Victoire de Donald Trump, quelles conséquences économiques ? – 11/12/2024 à 07h59

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Un partisan de Donald Trump célèbre la victoire du candidat républicain. (crédit : Paul Hennessy/ANADOLU/Anadolu via AFP)

Vainqueur de l’élection présidentielle américaine, Donald Trump reviendra à la Maison Blanche en janvier prochain. Quel impact aura cette nouvelle présidence républicaine sur l’économie mondiale ? Pierre Jacquet se livre à une analyse critique du programme économique du président élu.

Presque tout a désormais été dit sur les implications potentielles du retour spectaculaire de Donald Trump à la présidence des États-Unis. Plutôt que de répéter tout ce que d’autres analystes ont déjà très bien noté, je retiens dans cette chronique trois idées : l’incohérence de son programme économique, la leçon à tirer sur l’attractivité de la démocratie libérale, et les implications économiques et stratégiques pour l’Europe.

Le programme économique de Donald Trump est fondamentalement incohérent. Non pas qu’il faille idéologiquement exclure tout protectionnisme : c’est un autre débat. Mais sa conception du protectionnisme comme panacée à utiliser sans restriction pour résoudre les problèmes américains est vouée à l’échec pour au moins trois raisons : premièrement, il ne peut être qu’inflationniste, car même si les entreprises exportatrices peuvent être tentées d’absorber une partie des taxes sur importations en réduisant leurs marges, l’essentiel se retrouvera dans les prix intérieurs, et c’est d’ailleurs le principe même de la protection des entreprises locales. Alors que Trump doit en partie sa victoire au mécontentement de tous ceux qui ont souffert de baisses notables de pouvoir d’achat et se plaignent de l’inflation, il y a une certaine ironie à voir le soutien ainsi apporté à une stratégie protectionniste !

Deuxièmement, le protectionnisme n’est pas non plus une réponse au déficit extérieur américain. L’existence comptable de ces derniers est un problème macroéconomique, un excès de dépenses par rapport aux revenus ou, à l’identique, un excès d’investissement par rapport à l’épargne nationale. Cet écart est financé par l’épargne étrangère (pour de nombreuses raisons, dont le rôle du dollar), et la contrepartie comptable est un excédent des importations par rapport aux exportations. Cibler la Chine ou l’UE peut avoir un impact sur les balances commerciales bilatérales, mais pas sur la balance globale. Par ailleurs, se protéger contre les importations revient aussi, sur le plan économique, à taxer implicitement les exportations ! En effet, la production de ces dernières fait appel à des intrants importés, d’une part, et la protection accordée aux entreprises concurrentes des importations accroît les coûts pour l’ensemble du tissu économique. C’est donc une stratégie très peu convaincante.

Troisièmement, tout protectionnisme américain sera suivi de mesures de rétorsion qui, comme l’a montré l’expérience des années 1930, nuisent au commerce, aux consommateurs et aux producteurs, sans profiter à personne. Certes, Donald Trump considère le protectionnisme comme une arme qu’il ne se soucie pas de savoir utiliser dans son approche transactionnelle des relations internationales, et on peut donc s’attendre à ce qu’il ajuste cet usage en fonction des accords qu’il obtiendra et des pressions qu’il recevra également au niveau national. lorsque les coûts surviendront, mais il est peu probable que cela obtienne des marchés plus ouverts pour les produits américains.

L’échec du modèle de démocratie libérale représenté par le Parti démocrate

L’une des leçons les plus importantes de l’élection américaine me semble être plutôt celle de l’échec du modèle de démocratie libérale représenté par le Parti démocrate. C’est un sujet à méditer pour les élites européennes toujours tentées par le déterminisme facile des solutions technocratiques, même si celles-ci s’appuient, ce qui est parfois mais pas toujours le cas, sur des certitudes scientifiques avérées. Il faut à la fois plus de débats et d’explications, mais aussi et surtout un sentiment d’inclusion qui fait souvent défaut : montrer que les politiques publiques prennent en compte les effets négatifs pour les couches de la population qui les subissent, s’intéressent davantage aux les processus de mise en œuvre, les effets de redistribution, la récompense de l’effort et pas seulement le revenu – financier ou situationnel. La lecture à faire de l’élection américaine est que, dans une période caractérisée par de lourds besoins de changement et de transitions, le modèle de démocratie libérale peine à faire ses preuves face aux alternatives possibles. Si nous ne voulons pas de ce dernier, d’un retour à des formes d’autoritarisme ou de despotisme, il est urgent, de ce côté-ci de l’Atlantique, de repenser les fondements de nos contrats sociaux. Vaste programme dont les blocages politiques ne semblent malheureusement pas dessiner les contours dans un contexte démocratique insuffisamment apaisé.

Enfin, cette élection présente également des défis stratégiques majeurs pour les pays européens et l’Union européenne. Le message de Trump est que l’organisation du monde appartient aux puissants et que si les États-Unis doivent en débattre avec quelqu’un d’autre, ce sera avec la Chine, pas avec l’Europe. Ces derniers doivent savoir unir leurs forces pour construire un monde multipolaire et ne pas subir un scénario bipolaire, pour exister comme force de proposition et d’action. Cela passe d’abord par le rétablissement de l’ordre intérieur, et sur ce plan, le rapport Draghi doit être pris au sérieux et inspirer les politiques européennes. C’est malheureusement un mauvais départ, car l’Union se débat dans le carcan de règles et d’idéologies difficilement compatibles avec un tel élan, ni avec une existence politique plus convaincante à l’échelle mondiale. Cela passe aussi par un dialogue plus soutenu avec la Chine, qui pourrait avoir intérêt à parvenir à un accord avec les Européens. Pour ce faire, nous devons surmonter les préjugés, les préjugés et les prétentions universalistes qui peuvent et doivent inspirer nos visions à long terme mais peuvent difficilement guider la recherche d’accords internationaux.

Le point positif, c’est que l’Union européenne n’a jamais su mieux agir que face à des défis majeurs : acceptons le présage !

 
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