la direction s’essaye à une partie de poker, “c’est assez exceptionnel d’agir ainsi”

la direction s’essaye à une partie de poker, “c’est assez exceptionnel d’agir ainsi”
la direction s’essaye à une partie de poker, “c’est assez exceptionnel d’agir ainsi”

Il est tout à fait exceptionnel d’agir ainsi, même si l’on ne connaît pas toutes les restructurations, car toutes ne sont pas relayées dans les médias. Mais généralement le dialogue est maintenu jusqu’au bout pour éviter les grèves.», explique Olivier Wéry, avocat spécialisé en droit du travail.

mouette

“Je n’ai jamais vu un grand groupe agir ainsi et prendre un tel risque.”

Exceptionnel pour un grand groupe comme Audi Bruxelles, qui emploie près de 3.000 personnes (sans compter les sous-traitants) et qui est a priori censé maintenir ses activités jusqu’au 28 février. Dans la foulée, Audi a proposé des primes de licenciement en contournant les syndicats. Des primes allant au-delà de ce que prévoit le cadre légal, entre 200 000 à 400 000 euros maximum pour un salarié ayant 30 ans d’ancienneté en fin de carrière, et en moyenne entre 125 000 à 190 000 euros pour un salarié resté un peu moins de 20 ans.

Un affrontement entre travailleurs… et syndicats ?

La manière dont la direction agit peut surprendre. Même si cela coûterait cher à Audi Bruxelles, filiale de Volkswagen, cela devrait lui permettre d’avancer dans son processus de fermeture sans se soucier des discussions sociales qui s’éternisent.

Audi propose jusqu’à 400 000 euros aux travailleurs ayant 30 ans d’ancienneté

« Je n’ai jamais vu un grand groupe agir ainsi et prendre un tel risque. Habituellement, ils font profil bas et tentent d’apaiser, mais c’est un coup de poker, peut-être du bluff, mais cela fait plutôt exploser les braises car cela peut créer une querelle entre syndicats et travailleurs. » avance Olivier Wéry, qui explique se mettre à la place de la direction ainsi que de celle des salariés et des syndicats.

Audi Bruxelles offre une indemnité de départ généreuse pouvant aller jusqu’à 400 000 euros maximum.

« Mais sur le plan juridique, il n’y a pas grand-chose à dire. Ils ont répondu aux questions et estiment qu’il n’est plus possible d’apporter des réponses. La tactique est inédite mais on comprend qu’à la fin de la phase 1 de la procédure Renault, si les choses n’avancent plus, l’employeur estime que les travailleurs ne font que gagner du -.», poursuit-il.

Il faut admettre que l’offre semble plutôt généreuse. Audi a mis sur la table presque deux fois plus que ce que prévoit la loi en matière d’indemnités de départ», poursuit-il.

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Dans quel intérêt alors ? Audi pourrait donc agir ainsi pour fermer boutique et ne pas s’inquiéter de la poursuite des activités sur le site de Forest, même si la question de la décontamination ne sera pas encore résolue. Mais de cette façon, il ne s’inquiéterait pas d’une éventuelle reprise ou d’un développement pour les travailleurs. Elle paie pour sa tranquillité d’esprit.

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« Les tensions entre syndicats et affiliés ne sont pas impossibles. »

Je peux comprendre que, face au refus des syndicats ou au blocage des discussions, la direction tente de changer de tactique. Mais en pratique, cela signifie que chacun va s’individualiser et renoncer à la force collective, ce qui serait quand même surprenant.» continue-t-il.

Plus compte tenu de l’arrêt certain des activités telles qu’on les connaît sur le site Audi, plus d’un travailleur pourrait être tenté d’accepter l’enveloppe. Et le mur ouvrier s’effondrerait ainsi facilement dans les discussions encore en cours.

“Les politiques nous ont fait le constat : ils se sont fait avoir par Audi”

Les syndicats seront sûrement persuasifs pour dissuader les travailleurs d’accepter, sinon cela créerait un précédent. Ils seront hyper vigilants et tenteront de resserrer les troupes. Mais le travailleur qui a la possibilité de toucher plus de 1,5 fois l’indemnité de base sera tenté, surtout s’il a une carrière à reconstruire. Les tensions entre syndicats et affiliés ne sont pas impossibles. »continue-t-il.

La procédure Renault est-elle dépassée ?

« Les politiques n’ont plus aucun intérêt à s’impliquer dans l’affaire Audicyniquement. Ils n’ont rien à y gagner. L’usine va fermer. La phase 1 est censée atténuer les dégâts sociaux mais là, on est sûr qu’il y en aura s’il n’y a pas d’acheteur. La stratégie d’Audi pourrait donc fonctionner. Les syndicats auront beaucoup à perdre et sont un peu au pied du mur», poursuit l’avocat.

mouette

«Les politiques n’ont plus intérêt à se mêler du dossier Audi, cyniquement. Nous sommes sûrs qu’il y aura des dommages s’il n’y a pas d’acheteur. La stratégie d’Audi pourrait donc fonctionner. Les syndicats sont au pied du mur.»

Les syndicats annoncent que, suite à cette fin unilatérale de la phase 1 de la procédure Renault, ils introduiront «recours à différents niveaux. Pour rappel, ils souhaitent trouver des solutions pour maintenir l’emploi ou obtenir un plan de départ généralisé et potentiellement plus intéressant pour les travailleurs, y compris ceux qui ne sont pas présents depuis plusieurs années sur le site de Forest. « L’enveloppe proposée étant un maximum, cela ne permet pas (à la direction, NDLR) satisfaire suffisamment les différentes catégories de travailleurs »expliquent les syndicats.

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“Nous dénonçons également la manière et l’arrogance dont a fait preuve Audi en avançant sans se soucier d’obtenir un accord qui inclurait tous les travailleurs.”

« Nous dénonçons également la manière et l’arrogance dont a fait preuve Audi en avançant sans se soucier d’obtenir un accord qui inclurait tous les travailleurs à travers une convention collective de travail. En contournant les négociations collectives, Audi crée un dangereux précédent que nous ne laisserons pas passer», critiquent encore la FGTB et la CSC.

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Ils peuvent faire appel afin que le tribunal constate que la direction n’a pas fourni tous les éléments de réponse. Mais juridiquement, la direction ne risque pas grand-chose en considérant que cette phase est terminée. Aujourd’hui, on ne peut pas se contenter de dire que sans accord, il faut continuer la phase 1. Sinon on se retrouve avec des discussions sans fin. Mais c’est un risque que prend la direction par rapport à d’éventuels recours ultérieurs.» continue-t-il.

« C’est aussi pour ça que la direction est plus généreuse, car si elle donne juste le minimum sans avoir trouvé un terrain d’entente, elle assure un désordre complet jusqu’à la fin des activités.», termine l’avocat.

Et à l’heure où j’écris ces lignes, ni la direction ni les syndicats ne sont en mesure de nous en dire plus sur la conciliation de ce mardi. Une action est prévue par le Front syndical commun le 23 décembre, juste avant Noël.

 
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