À Guelmim, ce qui était censé être un projet régional exemplaire d’éducation et de développement s’est transformé en un véritable bras de fer entre habitants et lobbys immobiliers. Face à ces tensions croissantes, le ministère de l’Intérieur s’est saisi du dossier, avec pour objectif de dénouer ce dossier controversé.
Le projet de création d’une faculté des sciences juridiques et économiques, validé et inscrit au Bulletin officiel, semble aujourd’hui menacé par des intérêts privés qui tentent de forcer le déplacement vers une zone périphérique et isolée. Une manœuvre définie comme une tentative de valorisation spéculative des terrains appartenant à des promoteurs immobiliers au détriment de l’intérêt public.
Le Wali de la région Guelmim-Oued Noun, Mohamed Najem Abhay, a été contacté récemment par des plaintes de citoyens de Guelmim. Ces derniers s’opposent fermement au transfert du siège universitaire initialement prévu vers « Erg Assfar », un site proche du centre-ville.
Ce lieu, selon eux, est idéal pour accueillir une infrastructure éducative car il est intégré dans un tissu urbain dense, facilement accessible et entouré d’autres établissements d’enseignement comme l’Institut Supérieur de l’Hôtellerie. En revanche, le site alternatif proposé, situé à une dizaine de kilomètres de là, est décrit comme un « no man’s land », dépourvu d’infrastructures, de transports urbains et de services de base, rendant difficile son accès pour les étudiants.
Au centre de la polémique se trouvent des promoteurs immobiliers accusés de faire pression pour déplacer le projet dans une zone où ils possèdent de vastes parcelles de terrain. L’objectif serait de tirer parti de la création de la faculté pour développer ces terrains et augmenter leur valeur marchande. Une stratégie qui suscite l’indignation des familles et des associations locales, pour qui l’éducation ne doit pas devenir l’otage de la spéculation immobilière.
Les habitants ne sont pas mécontents, convaincus que cette décision ne répond ni aux besoins des étudiants ni à ceux de la ville. En s’éloignant du noyau urbain, le projet risquerait de priver une grande partie de la population d’un accès équitable à l’éducation. Par ailleurs, cette tentative de « déplacement forcé » soulève des questions plus larges sur la gestion des biens publics et l’influence des intérêts privés sur les décisions publiques.
Réaction institutionnelle sous la pression populaire
Face à ces tensions, le ministère de l’Intérieur s’est immédiatement mobilisé pour tenter de clarifier et de résoudre cette question délicate. Parallèlement, le membre de Groupe socialiste A la Chambre des Représentants, Aouicha Zelfi a appelé le ministre de l’Enseignement supérieur à dénoncer le rôle présumé des promoteurs immobiliers et à demander des garanties sur la transparence et l’équité des décisions relatives à ce projet.
Dans sa demande, la députée a souligné l’impact négatif qu’aurait ce transfert sur les étudiants et leurs familles, notamment en l’absence de moyens de transport adéquats. Il a également mis en garde contre de potentiels abus liés au contrôle des lobbies immobiliers sur des projets d’intérêt public, appelant les autorités à réaffirmer la priorité de l’intérêt général sur les ambitions privées.
L’enjeu va bien au-delà du simple déplacement d’un projet universitaire. Il met en lumière les problèmes structurels qui plombent parfois la gestion des ressources publiques au Maroc : pressions des intérêts privés, conflits entre développement urbain et aménagement du territoire, ainsi qu’accès équitable aux services essentiels.
D’une part, le maintien du projet dans son emplacement d’origine, à proximité du centre-ville, symbolise une vision de développement intégrant les besoins sociaux, économiques et éducatifs. Il répond à une logique de proximité, indispensable pour les étudiants issus de familles modestes. D’un autre côté, le déplacement vers les zones périphériques reflète une tendance inquiétante selon laquelle les intérêts privés peuvent influencer les décisions stratégiques, mettant ainsi en péril des projets qui devraient avant tout profiter aux citoyens.
L’avenir du projet en cours
Cette controverse soulève également des questions sur l’urbanisme dans des villes en croissance comme Guelmim. Le choix de déplacer un projet éducatif vers une zone mal desservie et sous-équipée ne semble pas s’inscrire dans une vision cohérente de l’aménagement du territoire. Cela reflète un décalage entre les décisions prises au sommet et les réalités vécues par les populations locales.
Pour les habitants de Guelmim, cette histoire reflète leur aspiration à un développement équitable et à des décisions publiques privilégiant les besoins de la population sur les ambitions des pouvoirs économiques locaux. L’issue de ce conflit dépendra des décisions des autorités, appelées à faire en sorte que ce projet éducatif reste au service des étudiants et de la communauté, plutôt que des intérêts économiques privés. Les prochaines semaines seront décisives pour l’avenir de cette faculté et pour la confiance des citoyens dans leurs institutions.