Traqué par des créanciers qui veulent prendre le contrôle de ses cinémas, Vincent Guzzo affirme discuter avec des investisseurs prêts à venir au secours de l’entreprise familiale, qui multiplie ses défauts de paiement. Reste à savoir si cet argument suffira à convaincre le tribunal.
«Il y a une discussion avec deux groupes qui se rapprocheraient», a témoigné M. Guzzo mardi devant la Cour supérieure du Québec. Je vous dirais que pour le moment, tout le monde travaille dur. »
Il avait toutefois peu de détails à offrir au juge Michel Pinsonnault, qui entendait la demande de la Banque CIBC, le principal créancier du Groupe Guzzo. L’institution souhaite que le groupe soit placé en redressement judiciaire, ce qui pourrait conduire à sa liquidation.
Si le magistrat donne raison aux plaignants, un administrateur nommé par le tribunal – un représentant du cabinet Raymond Chabot – se retrouverait aux commandes du groupe québécois. Les cinémas de la chaîne poursuivraient leurs activités.
Cette démarche permettrait notamment au plaignant de scruter les finances de l’entreprise familiale. Depuis plusieurs années, il est difficile de mettre les choses au clair, déplore l’institution financière. La CIBC allègue qu’elle n’a pas reçu d’états financiers audités de Guzzo après 2021.
«J’ai un portrait global, mais je suis loin d’avoir des réponses à toutes mes questions car nous avons eu accès à des informations résumées dans des états financiers qui ne sont pas audités», a expliqué le représentant de Raymond Chabot, Dominic Deslandes. Nous ne disposions pas d’informations détaillées sur les coûts de fonctionnement d’une entité comme celle-ci. Alors, j’ai évidemment beaucoup de questions à poser aux dirigeants. »
Au pied du mur
Le temps presse pour le plus grand propriétaire indépendant de cinémas au Québec. La CIBC lui demande 38 millions.
Dans sa demande sous le Droit de la faillite et de l’insolvabilité (LFI), l’institution financière dit avoir annoncé au groupe en août 2023 son intention de couper ses liens avec lui, après des démarches entreprises par la Ville de Laval pour récupérer les taxes impayées. Elle aurait alors tenté de discuter à plusieurs reprises pour obtenir le remboursement de ses emprunts.
M. Guzzo, qui conteste les prétentions de la banque, affirme que la « lune de miel » entre son entreprise et l’institution financière s’est terminée en octobre 2021. Il reproche à la CIBC son intransigeance envers son entreprise dans le cadre des efforts de refinancement, sans fournir de pièces justificatives au tribunal.
Le président et chef de la direction de la chaîne québécoise allègue que la banque torontoise lui a mis des bâtons dans les roues au cours de la dernière année dans le cadre de ses négociations avec des prêteurs potentiels qui étaient également clients de la CIBC.
«Selon certaines personnes à la CIBC, j’étais très mal à l’aise, comme personne d’autre», a déclaré M. Guzzo à propos d’une transaction qui n’a pas vu le jour au dernier moment. « La personne a [reculé au dernier moment]. »
Le contre-interrogatoire de l’homme d’affaires a été le théâtre de multiples affrontements avec l’avocat de la banque, M.e Hugo Babos-Marchand. Ce dernier a notamment reproché au leader de Guzzo d’être dans le « ouï-dire » et de ne pas respecter les « règles de base de la preuve » lorsqu’il s’exprimait.
Des dizaines de millions en jeu
En octobre dernier, La presse a rapporté que la CIBC et les prêteurs privés de l’exploitant de cinéma québécois lui réclamaient plus de 60 millions.
La Banque Equitable dit vouloir récupérer près de 16 millions auprès de deux sociétés du groupe, qu’elle considère comme « insolvables » dans ses avis déposés au registre foncier. Q-12 Capital et Q-8 Capital, du Québec, réclament près de 10 millions aux mêmes entreprises.
Lors d’une audience qui a eu lieu le 15 novembre, les représentants de Revenu Québec ont également évoqué des dettes de 6,7 millions et celles d’Ottawa, de 1,4 million.
Les avocats des Cinémas Guzzo et de la CIBC se réuniront ce mercredi devant le juge Pinsonneault pour les plaidoiries.
Le Groupe Guzzo en bref
- Origines : En 1974, Angelo Guzzo, le père de Vincent, acquiert le cinéma Capri qu’il rebaptise Le Paradis.
- PDG : Vincent Guzzo
- Autres actionnaires : Angelo Guzzo, Rosetta Rubino-Guzzo
- Nombre d’établissements : 10, tous dans la grande région de Montréal, environ 150 chambres
- Entreprises dans d’autres secteurs d’activité : Pizzeria Giulietta, Guzzo Construction Group
Apprendre encore plus
-
- 6,5 millions
- Perte d’exploitation nette du Groupe Guzzo en 2023, selon CIBC
Source : Demande de nomination d’un séquestre CIBC par intérim