Le site de Northvolt a laissé échapper des contaminants industriels dans la rivière Richelieu, selon les données obtenues par Devoir. L’entreprise assure que les mesures mises en place depuis le début des travaux permettent d’éviter les fuites, mais des groupes environnementaux demandent au gouvernement d’intervenir pour évaluer les risques pour le cours d’eau.
C’est un fait connu depuis plusieurs années : le sol et les eaux souterraines du terrain qui a coûté 240 millions de dollars au gouvernement du Québec contiennent un cocktail de contaminants, résultat de décennies de fabrication de produits chimiques, d’engrais et d’explosifs. sur le site. La présence de cette pollution remonte donc à plusieurs années avant l’arrivée de Northvolt en Montérégie.
A l’issue des travaux de décontamination menés entre 2012 et 2015, un peu plus de 50 000 tonnes de sols fortement contaminés ont été laissés sur place, en zone de confinement. Mais un rapport du cabinet Englobe, qui date de juin 2015 et qui Devoir avait obtenu suite à une demande d’accès à l’information, permet de constater que la présence de sols contaminés est loin de se limiter à cette zone. Le terrain de la future usine comporte encore de nombreuses « zones à réhabiliter dans le futur », qui contiennent donc des sols contenant des contaminants industriels.
Plusieurs d’entre eux sont situés dans des zones où Northvolt, avant de réaliser les travaux préparatoires du projet, a exposé le sol en rasant la végétation qui recouvrait jusqu’à présent le terrain. Le gouvernement Legault a autorisé ces opérations sans nécessiter de décontamination puisque le projet est de nature industrielle. L’entreprise a également prévu l’enlèvement et la gestion hors site de certains sols.
Aucune étude d’impact formelle n’était requise pour évaluer les risques associés à un sol contaminé, le projet n’étant pas soumis à la procédure environnementale qui s’applique normalement à tous les grands projets industriels au Québec. Le gouvernement a également autorisé, en juin, « l’implantation » et l’« extension » de « systèmes de gestion des eaux pluviales », une procédure habituelle afin de drainer ce vaste site situé tout près de la rivière Richelieu et en amont de trois prises d’eau potable. .
Substances toxiques
Des échantillons prélevés en septembre et analysés par un laboratoire certifié à la demande de la Société pour vaincre la pollution (SVP), de la Société de la nature et des parcs (SNAP Québec) et du Comité d’action citoyenne — Projet Northvolt révèlent cependant que le terrain de Northvolt serait ont déversé des contaminants industriels vers la rivière Richelieu.
Des échantillons d’eau et de sédiments prélevés hors site, mais dans les cours d’eau et dans les eaux de ruissellement du champ, ont indiqué la présence de différents types d’hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP). Par exemple, deux types de HAP considérés comme cancérigènes ou potentiellement cancérigènes ont dépassé les critères fixés pour la protection des milieux aquatiques, dans une proportion variant de 2,8 fois à 8 fois, selon l’analyse commandée par les groupes.
D’autres contaminants dont la présence dans le sol avait été documentée avant l’arrivée des machines de Northvolt ont été relevés dans les échantillons prélevés juste à l’extérieur du site, notamment du cobalt et de l’arsenic. Toutes les données doivent également être rendues publiques lundi matin lors d’une conférence de presse et dans le cadre d’une « réunion publique » prévue dans la soirée.
Examen du BAPE
« Ce n’est pas une bonne nouvelle de constater la présence de HAP sur le littoral de la rivière Richelieu », résume le coprésident de l’UDC, Daniel Green, soulignant que ces contaminants sont « particulièrement toxiques » pour les milieux aquatiques, et surtout pour la faune. . Ce type de substance est suffisamment nocif pour provoquer par exemple des malformations chez les poissons.
Selon lui, les résultats des analyses démontrent que la problématique des sols contaminés présents sur le site aurait mérité d’être évaluée dans le cadre d’un examen environnemental comprenant une étude d’impact et une enquête du Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE). ).
