Débâcle de l’économie verte –
Face aux petits transporteurs ruinés, Bertrand Piccard se dit « honteux »
Les investisseurs lésés par la faillite de PrimeEnergy se sont réunis mercredi à Carouge. L’aéronaute vaudois, ancien ambassadeur de l’entreprise, s’est expliqué.
Publié aujourd’hui à 11h41
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- Bertrand Piccard s’est expliqué auprès des investisseurs inquiets après la faillite de PrimeEnergy.
- Il a souligné qu’il n’était qu’un ambassadeur parrainé sans aucune responsabilité de gestion.
- Piccard a critiqué l’actionnaire principal et PwC pour les pratiques douteuses de l’entreprise.
- La réunion a discuté des recours juridiques, suggérant de renoncer aux intérêts pour éviter la faillite.
Bertrand Piccard a l’habitude de prononcer des discours devant le public. Mais mercredi soir, l’ambiance était différente. Une salle bondée au sous-sol d’un restaurant de l’avenue de la Praille a accueilli cette fois non pas une conférence bien rémunérée sur la transition écologique, mais une réunion tendue, avec des investisseurs en attente de réponses.
L’entrepreneur s’est manifesté pour s’expliquer « à cœur ouvert » sur l’effondrement de l’entreprise photovoltaïque PrimeEnergyqu’il a promu sans relâche pendant des années.
Le public est venu massivement. La salle réservée par une « task force » de bénévoles avait une capacité de 160 convives. A 19h50, dix minutes avant le début de la soirée, la salle était pleine à craquer. Des dizaines de petits transporteurs ont dû se résigner à suivre les débats en ligne. Le nombre de victimes est actuellement estimé entre 1000 et 2000 personnes, pour un montant d’environ 100 millions de francs.
« Juste un ambassadeur, pas un leader »
“Nous traversons un moment désastreux, pour nous tous en tant qu’investisseurs, mais aussi pour la cause des énergies renouvelables que nous cherchions à promouvoir.” Ce sera son argument clé et répété : il s’estime tout autant victime de la faillite de PrimeEnergy que les autres investisseurs, malgré son rôle de figure emblématique de l’entreprise.
Bertrand Piccard insiste sur le fait qu’il n’était qu’un « ambassadeur sponsorisé » de PrimeEnergy, sans aucune responsabilité de gestion. Pour illustrer sa défense, il ose une comparaison: «Personne n’a reproché quoi que ce soit à Roger Federer après la faillite du Crédit Suisse», en référence aux campagnes publicitaires de la banque.
Or, si des investisseurs, ayant perdu entre 10 000 et plusieurs centaines de milliers de francs, sont là ce soir, c’est parce qu’ils avaient placé leur confiance dans l’image et le savoir-faire de Bertrand Piccard. Son visage était omniprésent sur les affiches et brochures de PrimeEnergy, et il a participé activement à sa promotion. Sa fondation, Solar Impulse, avait même attribué un label à l’entreprise, renforçant ainsi sa crédibilité. Payé pour cette activité, Piccard a refusé de révéler le montant à la Tribune de Genèveinvoquant sa « sphère privée ».
Une image qui a convaincu
«Je n’aurais jamais investi si la présence de M. Piccard ne m’avait pas rassuré», nous confie un retraité au regard rosé qui souhaitait faire fructifier ses réserves pour financer les études de ses petits-enfants. Son voisin abonde dans le même sens : « J’ai été convaincu d’investir de l’argent après une présentation de Bertrand Piccard à Plan-les-Ouates. »
« J’ai honte, car vous avez perdu de l’argent en me faisant confiance », reconnaît l’entrepreneur. « Et oui », murmure une partie du public, composé en grande majorité de personnes âgées. Si la plupart des blessés semblent apprécier sa présence, quelques regards sombres dans le public laissent penser que son aura en a pris un coup.
Piccard y croit toujours
Le modèle de vente de produits financiers verts de PrimeEnergy reposait sur des techniques agressives de démarchage téléphonique et des événements publics. « Nous avons appelé au hasard pendant les heures de travail, nous confie un ancien commercial, donc logiquement, nous avons souvent croisé des retraités. »
Peu importe que l’entreprise photovoltaïque soit au bord de la faillite, Bertrand Piccard continue de défendre « l’excellent modèle » du groupe, qui n’aurait été plombé que par une mauvaise gestion. Il a désigné deux coupables : l’actionnaire principal, accusé d’avoir siphonné les caisses grâce à des prêts frauduleux, et PwC, le cabinet de conseil qui a validé les comptes.
Depuis le début de la débâcle, Bertrand Piccard bénéficie d’un privilège que les autres investisseurs n’ont pas : il a eu des contacts avec l’actionnaire principal. Ce dernier ne l’ayant pas convaincu, il lui proposa d’engager des poursuites pénales à son encontre. Il maintient en revanche sa confiance dans le PDG du groupe, qu’il considère comme un allié. Un avocat lésé ne partage pas cet avis, soulignant que le directeur est « impliqué à tous les niveaux de la structure complexe du groupe ».
Des années de procédures à venir
Bertrand Piccard a également soutenu une proposition faite par le directeur : renoncer collectivement aux derniers intérêts des obligations, dans le but de maintenir une liquidité suffisante pour éviter la faillite et espérer une relance de l’entreprise et le maintien de l’activité de ses filiales afin de récolter de l’argent.
Le reste de la soirée a été consacré aux mesures urgentes à prendre : choisir les avocats, déposer les plaintes et coordonner les actions. Le travail acharné et bénévole du groupe de travail a été reconnu à plusieurs reprises par de vifs applaudissements. Jérôme Fontana, qui coordonne l’équipe, confie qu’il n’a pas beaucoup dormi ces derniers jours. Il s’attend à ce que les procédures « prennent des années ».
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