Dans l’immense cour de la mosquée des Omeyyades de Damas, des milliers de manifestants scandent à l’unisson “le peuple syrien est uni”, une scène inimaginable il y a à peine une semaine, lorsque Bachar al-Assad était au pouvoir.
La coalition armée à majorité islamiste de Hayat Tahrir al-Sham (HTS) a pris le pouvoir dimanche à Damas, après une fulgurante offensive de onze jours qui a renversé Bachar al-Assad du pouvoir.
“La Syrie a été libérée, nous avons été libérés de la prison dans laquelle nous vivions”, s’est exclamée Nour Zi al-Ghina, 38 ans, depuis la cour de la célèbre mosquée.
« C’est la première fois que nous nous réunissons en si grand nombre au même endroit, la première fois que nous assistons à une telle scène. Nous n’aurions jamais imaginé qu’un tel jour viendrait”, a insisté auprès de l’AFP le diplômé en économie.
Des milliers de Syriens ont convergé dès les premières heures de vendredi, jour de prière hebdomadaire, vers la mosquée des Omeyyades de Damas où régnait un parfum de fête et de festivité.
Beaucoup brandissaient le drapeau indépendantiste à trois étoiles, symbole du soulèvement pro-démocratie de 2011, désormais adopté par les nouvelles autorités, ont constaté des journalistes de l’AFP.
« Unis, unis, unis, le peuple syrien est uni », scandaient les fidèles.
Les jeunes ont fait le signe de la victoire devant les caméras des médias arabes et occidentaux.
Cette scène inédite à Damas rappelle les premières manifestations pacifiques qui éclatèrent aux quatre coins de la Syrie, avant d’être réprimées dans le sang par Bachar al-Assad.
– « Commencez à travailler » –
Quelques heures plus tôt, le leader du HTS, Abou Mouhammad al-Jolani, désormais de son vrai nom Ahmad al-Chareh, avait « félicité le peuple syrien pour la victoire de la révolution » et avait demandé à la population de « prendre dans la rue pour exprimer leur joie”, dans une vidéo sur Telegram.
Il a alors demandé de « construire le pays ».
Dans la vieille ville, les commerçants vendaient ces nouveaux drapeaux qui, il y a quelques jours encore, étaient impossibles à voir dans les rues de Damas. Sur un mur se trouvaient des dizaines de photos de personnes disparues et de prisonniers, avec des numéros de téléphone pour obtenir des informations sur leur sort.
Depuis le début du soulèvement de 2011, qui a dégénéré en guerre civile, plus de 100 000 personnes sont mortes dans les prisons du régime syrien, notamment sous la torture, selon les estimations de l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH) en 2022.
Amani Zanhour, professeur d’ingénierie informatique, présente à la prière du vendredi, affirme que nombre de ses étudiants ont disparu dans les prisons du régime.
« Rien ne peut être pire que ce qui s’est passé là-bas. Nous n’avons pas peur de cette situation”, a-t-il déclaré à l’AFP, exprimant son soutien à un Etat basé sur les préceptes de l’Islam mais respectueux des traditions des autres communautés religieuses.
Un peu plus loin, Omar al-Khaled, arrivé directement de la province d’Idlib au nord-ouest, fief du HTS, n’en revient pas.
“C’était mon rêve de venir à Damas, c’est la première fois de ma vie que j’y vais”, a souligné la jeune créatrice de 23 ans.
« Je ne peux pas décrire ce que je ressens. Les gens vivaient étouffés, mais maintenant les portes se sont ouvertes », a-t-il ajouté.
Après plus d’un demi-siècle de pouvoir indivis du clan Assad, le nouveau gouvernement affirme vouloir instaurer « un Etat de droit ».
Après la prière, les fidèles et d’autres habitants de Damas se sont rassemblés sur la place des Omeyyades où un immense drapeau a été hissé sur le monument de l’Épée de Damas, près de l’ancien quartier général de l’armée.
Mohammed al-Saad, ancien leader du HTS, se dit prêt à participer à la formation d’un nouveau gouvernement.
“Cela fait 13 ans que nous attendons cela”, a déclaré cet homme de 32 ans en costume originaire de la province d’Idlib. “Nous sommes ici pour commencer les travaux.”
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