Pourquoi le Sénégal veut réduire ses exportations d’arachide

Pourquoi le Sénégal veut réduire ses exportations d’arachide
Pourquoi le Sénégal veut réduire ses exportations d’arachide
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Sélection d’arachides à Dinguiraye, ouest du Sénégal, février 2013. SEYLLOU/AFP

Dans le bassin arachidier du Sénégal, qui s’étend de Louga (nord) à Kaolack (centre-ouest), à la fin de la saison des pluies, entre mi-octobre et début novembre, commence la récolte des arachides. Pour les 27% de familles sénégalaises qui le cultivent, c’est une période cruciale. Vient ensuite la phase de commercialisation, qui devrait débuter en novembre, immédiatement après la fixation d’un prix minimum par l’État. Mais cette année, tout a pris du retard dans ce processus.

Fin octobre, le gouvernement a décidé de suspendre, à compter du 15 novembre, les exportations de graines d’arachide pour la campagne 2024-2025, dans le but de « pour empêcher les exportations de concurrencer le marketing local »selon le ministère de l’Agriculture. Une mesure qui inquiète les agriculteurs. « Le débat est partout sous les arbres à palabres »explique Babacar Ndiaye, cultivateur de plusieurs hectares d’arachide et de mil dans la commune de Djilor, au Sine Saloum.

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Pour de nombreux producteurs, les exportations représentent la seule Source de revenus. D’abord parce que les producteurs locaux d’huile, dont la Société nationale de commercialisation des oléagineux du Sénégal (Sonacos), n’ont pas la capacité de récolter toute la production d’arachide et de la transformer. Sur les 1,7 million de tonnes d’arachides produites chaque année, la Sonacos et ses trois concurrents privés ne peuvent en absorber qu’un maximum de 500 000 tonnes.

De plus, un kilo de cacahuètes est bien mieux payé à l’exportation que sur le marché local. Pour la saison 2023-2024 le prix au kilo a été fixé à 280 francs CFA (0,42 euros). «Là où les importateurs proposaient des prix entre 300 et 500 francs le kilo»indique Babacar Ndiaye. Depuis l’accord conclu avec Dakar en 2014, la Chine est de loin le premier parmi ceux-ci, devant l’Inde, avec près de 300 000 tonnes d’arachides sénégalaises importées en 2023.

« Le secteur manque cruellement d’organisation »

Une fois rentable, cette opération chinoise s’est finalement retournée contre le marché local. « Nous avons traversé des années où la Sonacos ne parvenait plus à s’approvisionner en arachides en quantité suffisante. », raconte Babacar Diallo, assistant technique du réseau des organisations paysannes et pastorales du Sénégal, qui regroupe près de 50 000 agriculteurs. A tel point que certaines usines du producteur national de pétrole ont fini par mettre un terme à une partie de leurs activités.

Depuis les années 2010 et la libéralisation du secteur par le président Abdoulaye Wade (2000-2010), de nombreux agriculteurs et collecteurs ont fini par refuser de travailler avec la Sonacos, selon Babacar Diallo. « Leur mode de paiement est très lent, cela peut prendre des semaines, alors que chez les exportateurs, nous sommes payés au moment où le camion est chargé.poursuit l’agriculteur Babacar Ndiaye. Ils imposent également des droits de douane, dont une réduction liée à l’évaluation de la qualité de l’arachide. Mais de nombreux agriculteurs font état de mesures subjectives et de réductions abusives. »

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Cependant, les importateurs chinois ont fini par être blâmés « concurrence déloyale ». « L’industrie manque cruellement d’organisation, ce qui a été une aubaine pour eux.observe Habib Thiam, président du Collectif des producteurs et exportateurs de semences d’arachide (Copega). Les Chinois sont même allés jusqu’à récolter les cacahuètes directement dans les champs, avec leurs propres ouvriers chinois et leurs décortiqueuses, écartant ainsi la main d’œuvre sénégalaise. »

Autre gros problème pour le Sénégal : la qualité des graines d’arachide. « Depuis des années, nous exportons nos meilleures semences – y compris celles qui sont certifiées et que nous devons conserver pour les replanter l’année suivante – car les Chinois et les Indiens ont des exigences de qualité. » souligne Habib Thiam. En d’autres termes, de nombreux agriculteurs sénégalais se retrouvent avec des semences de qualité nutritionnelle en baisse, dont les meilleures ont été vendues à l’étranger il y a des années.

Un prix minimum légèrement augmenté

Face à l’inquiétude du de l’arachide et après plusieurs jours de concertation, le ministre de l’Agriculture, de la Souveraineté alimentaire et de l’élevage, Mabouba Diagne, a adouci ses annonces. “C’est une mesure de précaution et non définitiveexplique Monde. Aujourd’hui on dit que c’est après avoir sécurisé les tonnes de semences certifiées pour l’année suivante et l’approvisionnement des producteurs d’huile sénégalais que l’arachide pourra être exportée. »

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Articulation

Sous l’impulsion du nouveau directeur général, Elhadji Ndane Diagne, nommé en mai, les usines Sonacos de Dakar, Ziguinchor, Diourbel et Louga ont repris du service ces dernières semaines. « Nous ne laisserons aucun agriculteur avec des semences invendues, même si celles-ci dépassent nos capacités industrielles. » des promesses. Mardi 26 novembre, les autorités ont finalement dévoilé le prix minimum de l’arachide pour la saison 2024-2025, le fixant à 305 francs CFA, soit une augmentation de 25 francs par rapport à 2023.

« Compte tenu des fermetures de frontières et des inondations qui ont affecté de nombreuses récoltes, ce prix est une déception, ce n’est pas suffisant »explique Babacar Ndiaye. Et de prévenir : « Si l’État ne redouble pas d’efforts, il se peut qu’il n’y ait pas de graines cette année. », ajoutant que de nombreux producteurs sont prêts à bloquer les ventes s’ils n’obtiennent pas satisfaction.

Célia Cuordifede (Dakar, correspondance)

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