Chido, après avoir ravagé une grande partie de l’archipel de l’océan Indien, souligne les fractures de sa population, dont la moitié, originaire des Comores voisines, est accusée d’envahir Mayotte et de prolifération de la délinquance, sur fond de flux migratoires incontrôlables et de contestations historiques. .
Plus d’un tiers des 320 000 habitants de Mayotte sont en situation irrégulière, selon les autorités.
Les bangas de Hamouro, vaste étendue de tôle ondulée plantée sur le sable, suggèrent un grand dénuement. Si les enfants s’échappent pour se jeter à l’eau en hurlant de joie, les lieux surpeuplés manquent cruellement d’hygiène.
Les habitats précaires ont surtout montré leur fragilité face à un événement climatique majeur. Nombreux à Mayotte, où ils abritent plus de 100 000 habitants, ces bidonvilles ont été emportés par des vents dépassant les 200 km/h en provenance de Chido à la mi-décembre.
Emmanuel Macron a promis une loi spéciale pour « reconstruire Mayotte » et “pour finir” aux bidonvilles.
La plupart de ses habitants sont en situation irrégulière, mais pas tous : Abdou Nassim, ouvrier d’entretien de 36 ans, raconte avoir obtenu un titre de séjour cinq ans plus tôt, à son arrivée sur l’île à 12 ans.
Kaïna, 24 ans, originaire des Comores, mais née à Mayotte, future aide-soignante, se dit de nationalité française.
Comme “dans une prison”
Saïd Doulfakir, 23 ans, explique, dans un français fort, qu’il a obtenu son baccalauréat avec mention, mais s’est vu refuser toute régularisation depuis l’âge de 14 ans. Déjà renvoyé une fois aux Comores, il est revenu à bord d’un kwassa-kwassa, ces bateaux de migrants traversant la frontière. 70 kilomètres de mer périlleuse jusqu’à Mayotte. « Quand on arrive au pays, on se dit qu’on préfère mourir que d’y rester »il soupire.
Mais faute de papiers, il est désormais contraint d’effectuer des travaux agricoles, alors qu’il rêvait d’études supérieures. “C’est comme si j’étais mis en prison.”se lamente le jeune homme.
Pour cinq Mahorais interrogés par l’AFP, de tels déplacements ne changent rien à l’image très dégradée qu’ils ont des Comoriens, décrits pêle-mêle comme des envahisseurs, violents voire violents. « peuple ennemi ».
Une méfiance venue de l’histoire douloureuse entre les deux territoires. Historiquement opposée aux Comores, Mayotte s’est retrouvée rattachée à ce pays grâce à la colonisation française, soutiennent-ils.
Mais en 1974, leurs grands-parents décident de se séparer des Comores à la suite d’un référendum au cours duquel les trois autres îles de l’archipel choisissent l’indépendance. Une décision jamais reconnue par Moroni qui continue de revendiquer sa souveraineté sur Mayotte.
Alors que des dizaines de milliers de Comoriens sont arrivés à Mayotte ces dernières années, mettant à rude épreuve ses infrastructures, notamment l’accès à l’éducation, à la santé et à l’eau – une ressource devenue insuffisante pour une population croissante -, la délinquance a également explosé.
Selon les autorités, les trois quarts des nouveau-nés à la maternité de Mamoudzou ont des mères vivant “en cachette”. Quelque 65 % des détenus de la prison de Majicavo sont également étrangers, à 98 % des Comoriens.
Les accusations de vols se sont multipliées après la visite de Chido contre les Comoriens, coupables selon de nombreux Mahorais, d’avoir volé notamment les tôles qui s’étaient envolées de leurs toits pour aller reconstruire les bangas.
Mounir, un infirmier d’une quarantaine d’années, raconte avoir surpris plusieurs d’entre eux occupés à démonter ceux qui recouvraient sa maison et un hangar attenant, emportés par le cyclone. “Ils ont sorti un couteau et m’ont dit : ‘Tu bouges et on va t’enlever les intestins'”il proteste.
The Mahorais “opprimé”
Mounir et deux autres Mahorais rencontrés par l’AFP ont également affirmé avoir entendu des Comoriens se réjouir que le cyclone ait dévasté leur communauté, considérant le Chido comme une revanche de Wuambushu – ces opérations de destruction de bidonvilles, majoritairement habités par des Comoriens, menées par l’État en 2023 et 2024.
« Cette île nous appartient. Nous avons choisi la France pour être libre, pas pour être opprimée. »réagit Safina Soula, la présidente du collectif des citoyens de Mayotte 2018.
Pour elle, l’État français est “responsable” de la situation. Parce qu’il « se distribue comme des petits pains chauds » des titres de séjour aux Comoriens, plutôt que de les expulser, déplore-t-elle.
La semaine dernière, le ministre de l’Intérieur démissionnaire Bruno Retailleau a appelé à « Soyez beaucoup plus dur avec les Comores » qui selon lui pousse « populations vers Mayotte pour créer une sorte d’occupation clandestine ».
Emmanuel Macron a estimé de son côté qu’il fallait augmenter le nombre d’expulsions d’étrangers clandestins de Mayotte vers la frontière, pour passer de 25 000 actuellement à 35 000-40 000 par an.
Avocat franco-comorien, « Mahorais par sa femme »Saïd Larifou appelle à aborder le problème en amont, en cherchant à « de nouveaux interlocuteurs » aux Comores.
« C’est le désespoir que vivent la plupart des Comoriens qui les pousse à venir » à la recherche d’une vie meilleure, dit-il. Sans changement de régime à Moroni, “On peut mettre des barrières, avoir des caméras partout, ça ne va pas s’arrêter.”
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