Le trajet en bus jusqu’à La Tuilière a été compliqué dimanche.image : Watson
Dimanche, c’était le derby de Super League Lémanique au stade de la Tuilière. Et y arriver a été très compliqué. Rapport.
04.11.2024, 05:5204.11.2024, 08:23
Dès mon débarquement dans le hall de la gare de Lausanne, mes narines étaient chatouillées. Et m’a tout de suite fait comprendre la situation. Mince! J’arrive exactement en même temps que le train spécial des supporters de Servetti. Il est 12h40, le derby de Super League Lémanique démarre à 14h15
Outre la fumée de leurs engins pyrotechniques, leurs soufflets et leurs puissantes détonations couvrent tous les autres bruits de ce lieu tumultueux. Il n’y a rien d’agréable à se sentir au milieu d’une guérilla urbaine…
L’arrivée remarquée des fans de Servetti à Lausanne ????
Vidéo: Watson
Mais si je craignais d’arriver en même temps que cette cohorte nombreuse et turbulente, ce n’était pas par crainte pour ma sécurité, mais bien en prévision des troubles que le cortège genevois causerait aux bus lausannoisle seul moyen de transport en commun pour se rendre au stade de la Tuilière.
Lors de mon dernier LS-Servette le 9 décembre 2023, tant l’aller que le retour (finalement effectué entièrement à pied) entre la gare et l’enceinte construite sur les hauteurs de la ville il y avait eu un chemin de croix, déjà à cause de la procession des grenats. Cependant, comme tout journaliste qui se respecte, j’aime arriver sur place avec une certaine marge, histoire d’éviter le stress et d’avoir suffisamment de temps pour préparer « mon » match. Dimanche, j’ai vite compris que mes craintes étaient justifiées.
Même le chauffeur est perdu
Il y a d’abord cette place de la gare partiellement bloquée (pour sécuriser la place lors du passage des supporters de Servetti) et les longues minutes d’attente d’un bus 1 ou 21 pour la Blécherette, l’arrêt à côté du stade. Cela n’augure rien de bon… Aucune information n’est affichée sur le refuge pour signaler une quelconque perturbation. À mon grand désarroi, l’application CFF n’est pas plus généreuse en informations.
Après un bon quart d’heure d’attente vaine, je décide d’activer mon plan B : prendre le métro (m2) jusqu’à Riponne, marcher et attendre un bus à l’arrêt Valentin. Un, deux, trois, quatre véhicules passent, mais aucun n’affiche la destination souhaitée.
Pire : la seule « 21 Blécherette » qui passe passe tout droit. Je me surprends à agiter le bras en direction du chauffeur et à lâcher un petit juron, par dépit. Le temps passe, je commence à me sentir mal. D’autant que, comme à la gare, aucune information n’est donnée. Le seul terminal informatique censé annoncer le prochain bus affiche « Information indisponible »…
Le terminal en question. image : Watson
Un nouveau véhicule de la ligne 21 s’arrête. Mais son panneau lumineux indique « Paudex », le sens inverse du stade de la Tuilière. Je crie au chauffeur par la porte ouverte :
“Tu vas à la Blécherette ?”
Il soupire. Ses paroles sont inaudibles. Je me rapproche. Deuxième tentative. “Tu vas à la Blécherette ?” Sa réponse m’oblige à me frotter les oreilles, et plutôt deux fois qu’une.
« Je ne sais même pas où je vais… Je termine mon service au prochain arrêt et après, cela dépendra du chauffeur qui me remplacera. Il gérera. Je crois qu’il va à la Blécherette. Mais on verra, il décidera.
Le chauffeur du bus des Transports publics lausanneis (TL)
J’ai des hallucinations, comme dirait un célèbre chef dans une émission télévisée où il vient serrer les bretelles de chefs en difficulté. Le chauffeur n’est pas hostile. Il semble désolé de ce chaos. Lui-même est dans un vide total. Pour prouver sa bonne foi, il me montre son moniteur de parcours dont l’écran est en effet complètement noir.
Son successeur arrive. “Bonjour monsieur! Excusez-moi : vous allez à la Blécherette ? “Oui!”. Ouf… Après quelques minutes de route, j’aperçois par ma fenêtre l’arène du Lausanne-Sport – et les fourgons de police devant –.
J’assiste également à cette belle scène sur les sièges à côté de moi. André, 75 ans, foulard LS autour du cou, s’assoit et salue poliment son homologue, Fabio (70 ans), supporter de Servetti qui affiche lui aussi fièrement ses couleurs. Les deux hommes échangent un sourire. Cette interaction apparemment anodine me touche profondément.
C’est déjà la deuxième fois au cours de ce trajet, après mon coup de gueule contre le chauffeur qui ne s’est pas arrêté, que mes propres émotions me surprennent.
Ce climat anxiogène et belliqueux ainsi que le stress des transports me mettent les nerfs à vif.
Mais l’échange entre André et Fabio, aussi banal soit-il, me redonne foi en l’humanité. Celui où les supporters adverses savent encore partager une passion commune. Celle où on ne veut pas systématiquement le mettre de dos à l’adversaire, pour euphémiser le jargon – souvent entendu dimanche, dans les deux camps – des ultras.
Le Servettien Fabio (à gauche) et le Lausannois André se sont retrouvés avant le derby. image : Watson
Un seul bus du stade
La courtoisie de ces deux hommes contraste avec l’arrivée du cortège servettien. Entre deux pétards assourdissants, ses dirigeants échangent des mots doux avec certains Lausannois venus provoquer et les « stewards » accompagnant la cohorte grenat ordonnent – de manière très agressive – aux badauds qui filment de ranger leur téléphone.
Durant le match (remporté par Lausanne 1-0), RAS. Sans compter les innombrables mais banals fumigènes et feux d’artifice des deux kops. Et puis, tout à coup, cette annonce du speaker, peu avant 16h00, quelques minutes avant le coup de sifflet final :
« Les bus partent de l’arrêt Blécherette jusqu’à 16h45. Ensuite, il faudra marcher jusqu’à l’arrêt Bossons.
Dès la fin du jeu, je me précipite à l’arrêt Blécherette pour prendre le premier bus possible. Il y en a un, bondé. Il part, je reste sur le quai. Je ne sais pas encore, mais ce sera le dernier. Il est 16h15. « Il n’y a plus de bus qui partent d’ici, il faut marcher jusqu’à l’arrêt des Bossons, 300 mètres plus bas », raconte un bénévole de TL. Comme à l’aller, les lignes sont détournées pour permettre au cortège genevois de regagner la gare.
Ne voyant aucun véhicule dans les environs, je décide de descendre jusqu’à la Riponne à pinces. Exactement comme ce 9 décembre 2023.
Pour moi, c’est une situation désagréable mais pas insurmontable : je suis jeune, en bonne santé et je connais bien la ville de Lausanne.
Mais si vous avez un peu de mal à marcher ou que la capitale vaudoise vous est étrangère, il vous sera très compliqué d’aller voir un match de LS en transports en commun.
Même si son stade, encore flambant neuf, a été inauguré il y a seulement quatre ans…
La Tuilière est un stade magnifique, mais difficile d’accès. Image : CLÉ DE CLÉ
Oui, c’était un gaspillage total. Difficile d’imaginer cette ville accueillir des matchs de Coupe d’Europe si un simple match de championnat un dimanche après-midi pose autant de problèmes de transport. C’est dommage, car le Lausanne-Sport, qui vient d’enchaîner quatre victoires d’affilée et de se hisser à la 6e place de la Super League, mérite une audience et peut nourrir des ambitions continentales.
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