Au tribunal correctionnel du Vaucluse,
“C’est toi et moi contre le monde entier.” Devenue « malgré elle l’avocate du diable », Me Béatrice Zavarro, conseil de Dominique Pelicot, débute ce mercredi sa plaidoirie au procès pour viol de Mazan. Elle se tourne vers son client, prosternée. Il gardera la tête entre les mains pendant l’heure et demie que durera sa défense.
L’avocate confie sa solitude vécue durant ces douze semaines d’audience. Puis elle détaille et met en avant « les fissures » de Dominique Pelicot, qui risque jusqu’à vingt ans de prison. Elle esquisse les grandes lignes d’une explication, résumée par cette formule répétée tant par les accusés que par les experts convoqués : « On ne naît pas pervers, on le devient ». Et c’est en convoquant « les autres » qu’elle plaide la cause perdue de son client. « Les autres, c’est d’abord son climat familial délétère », fait de violences conjugales, notamment sexuelles, de relations incestueuses, de dépossession. « Les autres, ce sont les traumatismes », poursuit-elle, revenant sur les deux viols dont Dominique Pelicot dit avoir été victime lorsqu’il avait 8 et 14 ans. « Il n’y a aucune résilience chez Dominique Pelicot, car il n’a pas évolué dans un bon environnement », affirme sa défense.
Les autres, enfin, sont ses complices. Me Béatrice Zavarro ne va pas si loin. “Je recherche un complice pervers pour maltraiter par mes soins ma femme endormie”, enchaîne l’avocat de “l’annonce” que Dominique Pelicot a placée sur le site coco.fr, “le grand absent de ce procès. Sans ce réseau, ce fichier n’existe pas, Dominique Pelicot n’existe pas”, affirme-t-elle. Des « visiteurs » pour lesquels l’avocat ne cherche pas d’excuse : telle est la ligne tenue par son client tout au long du procès, alors que nombre de ses coaccusés ont plaidé manipulation, contrôle, menaces, voire, tour à tour, soumission chimique pour 33 des eux.
Un plaidoyer impossible
S’appuyant sur les témoignages de deux hommes qui ont refusé de se rendre chez les Pélicots après avoir pris connaissance de « l’offre », Me Zavarro poursuit : « Ces deux-là me confirment que Pélicot n’est ni un menteur ni un manipulateur. « . Avant d’énumérer : « Pélicot était-il menaçant ? Non. Violent ? Non. La porte est-elle verrouillée ? Non. Est-il responsable de l’état d’esprit de chacun ? Non. Ne laissez personne me dire qu’il exerçait un contrôle sur ces hommes », déclare Béatrice Zavarro.
Pour étayer son discours, l’avocate explique avoir consulté un sexologue qui lui a rappelé que les érections, chez les hommes, étaient constitutives de leur virilité. «Profitez-en avant que notre corps ne vieillisse», a déclaré Dominique Pelicot lors des débats, propos rappelés ce mercredi par Me Béatrice Zavarro. « A travers tous ces hommes, Dominique Pelicot a délégué son pouvoir de virilité. Et, pardonnez-moi, tout ce dossier n’est-il pas, en fait, sa dernière érection ? », ose l’avocat, convoquant Freud parmi d’autres auteurs et psychiatres. Elle tente de ramener son client à une relative normalité : « Le violeur moyen, vulgaire, est un bon Français, malheureusement ordinaire, pas un psychopathe. »
Dominique Pelicot garde ses mots pour la fin
Dans cette plaidoirie finalement impossible, Béatrice Zavarro conclut en évoquant la fin du « parcours criminel » de Dominique Pelicot, avec une arrestation qu’elle qualifie de « volontaire ». « Ce 12 septembre 2020, je crois que c’est un arrêt volontaire. Car Gisèle Pelicot nous raconte que cet homme s’était mis en colère. Que ses amis décrivent sa nervosité. […] Dominique Pélicot n’a-t-il pas dit en garde à vue : « Je vous remercie de m’avoir enlevé ce poids » et « il était temps que tout s’arrête car cela devenait difficile à contrôler » ? « .
Notre dossier sur l’affaire du viol de Mazan
Alors que le tribunal entendra pendant trois semaines les plaidoiries des avocats de ses coaccusés, Dominique Pelicot ne peut conclure « son » procès sans avoir le dernier mot. C’est pourquoi il a confié à son avocat deux poèmes, écrits en détention. Il réitère ses regrets et son espoir de pouvoir reparler à son ex-femme et à sa famille.
Dominique Pelicot est “très naïve de penser que réconciliation avec le passé = guérison”, avait prévenu Me Béatrice Zavarro un peu plus tôt dans la journée.