Cellou Diallo, Directeur de la Conformité Ecobank Sénégal, a accordé une interview à nos confrères de Lejecos. Selon Diallo, la conformité n’est pas une option, mais une exigence au sein de son entreprise.
Monsieur Diallo, si vous deviez définir la conformité bancaire, que diriez-vous ?
Ils peuvent être compris comme des processus visant à garantir que le comportement de la banque, de ses dirigeants, de ses salariés, de ses associés et de ses actionnaires respecte les normes juridiques et éthiques qui leur sont applicables. Dans ce contexte, les processus concernés impliquent toutes les composantes de la banque, de la direction générale aux collaborateurs, en passant par les partenaires ainsi que toutes les parties prenantes. Il y a donc deux aspects : l’aspect réglementaire et juridique ainsi que l’aspect éthique.
Comme l’ont démontré les récentes sanctions imposées par la BCEAO à certaines banques de la zone, des carences du secteur bancaire dans la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme ont été révélées. Selon vous, comment le système peut-il être conforme à ce niveau et quelles sont les difficultés opérationnelles ?
Concernant l’amélioration du système, l’action fondamentale concerne selon moi l’accompagnement des parties prenantes internes (managers, collaborateurs, etc.) et externes (partenaires, clients, etc.). Il est important que les enjeux soient bien compris pour la bonne mise en œuvre du système de conformité. Dans ce contexte, l’accent doit être mis sur la formation et la sensibilisation. L’idée est qu’au-delà des sanctions brandies, il faut faire comprendre aux gens les problèmes et la finalité de leur respect. Et de ce point de vue je citerai Marie Anne Frisson Roche, directrice du Journal of Regulatory & Compliance…, qui affirmait que « La Compliance est la poursuite d’objectifs monumentaux ». Et ces objectifs monumentaux peuvent être de nature négative, comme la prévention du blanchiment d’argent, de la corruption, de la traite des êtres humains, ou positive, comme parvenir à la protection de l’environnement, des données personnelles, de l’égalité entre les humains et converger ensemble vers un objectif unifié de protection des personnes. les êtres humains.
Pour mémoire, le problème de conformité est apparu avec la crise de 1929 aux États-Unis. L’initiative visait donc à prévenir les risques systémiques. C’est ce rôle de prévention qu’il faut percevoir plutôt que les sanctions qui, certes, sont un moyen de pression.
Concernant les difficultés opérationnelles, en pratique le respect des règles risque de fausser les règles d’une saine concurrence entre banques. Le manque d’harmonisation dans l’application des règles de conformité peut être Source de concurrence malsaine dans l’acquisition et la fidélisation des clients entre une banque qui applique rigoureusement les règles et une autre qui l’est moins dans leur mise en œuvre.
Comment Ecobank fait-il face aux exigences croissantes de conformité ?
Très vite, Ecobank occupe une position de pionnier sur le marché subsaharien. Aux côtés des banques occidentales, nous sommes l’une des premières banques africaines à mettre en place un service conformité indépendant des autres fonctions. Pour nous, la conformité n’est pas une option, c’est une exigence. Nous avons une tolérance zéro pour les risques de non-conformité. Cela vous dit qu’Ecobank ne fait aucun compromis sur ce risque. On ne peut pas faire moins car, faut-il le rappeler, Ecobank est cotée sur trois bourses (Nigeria Stock Exchange, Ghana Stock Exchange et BRVM) en Afrique, avec des obligations de reporting conformes aux standards internationaux.
Par ailleurs, grâce à ses normes élevées en matière de LBC/FT, le groupe Ecobank parvient à entretenir les relations de correspondant bancaire de ses succursales opérant dans les pays classés « à haut risque » par le GAFI. Cependant, si vous ne disposez pas d’un cadre anti-blanchiment conforme aux normes internationales, vous ne pouvez pas entretenir et entretenir ces relations de correspondant bancaire.
En termes de gouvernance, existe-t-il une indépendance entre la fonction Conformité et la direction générale ?
Nos succursales dans la zone UEMOA appartiennent à un groupe bancaire et de ce point de vue nous respectons les exigences énoncées dans les dispositions de l’article 30 de la circulaire 01-2017 relative à la gouvernance des établissements de crédit et des sociétés financières de l’UMOA ; les fonctions de contrôle sont hiérarchiquement liées aux fonctions de contrôle du groupe et sur les questions de conformité, nous rendons compte régulièrement à la direction générale et trimestriellement au conseil d’administration de la filiale à travers son comité d’audit et de conformité.
Lors de fusions-acquisitions, de création de JV ou d’autres types d’investissements, effectuez-vous systématiquement des due diligences de conformité spécifiques ?
Question intéressante car elle fait référence aux exigences des recommandations 10 et 24 du GAFI, qui traitent respectivement du devoir de diligence à l’égard de la clientèle et de la transparence de la propriété effective. Lors de ces fusions et acquisitions, ou JV, si nous ne pouvons pas identifier les bénéficiaires effectifs ou ceux qui sont derrière elles, cela pourrait être une opportunité pour les criminels financiers de cacher les produits de leurs activités criminelles. Il est donc important de rechercher ces bénéficiaires effectifs. Dans le contexte africain, la difficulté que nous avons est liée à la faiblesse des infrastructures qui ne permettent pas l’accès à l’information et à la centralisation des registres. Dans le secteur minier par exemple, les normes ITIE exigent désormais la mise en place d’un registre des bénéficiaires effectifs.
Les efforts visant à gérer et à atténuer les risques et les manquements en matière de non-conformité sont-ils compromis par les intérêts économiques ?
C’est une véritable erreur de voir les choses de cette façon, car il n’y a pas de dualité entre les revenus des banques et les exigences de conformité. Certes il faut trouver un dosage subtil pour concilier les deux. Comme je l’ai déjà dit, il est important de mettre l’accent sur la formation et la sensibilisation dans le but d’encourager l’appropriation par les parties prenantes. La conformité a certes un coût mais il s’agit plus d’un investissement que d’une dépense.
Le respect, comme l’affirme le professeur Mahmoud Mouhamad SALAH, professeur à l’Université de Nouakchott, n’est pas un luxe, c’est la condition d’un développement économique lié à des valeurs universellement reconnues, un moyen de concilier le respect des règles éthiques et l’exigence d’efficacité.
Puisque l’image d’une banque est cruciale, pourquoi la BCEAO ne publierait-elle pas la liste des banques non conformes pour encourager une plus grande rigueur ?
Je voudrais souligner qu’il y a dix ou quinze ans, les sanctions n’existaient même pas, donc si nous en sommes à ce niveau aujourd’hui, cela montre que nous faisons des progrès.
Disposez-vous d’un outil technologique tel que l’Intelligence Artificielle (IA) capable de s’adapter à l’augmentation du volume et de la complexité des transactions ?
L’intelligence artificielle représente une opportunité dans le suivi des transactions, pour détecter des comportements inhabituels, ou des opérations complexes, qui ne semblent pas avoir de justification économique et qui pourraient être liées à des opérations de blanchiment d’argent. En matière d’identification des transactions suspectes, nous avons l’obligation de mettre en place des outils et moyens appropriés.
Grâce à l’intelligence artificielle et au machine learning, tout cela se passe en temps réel grâce à un système d’alerte. C’est très important, notamment parce que cela nous permettra d’optimiser l’utilisation des ressources humaines allouées à la Conformité.
Avec le magazine Lejecos