Ce 15 décembre, les trains sont soumis au nouvel horaire CFF. La Suisse romande est plus que jamais désavantagée par ce grand changement. Le nouveau président de Ouestrail, Damien Cottier, constate le retard de notre côté de la Sarine. Entretien.
Le nouvel horaire CFF est désormais actif et change les habitudes de nombreux navetteurs romands. Les CFF eux-mêmes n’hésitent pas à le qualifier de «plus gros changement d’horaire en Suisse romande depuis 20 ans». Il remplace un précédent système datant des années 2000.
Parmi les changements les plus notables figurent la présence renforcée de Renens comme « hub » et l’affaiblissement de la ligne directe entre Genève et Neuchâtel. Mais de nombreux - de trajet sont également rallongés, ce qui va en gêner plus d’un en « Suisse romande », comme on dit en bon français fédéral à Berne.
Vous souhaitez savoir comment vos déplacements seront impactés ? Toutes les informations sous ce lien, sur le site du CFF.
Après l’ancien conseiller d’État vaudois Olivier Français, l’Association ferroviaire romande Ouestrail est désormais dirigée par un autre libéral-radical, conseiller national et chef de groupe au Parlement, Damien Cottier. Le Neuchâtelois a su insérer cette nouvelle corde à son arc dans un planning déjà serré. Entretien.
Clé de voûte
Quel est l’état actuel du ferroviaire en Suisse romande et sa priorité numéro 1 ?
Damien Cottier: Il est en retard. De nombreux travaux de mise en conformité et de renouvellement des installations devront être réalisés dans les années à venir. Cela a conduit à repenser le calendrier pour permettre la réalisation de ces projets. C’est la condition fondamentale de tout développement futur.
«La modernisation des gares de Lausanne et Genève est annoncée avec 15 ans de retard»
Le calendrier 2025 affaiblit-il la mobilité en Suisse romande ?
Il s’agit d’un compromis entre les besoins et les attentes des clients et ce que le réseau ferroviaire est capable de supporter. Nous parlons d’allonger les - de trajet de quelques minutes, mais je ne pense pas que cela doive être considéré comme un affaiblissement. Il faut avant tout assurer la correspondance.
«Il y a des gens en Suisse romande qui prennent un train plus tôt pour être sûrs d’arriver à l’heure. Ce n’est plus tenable »
Cette recherche de compromis a abouti à de bonnes solutions à certains endroits, notamment la desserte de l’Ouest lausannois, le rythme demi-horaire du Pied-du-Jura à Lausanne ou encore l’extension de l’offre RegioExpress vers Martigny. Sur l’axe Lausanne-Genève, le retrait d’un train a été nécessaire pour pouvoir réaliser les travaux. Cette connexion directe n’est maintenue qu’aux heures de pointe. C’est très regrettable.
Pour un Neuchâtelois comme vous, cela rendra les déplacements à Genève plus fastidieux, non ?
« Oui, c’est le point faible de ce calendrier »
Ouestrail s’engage à ce que l’approvisionnement de ces trains soit assuré aux heures de pointe dans le - et que leur nombre puisse augmenter au fur et à mesure de la disponibilité du réseau, jusqu’à atteindre l’objectif d’une correspondance par heure. pleine, voire toutes les demi-heures avec les arrangements au nœud de Bussigny et entre Lausanne et Genève. Le changement à Renens doit aussi pouvoir s’opérer le plus rapidement possible sur la même plateforme.
La stratégie actuelle des CFF se concentre donc sur la cadence plutôt que sur la vitesse. Faut-il nécessairement opposer les deux ?
Je ne pense pas qu’on puisse parler ici de stratégie: les CFF essaient de faire de leur mieux pour répondre à la demande en croissance rapide et aux besoins impératifs de maintenance du réseau.
« La vitesse reste un élément clé de la compétitivité des transports en commun par rapport à la voiture »
Plus de rapidité est un gain pour le client, mais aussi pour ce que l’on appelle la « production ferroviaire ». Avec un - de trajet réduit, le même train peut offrir davantage de services. Cela signifie moins de trains nécessaires pour la même offre. C’est la même chose avec le personnel. Cela permet de réduire les coûts.
Dans les années 1980, un trajet Lausanne-Berne était prévu en une heure, mais cela n’a jamais eu lieu. Faut-il considérer ces promesses comme le reflet de leur époque et accepter de les sacrifier ?
Non, sacrifier cette promesse conduirait, sans jeu de mots, à un réseau à deux vitesses entre la Suisse romande et la Suisse alémanique.
«On isolerait la Suisse romande. Ce n’est pas acceptable »
Je rappelle que ce principe a été accepté par le peuple, en 1987 puis en 2014, et par les Chambres fédérales à plusieurs reprises. Son objectif est de créer, pour l’ensemble de la Suisse occidentale, une liaison Rail 2000 parfaite à Lausanne.
Plus l’infrastructure est moderne et robuste, plus les trains peuvent circuler rapidement. Votre prédécesseur Olivier Français nous le disait en 2023 :
Le nœud du problème ferroviaire francophone est-il là ?
