C’est la question que se posent de nombreux Maliens depuis le week-end dernier… D’après le discours, lors d’une réunion, de Choguel Maïga. C’était à l’occasion de la commémoration du premier anniversaire de la reconquête de Kidal par les rebelles touaregs, un discours de deux heures au cours duquel le premier ministre malien a durement critiqué la gestion de la transition par les militaires au pouvoir à Bamako. Il a ainsi dénoncé l’opacité totale du calendrier électoral et proposé de ne pas être consulté.
Oui,” la scène politique est en ébullition » s’exclame-t-il Maliweb. « Les mouvements proches des militaires réclament la démission de Choguel Maïga », pointe Le Républicain. « Le Premier ministre fait face à une pression croissante suite à ses critiques publiques à l’égard des autorités de transition. Le Collectif militaire de défense le qualifie de « traître » et réclame sa démission dans les 72 heures pour « haute trahison ». D’autres organisations, comme l’Alliance pour la refondation du Mali, dénoncent le discours du Premier ministre comme une tentative de « déstabiliser la transition ». Le mouvement Unis pour le Mali appelle les autorités à nommer un nouveau chef de gouvernement capable de rassembler ».
Isolé, polarisé ?
Alors, qu’est-ce que Choguel Maïga ?
Maliweb a recueilli l’avis du politologue Cheick Oumar Konaté, qui travaille aux côtés du Premier ministre depuis trois décennies. Selon lui, « Choguel Maïga souffre depuis un an d’isolement au sein du pouvoir. (…) Il veut forcer le président de la Transition à choisir : soit le destituer, soit lui rendre les pouvoirs de Premier ministre ». Et ce serait dans son intérêt de le faire, estime-t-il, car « Choguel Maïga est l’un des rares hommes politiques maliens capables de s’opposer aux puissances occidentales qui entendent faire payer au Mali sa politique d’émancipation nationale. ».
Tribune du Sahel, un autre média malien, a une tout autre approche : « Choguel Maïga, dans son discours, évoque « des disputes sur fond de rivalités secrètes », laissant entendre que ces tensions freinent les avancées. Mais ne fait-il pas lui-même partie du problème ? s’exclame le site malien. Son leadership, souvent marqué par des postures théâtrales et des déclarations tonitruantes, semble plus orienté vers la polarisation que vers l’unité. Loin d’être une boussole pour la transition, elle devient parfois un élément de confusion, alimentant les doutes sur la capacité des institutions à travailler ensemble. ».
Pari risqué…
« Blues ou poker ? » il demande sa part Jeune Afrique. « Choguel Maïga voulait avant tout tester sa stature politique et évaluer ses chances de réussir à l’avenir, dit le site panafricain. La fin de l’année dira si l’actuel chef du gouvernement a impressionné ceux qu’il critique au point de retrouver une certaine stature politique, s’il devra faire marche arrière sous la forme d’un meaculpa public pour maintenir sa position, ou s’il fera ses valises et espère se rétablir dans une phase post-transition encore floue ».
« Pari risqué pour Choguel Maïga », commente-t-il Ledjely en Guinée : « Se sentant en mauvaise position, le premier ministre malien veut créer les conditions pour régénérer son aura perdue auprès d’une certaine opinion publique mariale. Autrement dit, être un héros et un défenseur de causes justes, renverser les militaires et provoquer ainsi leur licenciement. ».
Mais cette stratégie est très risquée, souligne le site guinéen : « D’abord parce que Choguel Maïga a lui-même contribué à réduire l’opposition malienne à sa plus simple expression. Il n’y a donc plus grand monde sur qui il pourrait compter dans la perspective de sa reconversion de premier ministre à adversaire. Ensuite, parmi les opposants qui restent encore en place, beaucoup ne lui pardonneront peut-être pas le rôle néfaste qu’il a joué dans l’extinction du libre débat et de la contradiction dans le pays. Bref, conclure Ledjely, pourrait perdre son poste et ne pas, comme il l’espère, se redresser ».
Le site du Mali Badam tu demandes aussi : « Le Premier ministre pourrait-il redevenir une figure centrale de la politique malienne, ou cette sortie marquera-t-elle la fin de son influence ? Vous préparez-vous à un nouveau rôle dans la transition ? ».
En tout cas, hier Choguel Maïga était toujours en fonction : il a présidé la réunion du conseil de cabinet avec les membres du gouvernement au siège du premier ministre.