- Auteur, Armand Mouko Boudombo
- Rôle, Journaliste BBC Afrique
- Gazouillement, @AmoukoB
- Rapport de Dakar
- 20 novembre 2024, 17h45 GMT
Mis à jour il y a 28 minutes
Le premier ministre malien est en désaccord depuis des jours avec les autorités militaires qui dirigent la transition depuis plus de trois ans. Cette crise s’apparente à un divorce selon les experts, mais jusqu’où iront les protagonistes ? Analyses.
Les relations entre le premier ministre Choguel Maiga et le président de la transition ne sont plus bonnes. C’est le départ du Premier ministre qui a envenimé la situation.
A l’occasion du premier anniversaire de la reconquête de la ville de Kidal par l’armée malienne face aux rebelles, Choguel Kokalla Maiga a critiqué la marginalisation par les autorités de transition.
Devant ses militants du Groupement des forces patriotiques (M5-RFP), Maïga, en uniforme militaire, a abordé la question délicate de la fin de la transition.
“La transition devait s’achever le 26 mars 2024, mais elle a été reportée sine die, unilatéralement, sans débat au sein du gouvernement”, a-t-il précisé.
Pour lui, « le premier ministre d’un pays ne peut pas apprendre par les médias que les élections ont été reportées. C’est par la télévision que les ministres ont appris que les élections avaient été reportées.”
Applaudi par l’opinion, le premier ministre en poste depuis août 2021 tente de rassurer ses partisans. « Nous avons une patience stratégique… Certains ont interprété cette patience comme une faiblesse, mais nous sommes habitués à nous battre politiquement depuis 50 ans », a-t-il déclaré à l’auditoire.
Attention, « l’objectif de la conférence d’aujourd’hui est de faire comprendre à tous que là où des erreurs sont commises, il faut reprendre des forces. Les Maliens n’accepteront jamais que ce pour quoi ils se sont battus leur soit rendu. »
Il demande la démission
Après le départ du Premier ministre, les autorités militaires n’ont pas encore réagi, mais la classe politique est en ébullition.
Dans une déclaration publique mardi, Mohamed Ag Mohamédoun, président de l’Alliance pour la refondation du Mali et porte-parole du soutien aux militaires au pouvoir, a appelé à la démission de M. Maiga, estimant qu’il détournait un moment historique.
« La reprise de la ville de Kidal, moment historique que tous les Maliens devraient célébrer, a malheureusement été détournée, sous le prétexte fallacieux de clarifications de la classe politique.
Pour Ag Mohamédoun, « ce subterfuge n’est en réalité qu’une candidature politique opportuniste lancée par l’actuel Premier ministre Choguel Maiga ».
Et donc, pour lui, « une telle démarche qui ternit l’image de notre pays, entache notre victoire, est une trahison de la confiance du président (Assimi Goita) et, plus encore, un mépris flagrant de l’intelligence et de la dignité du peuple malien. ” les gens », a-t-il déclaré avant d’adresser un message au Premier ministre.
« Monsieur Choguel Kokalla Maiga, vous devez rendre des comptes… En raison de votre discours qui affaiblit encore davantage l’unité nationale, il est intolérable que vous restiez à votre poste de Premier ministre », a-t-il conclu.
Crise inévitable entre Choguel Maiga et Assimi Goita ?
Les experts maliens sont tous unanimes : cette sortie du premier ministre malien interviendra tôt ou tard.
« Choguel Maiga était effectivement devenu Premier ministre », explique le journaliste politique Mohamed Attaher Halidou, car, selon lui, au cours des derniers mois, l’homme politique n’avait cessé de demander des éclaircissements sur les modalités de la transition.
Pour Brahima Mamadou Koné, analyste politique malien, Maiga n’a pas improvisé ce discours, mais a su l’utiliser pour exprimer un désaccord devenu évident.
« C’est une personne qui ne partage plus la vision actuelle de la conduite de l’action gouvernementale, depuis que le général-major Abdoulaye Maiga a été nommé ministre de l’Administration territoriale. On a dit : si je démissionnais personnellement, je me tuerais politiquement, il a dit qu’il fallait quitter la scène pour que le chef de l’Etat le licencie”, explique le politologue.
Une période d’incertitude commence alors, même si pour Mohamed Attaher Halidou le premier ministre a prononcé un “discours sur le divorce” et Maïga est désormais “un animal politique blessé”.
Pour Brahima, Mamadou Koné va plus loin, affirmant que la coexistence est désormais impossible entre les deux camps qui mènent la transition. Selon lui, on risque de voir « une action gouvernementale bloquée », précise-t-il.
Un divorce risqué ?
C’est désormais la grande question. Choguel Kokalla Maiga accompagne les autorités de transition au Mali depuis plus de trois ans.
Connu comme l’un des dirigeants du Regroupement des forces patriotiques (M5-RFP), le groupe à l’origine des manifestations qui ont conduit au coup d’État contre le président Ibrahim Boubakar Keita, Maïga se positionne, selon les experts, comme la principale figure civile de la transition. .
Le divorce entre lui et l’armée ne peut donc se faire sans conséquences, estiment nos experts. Selon ce dernier, c’est une pierre qui pourrait mettre dans la peau des autorités militaires en place au Mali.
D’autant que Choguel Maiga possède une arme redoutable, une aile du mouvement M5-RFP, dont il est le leader. « Cette branche pourrait devenir une force de contestation contre les autorités de transition », estime Brahima Mamadou Koné.
Par ailleurs, après avoir été chef du gouvernement pendant plus de trois ans, Maiga connaît désormais l’appareil d’Etat. Pour Mohamed Attaher Halidou, « il pourrait se lancer dans un déballage des affaires de l’Etat qui mettrait à mal les autorités ».
Il ne faut cependant pas surestimer ses atouts, tergiverse le politologue Brahima Mamadou Koné, pour qui « Choguel Maiga a le charisme de sa fonction de premier ministre. S’il est démis de ses fonctions, il ne pourra plus s’imposer comme un leader capable de rassembler le M5-RFP, qui regroupe aujourd’hui trois factions distinctes.
Le Mali est dirigé par l’armée depuis août 2020, après un coup d’État contre le président Ibrahim Boubacar Keita, après des mois de protestations de la société civile et de la classe politique.
Moins d’un an plus tard, en mai 2021, un autre coup d’État a visé les autorités qui avaient pris le pouvoir au président Keita.
Le nouveau leader, aujourd’hui général Assimi Goita (alors colonel), a promis d’organiser des élections en février 2025, avant de les reporter à une date inconnue, invoquant des « raisons techniques » sans donner plus de précisions.