La Suisse romande a fait l’objet d’importantes économies depuis les années 1990. Plusieurs gares ont vu leurs installations réduites avec la suppression des voies et des aiguillages, affaiblissant les opérations et les possibilités de travaux.
«Sur l’axe Lausanne-Berne, la promesse d’une nouvelle ligne a considérablement réduit les moyens d’entretenir l’actuelle»
Quand est venu le - de la Suisse romande en 2014 avec les gares de Lausanne et Genève et plusieurs projets comme la ligne directe entre Neuchâtel et LaChaux-de-Fonds, l’allongement des procédures et les fréquentes évolutions des normes ont rendu la mise en œuvre de ces travaux avec un fort impact sur les délais et les coûts. Le retard dans la maintenance, auquel s’ajoute la conformité des installations – on pense notamment à l’accessibilité aux personnes à mobilité réduite – impactent le travail et les moyens des ingénieurs et des constructeurs.
Entre les alémaniques qui bénéficient de Rail 2000 et ceux qui se battent pour améliorer « leur » bout de réseau (vers Bâle ou Saint-Gall), défendre la Suisse romande est mission impossible à Berne ?
À mon avis, il ne faut pas penser ainsi en termes régionalistes.
«Il n’y a pas plusieurs régions de Suisse, il y a une Suisse et le Parlement doit assurer l’équilibre au niveau national»
Les projets en Suisse romande sont utiles à l’ensemble du réseau, cela s’est bien compris ces dernières années. Si la gare de Lausanne ne peut accueillir des trains de 400 mètres de long, il est impossible de faire circuler des convois de cette longueur sur toutes les lignes qui y passent, avec un impact jusqu’à Saint-Gall. Le doublement du tunnel du Lötschberg offre également des possibilités de redondance pour le trafic de passagers et de marchandises entre l’Europe du Sud et l’Europe du Nord.
«Nous avons constaté avec le déraillement du tunnel de base du Saint-Gothard qu’une redondance du système était nécessaire pour des raisons stratégiques»
La Suisse romande ne doit pas abandonner. Certes, certaines mesures sont plus régionales, concernant de petites gares ou des points de passage sur les réseaux secondaires, mais ce ne sont pas les infrastructures les plus coûteuses du paquet.
Il y a des décisions discutées et prises au Palais fédéral, mais aussi au sein des CFF. La Romandie a-t-elle été abandonnée par les CFF ?
Je n’irais pas aussi loin, mais il est vrai que le potentiel de notre région n’a pas toujours été intégré ces dernières années dans le cadre des investissements et du matériel roulant. C’est un manque d’anticipation. Mais les CFF ont pris conscience des possibilités de croissance en Suisse romande. Rappelons qu’il y a une trentaine d’années, on souhaitait supprimer le trafic régional entre Genève et La Plaine, la ligne du Tonkin entre Monthey et Saint-Gingolphe ou encore celui entre Bulle et Romont.
“Cela semble impensable aujourd’hui”
Cette prise de conscience tardive des CFF se traduit aujourd’hui par des horaires de circulation plus longs, des offres saisonnières directes et des liaisons matinales vers Genève-Aéroport. Le fait que le réseau soit saturé et que le travail consomme la dernière capacité disponible pose problème.
“Tout tombe en même -, il faut le dire”
À Zurich, il est difficile d’attirer davantage de clients, tandis qu’en Suisse romande, les parts modales des transports publics restent faibles.
« Les secteurs ‘loisirs’ et ‘trafic international’ sont largement oubliés et le réseau aux heures de pointe est saturé. Cela doit être entendu »
Pourquoi les CFF développent-ils une liaison directe vers Florence et Livourne, puis peut-être Rome, depuis Zurich – mais pas depuis Lausanne ou Genève ?
De nombreuses transformations dans les gares sont prévues : la Suisse romande est-elle vouée à être un chantier géant dans les années 2020 et 2030 ?
Il n’y a pas que les stations.
«Le chemin de fer francophone dans son ensemble constituera un grand projet de Berne à Genève, de La Chaux-de-Fonds à Brigue»
Les retards dans les grandes gares comme Genève et Lausanne sont connus, mais pas encore stabilisés et restent très problématiques. C’est également le cas de petits projets, comme le tunnel de la Gléresse, qui permet de corriger le dernier tronçon à voie unique entre Lausanne et Bienne, et accuse un retard de trois ans. Quant à la troisième voie entre Morges et Denges, elle n’a pas encore reçu d’autorisation définitive, alors qu’elle aurait dû être mise en service en 2025. Les procédures sont de plus en plus complexes et longues, l’évolution des normes et directives de l’Office fédéral des transports ( OFT) et les CFF entraînent des adaptations constantes des projets, des reports et des coûts supplémentaires.
« Il faut corriger cette tendance »
Le plus inquiétant est qu’avec le retard pris dans ces projets et l’explosion des ressources nécessaires, annoncée il y a quelques jours par l’OFT, l’offre pour 2035 ne peut pas être mise en place de manière réaliste. avant 2045-2050 en Suisse romande et risque d’être déjà largement dépassé lors de son ouverture.