« S’il y avait eu une évaluation environnementale, il aurait été démontré que le terrain était trop contaminé pour autoriser un chantier de construction avant décontamination. Toutes les données existaient. Il n’y avait aucun secret sur les risques de recirculation des contaminants s’écoulant vers la rivière Richelieu. Il fallait être malhonnête pour écarter cette question, mais le gouvernement était pressé», déplore M. Green.
Un point de vue partagé par le directeur général de SNAP Québec, Alain Branchaud. Ce dernier s’inquiète particulièrement des effets potentiels de cette « nouvelle menace » pour le chevalier cuivré, une espèce en voie d’extinction et qui n’existe qu’au Québec, principalement dans la rivière Richelieu. La partie de la rivière qui longe le site Northvolt fait également partie de son « habitat essentiel » protégé en vertu de la Loi sur les espèces en péril.
Cette dernière, mais aussi la Loi sur les pêches, interdisent le rejet dans l’environnement de substances pouvant nuire à cette espèce très vulnérable aux contaminants. Il appartient à Northvolt de s’assurer du respect de ces dispositions, indique Pêches et Océans Canada, précisant qu’il n’a pas effectué « d’échantillons/vérifications/analyses des rejets d’eau du site de Northvolt ».
Surveillance
M. Branchaud estime également que les autorités gouvernementales ont failli à leur devoir de surveillance. « Il n’appartient pas aux citoyens de vérifier s’il existe des risques pour l’environnement et la santé humaine. Il est de la responsabilité des autorités de surveiller cette contamination et de vérifier s’il y a des problèmes de santé publique. Des mesures sérieuses doivent être prises pour éviter les fuites de contaminants. »
Devoir a interrogé le ministère de l’Environnement du Québec à deux reprises à ce sujet au cours des dernières semaines. “A ce jour, le ministère n’a procédé à aucune inspection ni prélèvement en lien avec les rejets d’eau dans la rivière Richelieu sur le site de Northvolt”, avait-on initialement indiqué.
Dans une deuxième réponse, le ministère a précisé que des « inspections » ont été effectuées et qu’elles « ont permis de confirmer que les barrières à sédiments étaient installées aux emplacements prévus dans les autorisations ministérielles délivrées à l’entreprise, et entretenues de manière adéquate ». De plus, l’entreprise doit tenir des « registres ».
Le ministère fédéral de l’Environnement a, pour sa part, répondu qu’une inspection avait eu lieu « pour vérifier le respect des dispositions de prévention de la pollution de la Loi sur les pêches ». Il n’a cependant pas été possible d’obtenir des détails à ce sujet.
Aucun risque
Northvolt, de son côté, se veut rassurant quant aux mesures prises pour éviter les fuites de contaminants vers la rivière Richelieu. « Un laboratoire accrédité par le Ministère de l’Environnement effectue l’analyse des échantillons prélevés dans nos points de vente pour plus d’une centaine de paramètres […] sur une base hebdomadaire (lorsqu’il y a des précipitations), et les résultats obtenus à ce jour ne démontrent aucun problème de fuite de contaminants vers la rivière Richelieu. »
Northvolt ajoute que « les eaux de ruissellement dans la zone principale des travaux sont actuellement dirigées vers un bassin de rétention qui ne dispose pas d’exutoire et ne se déverse donc pas dans l’environnement. Lorsqu’il y aura suffisamment d’eau dans le bassin, l’eau sera pompée vers une unité de traitement temporaire que nous avons sur place, avant d’être rejetée dans la rivière.
Concernant les données qui seront rendues publiques lors d’une conférence de presse lundi, l’entreprise affirme que « si l’échantillonnage a été réalisé en dehors du site de Northvolt et de la zone de travaux, il est impossible d’affirmer que les résultats sont directement liés aux activités de Northvolt ou son site si l’eau prélevée provient d’un effluent provenant de sources multiples.
Bien que la problématique des sols contaminés n’ait pas fait l’objet d’une étude d’impact dans le cadre du projet Northvolt Six, elle sera abordée dans l’étude d’impact du projet d’usine de recyclage de batteries Revolt. Pour le moment, on ne sait pas quand il sera déposé.