Les célèbres mèches blondes de Donald Trump ne sont pas encore sculptées aux côtés de George Washington ou d’Abraham Lincoln. Mais l’absence du candidat républicain à l’élection présidentielle américaine sur le Mont Rushmore ne l’empêche pas d’avoir marqué de son empreinte la vie politique des Etats-Unis. Mi-octobre, L’économiste a également consacré sa couverture à la « trumpification » de la vie politique outre-Atlantique.
Car en un seul mandat et une petite décennie de vie politique (mais quand même trois campagnes), le milliardaire a bousculé le paysage politique – et médiatique – du pays. Qu’il parvienne ou non à se faire réélire le 5 novembre, son influence est incontestable. «Donald Trump a bouleversé non seulement la vie politique, mais aussi la société américaine dans son ensemble. C’est extraordinaire qu’une seule personne ait pu avoir un tel impact sur une société », s’exclame Olivier Richomme, professeur de civilisation américaine à l’université Lumière Lyon-2.
Trump « dicte les règles du jeu »
« Tous les coups bas sont permis dans les campagnes électorales américaines. Dès les années 1800, Thomas Jefferson, alors candidat à la présidentielle, était accusé d’avoir eu un enfant avec une esclave noire, se souvient Denis Lacorne, directeur de recherche émérite à Sciences Po et spécialiste de l’histoire des Etats-Unis. Mais Donald Trump ne se contente pas d’invectives contre ses adversaires politiques, il s’en prend à des groupes humains entiers. » Par exemple, le magnat de l’immobilier a récemment déclaré qu’« à Springfield, les immigrants volent et mangent des chiens et des chats ». Entre diatribes agressives et tweets meurtriers, Donald Trump a dynamité la communication politique.
Sa liberté de ton ne semble cependant pas transposable à d’autres candidats, même républicains. « Certains ont essayé comme Ron de Santis [le gouverneur de Floride qui s’était présenté à la primaire républicaine en 2023]mais ils n’y sont pas parvenus », rappelle Olivier Richomme. Pour lui, Donald Trump « dicte les règles du jeu » mais en même temps, de nombreuses règles ne s’appliquent pas à lui. L’ancien président n’est en effet pas sanctionné par son électorat pour ses sorties racistes ou ses affaires judiciaires, contrairement à d’autres hommes politiques américains dont la moindre dérapage peut coûter cher.
Le Parti républicain « dans un état lamentable »
Si personne ne peut donc « faire Trump », le magnat de l’immobilier a néanmoins profondément « dénaturé le Parti républicain », explique Denis Lacorne. «Donald Trump en a fait un parti où la critique est interdite. Il a placé des gens extrémistes d’un point de vue idéologique ou religieux et qui, avant lui, n’avaient pas le même poids dans le parti.» Et donc dans la politique américaine, explique le spécialiste des Etats-Unis. Désormais, « il n’y a plus de frontière entre l’homme, son entreprise et le parti », explique Olivier Richomme. « Le Parti républicain qu’il va quitter est dans un état lamentable, on se demande ce qui pourrait ressortir après son départ. »
Le candidat a aussi fondamentalement changé la trajectoire du pays en nommant trois nouveaux juges républicains – et particulièrement conservateurs – à la Cour suprême. Les membres de cette instance sont nommés à vie, ces choix de Donald Trump vont donc fixer pour longtemps la ligne directrice du pays. « Son héritage politique est là, et il aura des conséquences pour les trente prochaines années au moins », estime Olivier Richomme. L’annulation en 2022 de l’arrêt Roe vs Wade, qui donnait le droit à l’avortement à toutes les femmes américaines, en est l’un des effets les plus retentissants.
L’effondrement de la confiance des électeurs
Enfin, Donald Trump a porté atteinte, peut-être durablement, à la démocratie américaine avec de fausses informations et notamment de fausses accusations de fraude électorale. ” LE fausses nouvelles ne sont pas nouveaux aux Etats-Unis mais pour Donald Trump, cela devient systématique et cela s’aggrave avec le temps”, regrette Denis Lacorne. Le politologue cite notamment une fausse vidéo accusant Tim Waltz, le colistier de Kamala Harris, de maltraitance sur enfants. En insistant sur le fait que les élections avaient été volées, Donald Trump a également convaincu de nombreux Américains.
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«S’il n’est pas réélu, certains de ses partisans ne croiront probablement pas à sa défaite électorale. Mais même après deux, trois, quatre cycles électoraux, on imagine mal remettre le dentifrice dans le tube. Ceux qui ne croient plus à l’intégrité des élections seront difficiles à convaincre», s’inquiète Olivier Richomme. Le spécialiste des États-Unis confie également craindre que « cette érosion de la confiance se poursuive et fasse partie de l’héritage Trump ».