Le président sud-coréen Yoon Suk Yeol semble sur le point de s’effondrer vendredi après avoir été écarté par son propre parti, qui le considérait comme un “danger” à la veille d’un vote au Parlement sur sa destitution pour sa tentative ratée d’imposer la loi martiale.
Craignant un nouveau coup de force du président, disparu de l’espace public depuis mercredi à l’aube, les députés de l’opposition ont décidé de camper dans l’hémicycle en attendant l’examen de la motion de destitution samedi soir.
« Avec le vote de destitution prévu demain, les heures à venir sont extrêmement dangereuses. Ce soir sera le moment le plus critique”, a déclaré vendredi le chef de l’opposition Lee Jae-myung dans un entretien à l’AFP.
Les manifestations pour réclamer le départ de l’impopulaire président conservateur devraient, selon la police, rassembler samedi “des dizaines de milliers de participants” devant le Parlement et dans le centre-ville de Séoul. Les organisateurs tablent de leur côté sur 200 000 manifestants.
Yoon Suk Yeol a été critiqué de toutes parts après avoir, à la surprise générale, déclaré la loi martiale mardi soir, avant de faire marche arrière à peine six heures plus tard sous la pression des députés et de la rue.
Il a été abandonné vendredi par son parti, le Parti du pouvoir populaire (PPP), qui avait pourtant affirmé la veille qu’il empêcherait son limogeage.
« Actions extrêmes »
Si M. Yoon reste à son poste, « il existe un risque important que des actions extrêmes similaires à la déclaration de la loi martiale se reproduisent, ce qui pourrait mettre la République de Corée et ses citoyens en grand danger », a déclaré le dirigeant du PPP, Han. Dong-hoon, à la télévision.
Il a également déclaré avoir des “preuves” selon lesquelles M. Yoon avait ordonné l’arrestation de dirigeants politiques dans la nuit de mardi à mercredi, alors que 280 militaires tentaient de prendre le contrôle du Parlement.
“Au vu de nouveaux éléments, je pense qu’une suspension rapide du président Yoon Suk Yeol est nécessaire”, a déclaré M. Han.
Le directeur adjoint du renseignement, Hong Jang-wong, a déclaré lors d’une audience à huis clos avec les législateurs que le président Yoon l’avait appelé après avoir déclaré la loi martiale pour lui demander d’arrêter plus d’une douzaine de dirigeants politiques, selon un parlementaire présent à la réunion.
Le député de l’opposition Jo Seung-lae a déclaré que parmi les dirigeants ciblés figuraient le chef de l’opposition Lee, le président de l’Assemblée nationale Woo Won-shik et même M. Han, le chef du PPP.
Craintes d’une 2e loi martiale
« Nous recevons de nombreuses informations faisant état d’une deuxième loi martiale. Jusqu’au vote de la loi de destitution samedi, tous les membres du Parti démocrate resteront dans le bâtiment principal de l’Assemblée nationale, a annoncé M. Jo.
“Les gens pourraient penser que l’armée et la police seraient réticentes à soutenir une deuxième tentative, mais Yoon pourrait exploiter les failles pour réessayer”, a déclaré Lee Jae-myung à l’AFP.
Des bus et autres véhicules étaient stationnés sur les esplanades autour du Parlement pour empêcher d’éventuels hélicoptères des forces spéciales d’y atterrir, comme ils l’ont fait dans la nuit de mardi à mercredi.
Le ministre de la Défense par intérim, Kim Seon-ho, a démenti les rumeurs d’une nouvelle loi martiale. “C’est complètement faux”, a-t-il déclaré.
Si M. Yoon ne démissionne pas avant cette date, le Parlement monocaméral se réunira samedi à 19h00 (11h00 en Suisse) pour décider de sa révocation. Une majorité de 200 députés sur 300 est nécessaire pour le destituer.
Le PPP dispose de 108 sièges, contre 192 pour l’opposition, qui doit donc rallier à sa cause au moins huit députés du parti du président. Une tâche qui ne devrait poser aucune difficulté après les déclarations du leader du PPP.
Si la requête est approuvée, M. Yoon sera suspendu en attendant la validation de sa révocation par la Cour constitutionnelle. Si cette confirmation intervient, une élection présidentielle aura lieu dans les 60 jours.
L’intérim sera ensuite assuré par le Premier ministre Han Duck-soo.
Yoon Suk Yeol, qui fait également l’objet d’une enquête pour « rébellion », a vu sa popularité chuter à 13 %, selon un sondage Gallup publié vendredi.
Dans son discours télévisé annonçant la loi martiale, mardi soir, il a justifié cette mesure par la nécessité de protéger « la Corée du Sud libérale des menaces des forces communistes nord-coréennes et d’éliminer les éléments hostiles à l’État ».
Il avait accusé le Parlement contrôlé par l’opposition de bloquer « tous les budgets essentiels aux fonctions primaires de la nation ».
Malgré la fermeture de l’Assemblée par l’armée et la police, 190 députés ont réussi à s’infiltrer à l’intérieur. Ils ont voté à l’unanimité une motion contre la loi martiale, tandis que leurs assistants ont empêché les soldats d’entrer dans la salle en barricadant les portes avec des meubles.
Au même moment, des milliers de manifestants se sont rassemblés devant le Parlement pour exiger le départ du président. Ce dernier a finalement abrogé la loi martiale mercredi à l’aube et a renvoyé l’armée dans ses casernes.
/ATS