l’essentiel
Le procès qui s’est ouvert le 2 septembre à Avignon se termine, avec un verdict attendu ce jeudi. Juliette Campion, journaliste police/justice à franceinfo, couvre l’événement au quotidien depuis quatre mois. Pour La dépêcheelle raconte ce procès historique et se confie sur son ressenti.
La Dépêche du Midi : Vous avez suivi ce procès pendant quatre mois. Vous souvenez-vous de votre premier jour au tribunal ? Pouvez-vous nous parler de l’ambiance dans la salle ?
Juliette Campion, journalist at franceinfo : Je suis arrivé le 5 septembre. Jusqu’à mon entrée dans la salle d’audience, cela ressemblait à un procès comme les autres. Les médias sont là, il y a une victime qui se fait mitrailler avec des photos. Mais quand je suis entré dans la salle, quand j’ai vu tous ces hommes assis, j’ai d’abord pensé qu’ils étaient du public. Il m’a fallu plusieurs secondes pour réaliser : tous ces hommes étaient en fait des accusés. C’était dérangeant. Je savais qu’il y avait 51 coaccusés mais je n’avais pas imaginé ce que cela représentait, 51 hommes dans une salle d’audience. On est frappé par cette vision et on prend conscience de l’ampleur des faits.
Les premiers jours ont donné la parole au principal accusé, Dominique Pélicot. Quelle était son attitude ? Encore une fois, quelles ont été vos premières impressions ?
La première fois que je le vois, je ne suis pas surpris. Cela ressemble à ce que j’imaginais. Un homme assez fort, aux cheveux blancs, au visage fermé. C’est un homme qui parle bien, avec beaucoup de vocabulaire, qui ne cherche pas ses mots. Il connaît très bien son dossier, il est sûr de lui. Après son premier interrogatoire, il se trouvait davantage dans une position de victimisation. Il a beaucoup parlé des violences qu’il a subies étant enfant. Je ne sais pas si c’était une manipulation de sa part, mais j’ai été assez touché par ces histoires et par cette phrase il disait : « On ne naît pas pervers, on le devient. Les abus qu’il a subis expliquent, pour lui, le comportement dont il a fait preuve par la suite.
Au fil des semaines, nous avons découvert le profil des coaccusés. Quel portrait pouvez-vous en dresser ?
Ils ne forment pas une masse homogène. Physiquement ils sont différents, ils ont des parcours divergents, leur propre façon de s’exprimer. Certains sont sur la défensive, parlent peu. D’autres sont extrêmement bavards, voire théâtraux dans leur attitude et quelque peu excessifs.
Il existe toutefois des chevauchements. Sur le fait d’avoir été, selon eux, manipulé par Dominique Pélicot et pour beaucoup, de ne pas reconnaître les faits de viol ou du moins l’intention. Les parcours parfois très douloureux de certains prévenus m’ont surpris. Beaucoup d’entre eux ont subi des violences physiques, verbales ou sexuelles dans leur enfance, ont eu des parents dysfonctionnels et ont souffert d’alcoolisme.
Quel est le moment qui vous a le plus marqué ?
Le premier témoignage de Gisèle Pélicot le 5 septembre. A cette époque, on ne l’avait jamais entendu auparavant. On ne savait pas comment elle allait s’exprimer, comment elle allait vivre cette épreuve. Puis elle est arrivée. Elle se tenait très droite, semblait relativement à l’aise. Elle traversait la foule avec beaucoup de dignité. J’ai tout de suite remarqué un certain charisme qui fait que les gens la regardent. Elle avait une présence évidente.
Elle a ensuite livré un témoignage d’une durée d’1h15, s’exprimant de manière très simple et naturelle avec beaucoup de calme et de maîtrise sur elle-même et ses émotions. Nous avons tous été impressionnés. Elle a été très présente durant ces quatre mois. Elle a toujours su garder son calme. Même lorsqu’elle était visiblement agacée, endurant des paroles très compliquées à entendre, elle tenait bon.
Comment avez-vous personnellement vécu cette épreuve ?
Avec le recul, je me rends compte que je ne m’étais pas préparé mentalement à ce que j’allais entendre et voir. En tant que femme, la diffusion des vidéos était évidemment très difficile à supporter. Les premiers en particulier. C’est horrible de dire ça, mais avec le -, on s’y habitue.
Il n’a pas toujours été facile de se déconnecter. Le soir, nous devons rédiger le rapport de la journée donc nous l’emportons avec nous. Nous ne dormons pas toujours bien. Je ne cacherai pas que j’ai fait des rêves bizarres. Après, c’est notre métier donc on enfile nos baskets journalistiques et on essaie de prendre ses distances du mieux qu’on peut.