La communauté innue de Pessamit est située à environ 50 kilomètres au sud-ouest de Baie-Comeau sur la Côte-Nord. Dans un podcast de sept épisodes mis en ligne il y a quelques semaines, neuf aînés locaux racontent leurs souvenirs de jeunesse lorsque, enfants, ils accompagnaient leurs parents lors de leurs voyages saisonniers sur le territoire ancestral, le Nitassinan.
Chaque année, à la fin de l’été, ils partaient pour de longs mois, voyageant en canot le long des rivières entre les rives du fleuve Saint-Laurent jusqu’à leur territoire ancestral où ils s’installaient pour la chasse hivernale. . Cependant, à partir des années 1950, la construction des premières infrastructures hydroélectriques finit par gêner les parcours de canotage. Finalement, les barrages ont submergé sous l’eau et le béton les traces de passages innus, tels que des villages temporaires et des cimetières, le long des rivières Pessamiu Shipu et Manikuakanishtik.toi ce connecteur de tickettoi.
«J’ai commencé mon doctorat il y a environ 10 ans et j’ai rencontré plusieurs aînés de Pessamit, dont le dernier avait connu la vie nomade sur le territoire ainsi que sa transformation par le développement hydroélectrique», explique la professeure Justine Gagnon, du Département de géographie de Université Laval et gestionnaire scientifique à la Chaire de recherche du Canada sur le patrimoine et le tourisme autochtones.
« Ces gens, souligne-t-elle, avaient un profond attachement aux rivières, qui étaient les voies d’entrée pour circuler dans le territoire ancestral. Lorsque je suis devenu professeur, une bourse m’a permis de travailler sur le patrimoine innu associé aux rivières, notamment la rivière Manicouagan. On s’est dit qu’il fallait trouver un moyen de rendre plus accessible la parole des aînés de Pessamit. C’est à partir de là qu’un projet de podcast a pris forme. Il a été soutenu par le réalisateur Jean-Luc Kanapé, un Innu de Pessamit, la conceptrice, scénariste et réalisatrice Karine Lanoie-Brien et les sociétés de production Terre Innue et Innu Assi. Mon rôle durant le projet était celui de consultant-chercheur.
Cartes d’enquête, photos aériennes
Pour son doctorat, la professeure Gagnon a beaucoup fouillé les archives. Elle a également étudié de nombreuses cartes anciennes, notamment d’anciennes cartes d’arpentage sur lesquelles plusieurs itinéraires de portage étaient identifiés. «J’ai pu fournir un certain nombre d’informations», a-t-elle déclaré. Durant mes études, j’ai fait beaucoup de travail de numérisation d’anciennes photos aériennes de rivières. Mon travail en amont a vraiment créé une base de connaissances.
Les traces laissées par les Innus sur le territoire prenaient entre autres la forme de campements temporaires où les familles s’arrêtaient après un certain nombre de kilomètres pour se reposer. Sur le territoire de chasse, plusieurs cabanes ou tentes servaient d’hébergement et de stockage du matériel. Dans leurs témoignages, les anciens parlent de villages constitués de plusieurs cabanes par famille.
« Sur le parcours, poursuit-elle, ils empruntaient des sentiers de portage pour contourner des chutes et des rapides qu’ils ne pouvaient pas franchir avec leurs canots chargés. Ces sentiers étaient marqués par des encoches dans les arbres. Tous ces éléments du patrimoine culturel innu ont, pour la plupart, disparu. Bien sûr, il y a eu des naissances ; il y eut aussi des morts au cours de ces longs voyages annuels. Des lieux servaient de lieux de sépulture pour enterrer les corps. Je sais qu’un certain nombre de tombes ont pu être rapatriées avant les inondations, mais pas toutes. Les ancêtres sont sous l’eau.
Neuf témoignages
Neuf aînés de Pessamit fournissent des témoignages de première main pendant les quelque 200 minutes du podcast. Sous les barrages : Tshishe Manikuan. D’un épisode à l’autre, les aînés se concentrent sur la rivière Manikuakanishtiktoiou Manicouagan. « L’équipe a accordé une place particulière à la connaissance des femmes, à leurs expériences, à leur regard sur cette histoire », indique Justine Gagnon. Elles ont accouché sur le territoire. Il est difficile d’imaginer aujourd’hui quelle force physique et mentale il fallait pour vivre sur le territoire.»
Un autre épisode est consacré à une période de famine où le gibier se faisait rare. « Quant au septième et dernier épisode, explique-t-elle, il est très beau, je dirais bouleversant. Jean-Luc Kanapé part avec deux jeunes Innus et un aîné se rendre sur le site d’un ancien portage près du complexe hydroélectrique Manic 5. Il est bouleversant d’entendre aujourd’hui les voix de jeunes qui, souvent, ne connaissent pas grand-chose de leur culture. En même temps, les connaissances continuent malgré tout à se transmettre.»
Des titres évocateurs
L’auditeur pourra écouter des histoires aux titres aussi évocateurs que « L’appel du Grand Nord », « Sur les traces de nos ancêtres », « Donner la vie et s’entraider », « Au cœur de notre mode de vie ». », « La sagesse de la survie », « Le chant du retour » et « La destruction du territoire ». Les aînés Innus racontent notamment le départ en canot de la plage de Pessamit pour rejoindre le territoire ancestral, le portage afin de contourner les hautes chutes en marchant sur les traces des ancêtres, le camp de chasse où les femmes disposaient les peaux du gibier. tuées par leurs maris pour les revendre à leur retour, et la vie sur le terrain de chasse qui exigeait de savoir accoucher, prendre soin d’elle-même et tout faire seule.
Le balado est disponible en version originale française et en version innu-aimun. Il comprend un thème musical, des pièces musicales, des archives audio. Le lancement officiel a eu lieu sur la plateforme OHdio de Radio-Canada.
« Jusqu’à présent, souligne le professeur Gagnon, nous n’avons reçu que des commentaires élogieux, que ce soit de la part d’allochtones ou d’autochtones. Il est certain que lorsque les habitants de Pessamit démontrent l’importance de ce travail pour leurs jeunes, le projet de podcast prend tout son sens. Nous ne pouvons pas espérer mieux.