Sous influences | Charlotte Le Bon : la vie rêvée des anges

Sous influences | Charlotte Le Bon : la vie rêvée des anges
Sous influences | Charlotte Le Bon : la vie rêvée des anges

Les artistes sont aussi la somme des œuvres qui les ont façonnés. L’actrice et cinéaste Charlotte Le Bon, excellente dans le rôle de l’artiste Niki de Saint Phalle (conceptrice de la fontaine Stravinsky à Paris) dans Niki de Céline Sallette, à l’affiche ce vendredi, parle de ceux qui l’ont marquée à notre chroniqueur Marc Cassivi, dans le cadre de notre rubrique Sous influences.

Marc Cassivi : Je voulais vous parler des œuvres qui ont fait de vous l’artiste que vous êtes aujourd’hui. Quelle œuvre a eu le plus d’impact sur votre enfance ?

Charlotte Le Bon: La petite sirène ! C’est certainement le film que j’ai le plus vu. J’ai essayé de comprendre pourquoi cela m’a autant touché, car certaines féministes n’aiment pas du tout qu’il mette en scène une femme qui accepte de changer pour un homme. Ce que j’ai toujours aimé chez la petite sirène, c’est sa curiosité. Elle n’est pas satisfaite de son environnement immédiat et elle souhaite chercher ailleurs pour se transformer et vivre une autre vie.

Il y a aussi son destin tragique… [Note de l’intervieweur, qui ignorait que dans La petite sirène (1989), son destin est nettement moins tragique que dans le conte d’Andersen !]

Au niveau du script, La petite sirène de Walt Disney, c’est vraiment un petit bijou. Et je l’ai toujours affiché dans ma chambre ! En fait, j’ai l’affiche qui a été interdite dans les années 1990 car le palais de Triton avait des formes phalliques…

Bande-annonce pour La petite sirène

Une pièce de collection !

Une pièce de collection et, surtout, une relique de mon enfance. En fait, je suis hyper nostalgique du rapport qu’on avait aux films quand on était enfant. Je m’ennuie tellement des clubs vidéo. Maintenant, tout est accessible, tout le temps. Avant, on ne regardait pas les films en appuyant sur « pause » pour faire autre chose, on n’était pas sur nos téléphones en même temps. On les regardait souvent deux fois. Il fallait en profiter avant de les rendre.

Les films qu’on a découverts à l’enfance nous marquent pour toujours.

Après, j’ai vu Stand by Me, qui m’a aussi ébranlée. Ça mettait de l’avant la vulnérabilité des jeunes garçons. Puis L’histoire sans fin, qui reste pour moi un immense classique. Il y a un message philosophique dans le film qui me touche énormément et m’inspire beaucoup. Chaque fois que je le vois, je découvre autre chose. C’est l’histoire du néant qui est en train de bouffer l’imaginaire des gens. J’ai un peu l’impression que c’est ce qui nous arrive en ce moment.

Tu me parles de films de mon enfance, que tu as donc découverts bien après leur sortie…

Oui, Stand by Me, c’est sorti en 1986, l’année de ma naissance. Il y a E. T. aussi, que j’ai revu récemment et qui est un chef-d’œuvre absolu.

E. T., c’est le premier film que j’ai vu au cinéma.

Quelle chance !

Et puis à l’adolescence, quels sont tes souvenirs d’œuvres marquantes ?

Un film qui m’a habitée longtemps, et qui a été une Source d’inspiration pour Niki, c’est Girl, Interrupted de James Mangold. C’est le genre de film que tu termines et dont tu as juste envie d’écouter la musique, pour continuer à le porter en toi.

Bande-annonce de Girl, Interrupted (en anglais)



Tu l’as revu récemment ?

Oui, j’aime beaucoup l’approche américaine du jeu, un peu plus concrète que celle du cinéma français, qui peut être plus cérébrale. À l’adolescence, il y a aussi eu la découverte des films d’horreur, que l’on regardait de manière un peu clandestine, ce qui faisait partie du trip. C’était terrifiant. Après, je le payais très cher parce que j’étais incapable de dormir seule dans ma chambre ! Je ne sais pas combien de fois je me suis fait un lit dans la chambre de mes parents. J’ai dû complètement bousiller leur vie sexuelle au début de mon adolescence ! On regardait Scream ou I Know What You Did Last Summer, que j’ai revu et qui a tellement mal vieilli.

Ça reste en toi, ce goût pour les éléments de genre dans ton cinéma ? Il y aura des fantômes dans ton prochain film ?

