comme dans les anciennes colonies. Le 13 décembre, le gouvernement jamaïcain a présenté au Parlement un projet de loi visant à abolir la monarchie constitutionnelle et à faire du pays une république. La même semaine, un sondage Statista révélait que 43 % des Britanniques âgés de 18 à 24 ans préféreraient avoir un chef d’État élu plutôt qu’un chef d’État issu de la famille royale. Les temps changent.