Au Liban, la ville de Baalbeck et ses ruines romaines sont désertées par les locaux et les touristes

Au Liban, la ville de Baalbeck et ses ruines romaines sont désertées par les locaux et les touristes
Au Liban, la ville de Baalbeck et ses ruines romaines sont désertées par les locaux et les touristes

La métropole, dans la plaine de la Bekaa, célèbre pour ses temples romains et inscrite au patrimoine mondial de l’UNESCO, est confrontée à une situation dramatique.

La ville devient déserte. Depuis plus d’un mois, le mythique hôtel Palmyre n’a pas accueilli un seul touriste venu explorer les ruines romaines de Baalbeck, près desquelles sont tombées les bombes israéliennes. Mais Rabih Salika refuse de quitter l’établissement où il travaille depuis 24 ans. La guerre entre Israël et le mouvement pro-iranien Hezbollah, solidement implanté à Baalbeck, n’a pas perturbé le quotidien de Rabih Salika. De pièce en pièce, sous les hauts plafonds de l’élégante bâtisse en pierre du XIXe siècle, il dépoussière les vieux meubles, balayant dans la cour les vitres brisées des fenêtres soufflées par les bombardements.

« En 150 ans, cet hôtel n’a jamais fermé ses portes », se vante le quadragénaire. Et malgré le contexte actuel « les propriétaires souhaitent le garder ouvert » ». Mais l’establishment, qui accueillit Charles de Gaulle et Lawrence d’Arabie, « est totalement vide, pas un seul client. Nous ne servons même pas une seule tasse de café ».

La ville entière est touchée par la guerre. Plus de la moitié des 250 000 habitants sont partis, selon la municipalité. Ceux qui restent sont enfermés chez eux, se précipitant le matin pour faire leurs courses car les magasins ferment tôt. La métropole, dans la plaine de la Bekaa, fief du Hezbollah à la frontière syrienne, vit principalement du tourisme, notamment grâce à son site hérité de l’antique Héliopolis, et classé au patrimoine mondial de l’UNESCO : il abrite « parmi les plus grands temples romains jamais construits et parmi les mieux conservés ».

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Tout a changé. On ne voit plus personne, la plupart des gens que je connais sont partis.

Racha al-Rifaï, habitante de Baalbeck

Depuis un an, malgré les échanges de tirs dans le sud entre le Hezbollah et Israël, Baalbeck avait été relativement épargnée. Mais les grèves se sont intensifiées ces dernières semaines. « Aujourd’hui tout a changé »déplore Racha al-Rifaï, 45 ans. « On ne voit plus personne, la plupart des gens que je connais sont partis ». Elle est restée pour épargner à ses parents âgés « revivre la même expérience difficile » en juillet 2006, lors de la dernière guerre entre le Hezbollah et Israël. « Nous avions été déplacés de maison en maison »elle se souvient.

Le maire de Baalbeck, Moustafa al-Chall, assure que les frappes ont été ciblées « secteurs commerciaux et résidentiels » et précise que le marché central ouvre à peine une heure par jour. Les habitants restés évitent de s’attarder dans les rues « par crainte d’un raid qui pourrait survenir à tout moment »il explique.

Sur les six hôpitaux de la ville, un est hors service, endommagé par une frappe israélienne dans sa périphérie. Avec le peu de moyens dont dispose la municipalité, dans un pays en plein effondrement économique, les services de Moustafa al-Chall font ce qu’ils peuvent. « Nous apportons de l’aide » aux familles déplacées dans un centre d’accueil et « nous dégageons les routes après les bombardements pour les rouvrir » », dit le gérant.

Comme partout au Liban, Baalbeck attend la fin des hostilités pour espérer retrouver un semblant de normalité. En 2024, le nombre de visiteurs s’est effondré, ne représentant plus que 5 % des chiffres enregistrés l’année précédente. La ville a accueilli près de 70 000 touristes et 100 000 visiteurs libanais. Sans compter le million de fidèles chiites qui viennent chaque année prier au mausolée de Sayyida Khawla, fille de l’imam Hussein, figure fondatrice de l’islam chiite.

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Début octobre, une frappe près de ruines romaines fait sensation au Liban. Le gouverneur de la région, Bachir Khodr, avait mis en garde contre « les répercussions négatives » de ces bombardements pour le site, que ce soit « la fumée noire qui impacte la pierre, ou le souffle de l’explosion » ce qui affaiblit la structure.

Avec ses constructions colossales bâties sur plus de deux siècles, « Baalbeck reste l’un des vestiges les plus imposants de l’architecture romaine impériale à son apogée »rappelle l’Unesco sur son site Internet. Elle loue le temple de Jupiter et « ses colonnes de 20 mètres de haut », et un deuxième temple dédié à Bacchus, qui se distingue par « une décoration riche et abondante ». Interrogée par l’AFP, l’agence a indiqué « suivre de près l’impact de la crise actuelle » sur le patrimoine libanais.

Pour Hussein al-Jammal, la vie à Baalbek a radicalement changé. « Les rues étaient pleines de vie, les restaurants étaient ouverts, les marchés bondés »dit-il. « Maintenant il ne reste plus personne ». Par sécurité, cet homme de 37 ans a renvoyé sa femme et leurs deux enfants. Il est resté parce qu’il ne voulait pas abandonner son engagement auprès d’une ONG locale. Il y a encore des personnes âgées qui vivent dans son quartier. « Chaque matin, je leur rends visite pour voir ce dont ils ont besoin »assure-t-il. « je ne peux pas partir ».

 
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