Non, pas à proprement parler, mais il y aura de la métaphysique. J’en suis encore à écrire le scénario. Le monde de l’invisible en général est une Source d’inspiration inépuisable pour moi. Tout ce qu’on n’arrive pas à rationaliser, ça me fascine.

Quelle musique écoutais-tu à l’adolescence ?

C’était très disparate. J’écoutais All Saints, mais aussi beaucoup de Nirvana. Je m’en cachais un peu. Ma mère [la comédienne Brigitte Paquette] Je n’ai pas vraiment aimé ça, car le chanteur Kurt Cobain est décédé d’une mort tragique. Peut-être avait-elle peur que cela m’influence d’une manière ou d’une autre, que je sois pris dans ses démons.

Étiez-vous un adolescent déprimé ?

Non, bien au contraire. C’est peut-être pour ça que les œuvres sombres me fascinaient, parce qu’elles étaient si loin de moi.

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PHOTO DENIS GERMAIN, COLLABORATION SPÉCIALE

L’actrice Charlotte Le Bon

Y a-t-il des cinéastes qui vous ont donné envie de faire vos propres films ?

Mon envie de créer des films est née sur les plateaux de tournage. Et comme mes deux parents sont acteurs [son beau-père est le comédien Frank Schorpion]le décor ne m’a jamais intimidé. Quand je suis arrivé sur un premier plateau, c’était naturel, même si le métier d’acteur ne l’était pas encore. Cela m’a beaucoup aidé. J’aime la vie sur le plateau… quand ça se passe bien ! Quand ça ne va pas, c’est vraiment désagréable. En regardant les films dans lesquels je jouais et en essayant de comprendre pourquoi je les aimais ou ne les aimais pas, j’ai beaucoup appris. Mes goûts sont devenus plus raffinés. Mais je ne peux pas dire qu’il y ait un film ou un cinéaste qui ait constitué un tournant…

Qu’est-ce qui vous a inspiré, par exemple, lorsque vous avez réalisé Lac Faucon ?

Mon inspiration vient en grande partie d’un monde qui m’habite et que je ne parviens pas à décrire complètement. Pour Lac FauconJe me suis inspiré de différents cinéastes comme Pawel Pawlikowski (Ida, Guerre froide), Jeff Nichols (Boue, Affectueux) et Luca Guadagnino sur Appelez-moi par votre nom. J’aime moins le cinéma de Guadagnino. Je pense que ça devient trop mainstream, trop pop. Il est très fort dans tout ce qui est intime. Amour (2009) était sublime. Mais quand il rentre dans les effets, il y a quelque chose qui pour moi devient trop superficiel et je n’arrive pas à m’attacher aux personnages.

La caméra du point de vue du ballon Challengers m’a donné le vertige en IMAX ! Diriez-vous que vos influences sont plus américaines qu’européennes ?

Complètement. J’ai grandi avec le cinéma américain, puis j’ai commencé ma carrière en . Peut-être que mon cinéma mélange un peu les deux. Quand j’ai vu Soleil éternel de l’esprit impeccablecela a éveillé en moi la possibilité de donner des formes aux rêves. Cela m’a beaucoup inspiré et rassuré. Au cégep, j’ai étudié les arts visuels et découvert les surréalistes et Magritte, qui a été une révélation absolue. Puis j’ai découvert Fellini et j’ai compris que Michel Gondry n’avait pas inventé ça ! Personne ne possède le langage des rêves comme Fellini.

Bande annonce deSoleil éternel de l’esprit impeccable (En anglais)



C’est vrai. Et Lynch ?

J’aime son approche, car il puise beaucoup dans son inconscient, mais je pense qu’il a une vision de la femme qui date parfois un peu. Il y a quelque chose qui me dérange dans son cinéma. Je me sentais tellement mal pour Patricia Arquette Autoroute perdue. Je me suis dit qu’il était impossible qu’elle ait vécu cela de manière fortuite. Mais j’aime ça dans la vie, il est très ensoleillé. Il pratique la méditation transcendantale en souhaitant la partager avec le plus grand nombre. Et en même temps, son travail est très sombre. Cette sorte de dualité, d’ambiguïté, c’est quelque chose que j’aime beaucoup.

Lui et Fellini partagent le même anniversaire. Il y a quelque chose de yin et de yang, de cauchemar et de rêve, entre eux. C’est la partie du rêve qui vous intéresse le plus, finalement…

C’est essayer de donner des formes à quelque chose qui n’en a pas. Il devient polyforme. Tout peut exister et tout est acceptable quand on part de ce point de vue.

Le film Niki est présenté en salles.

 
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