La réalité virtuelle pour apprendre les premiers secours

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REPORTAGE – L’entreprise Un seul geste utilise la technologie pour immerger les apprenants dans une session de formation éclair d’une heure.

« Maintenant, faisons un jeu de rôle. Retournez-vous. Une victime est à terre. Comment l'aider ? C'est votre tour ! »Dans une salle habituellement dédiée aux cours de yoga, Nivedita et Beni, deux employés de la célèbre société de covoiturage BlaBlaCar, se retrouvent au sous-sol de leurs bureaux pour suivre une formation aux premiers secours. Mais pas n'importe laquelle. Dès leur arrivée, un casque de réalité virtuelle leur est remis. « Vous participerez à une expérience qui vous immergera complètement. »annonce Jawad Mohamed Habane, secouriste et formateur.

La réalité virtuelle au service de l'apprentissage : c'est le défi relevé par la société D'un seul geste, dont l'objectif est de former le plus grand nombre de citoyens aux premiers secours. « En France, 50 000 arrêts cardiaques surviennent chaque année. Le taux de survie est de 5 % contre 40 % en Norvège, faute de personnel qualifié qui ne peut pas porter assistance aux victimes. »rappelle Emmanuel Bourcet, co-fondateur d’Un seul geste, à l’occasion de la Journée mondiale des premiers secours ce samedi 14 septembre. Face à ce constat, Emmanuel Macron veut initier 80 % de la population française à l’exercice d’ici 2027. Mais le résultat est loin d’être atteint. Selon la Croix-Rouge, seuls 40 % des Français sont actuellement formés, « contre 95 % en Norvège »précise Emmanuel Bourcet.

Alors, les « Quatre Fantastiques » se sont réunis pour trouver une solution ludique et former des personnes en entreprise en une heure seulement. En 2018, vingt ans après avoir porté secours aux victimes d’un violent accident de la route, Emmanuel Bourcet, l’entrepreneur, a l’idée de créer une entreprise pour enseigner de manière plus innovante. Il rencontre alors le général Bernard Périco, l’expert en sécurité civile, qui le suit dans l’aventure et lui présente Nicolas Guerchet, le référent formation, pompier en Isère. Avec l’idée en tête, il faut trouver un cerveau pour concevoir le logiciel de réalité virtuelle. Ludovic Fagot, le développeur, se joint alors à eux, fort de son expérience d’ancien chef de projets de réalité virtuelle chez Dassault Aviation*.

Formation facile et amusante

Une fois quelques réglages effectués, la simulation commence, en silence. Au sol, le mannequin classique que l'on retrouve dans n'importe quel entraînement est là. Mais avec le casque, il est connecté, et se transforme en personnage animé, avec bras et jambes en plus. La salle de yoga a été transformée en appartement new-yorkais vide, avec vue sur les gratte-ciels. Des vidéos pédagogiques sont diffusées, permettant d'apprendre les bons gestes si l'on assiste à une hémorragie ou à une suffocation. A la fin de chaque séquence, quelques questions sont posées. Pour y répondre, pas besoin de télécommande ou de manette. Il suffit d'avancer son bras et de cliquer virtuellement sur la bonne réponse. Les mains humaines des joueurs ont désormais l'apparence de mains animées. L'entraînement, qui devient un jeu, est fluide et plutôt réaliste. La concentration est à son comble. Aucune trace de sang ou de blessure, les âmes sensibles ne doivent pas s'abstenir.

Aucun contrôleur n'est requis pour utiliser la réalité virtuelle pendant la formation.
Emma Ferrand / Le Figaro

Et puis, place au massage cardiaque. La salle de yoga de BlaBlaCar change encore. Direction les bureaux fictifs d'une entreprise parisienne, où une jeune salariée vient d'être victime d'une crise cardiaque. « Tu peux m'aider ? J'appellerai à l'aide et je prendrai le relais à ta place. »“C'est une question de temps, dit un personnage du scénario. Accroupis, les deux internes du jour s'exécutent. Leurs mains parcourent le vrai mannequin posé au sol. Virtuellement, ils font glisser leurs doigts sur le torse pour faire semblant de retirer le t-shirt de la victime. Un relais avec un faux collègue leur permet de tourner la tête et de découvrir un défibrillateur virtuel, et d'apposer les électrodes sur le corps. Dans la vraie vie, ils glissent simplement leurs mains dans le vide, comme s'ils tenaient réellement un objet, alors qu'en fait ce n'est pas le cas.

Formation complète en un temps record

Après une quarantaine de minutes, l’expérience se termine. Mais pas la formation. Jawad Mohamed Habane poursuit : « Savez-vous où se trouve le défibrillateur dans votre entreprise ? Connaissez-vous les numéros d’urgence ? L’émotion peut parfois prendre le dessus lorsque vous êtes témoin d’une telle situation, saviez-vous qu’en appuyant cinq fois sur le bouton de verrouillage d’un téléphone, vous pouvez directement appeler les secours ? »demande l'entraîneur.

Quelques ultimes manipulations, notamment pour apprendre à utiliser un vrai défibrillateur, et Nivedita et Beni sont libérés de leur tâche, ravis. « C’est tellement important de suivre cette formation. Je n’aurais jamais su quelles techniques utiliser si j’avais été confronté à un accident avant aujourd’hui. Surtout, avec la réalité virtuelle, on sait exactement où et comment réagir. »explique le jeune homme de 26 ans.

À la fin de la formation en réalité virtuelle, les participants apprennent à utiliser un véritable défibrillateur.
Emma Ferrand / Le Figaro

Elle considère avant tout que pouvoir suivre une telle formation en entreprise est un réel avantage, « surtout financièrement, car tout est pris en charge »Selon D'un seul geste, chaque formation coûte à l'entreprise 150 euros par salarié, soit « prix du marché similaire aux autres formations »assures Emmanuel Bourcet. « Et puis, en une heure seulement, j’ai tout appris et j’ai pu retourner au travail. »poursuit Nivedita. Un constat partagé par Ilana Attal, responsable des services généraux chez BlaBlaCar : « Cette formation est idéale pour nos collaborateurs car son côté innovant permet de former efficacement en peu de temps. Avec le télétravail et la crainte d’avoir des personnes certifiées absentes du bureau, nous avions à cœur de sensibiliser davantage de personnes. » En règle générale, deux à quatre participants sont formés par heure. Cela signifie que 16 à 32 employés peuvent être certifiés en une journée.

Surmonter la peur du regard des autres

Pour Beni aussi, l’expérience est très bénéfique, notamment pour le poste qu’il occupe au sein de l’entreprise. « Je suis réceptionniste, je vois des gens passer et passer devant l'immeuble tous les jours »il partage. Pour lui, la réalité virtuelle est particulièrement utile pour comprendre et mémoriser les gestes. « On est totalement immergé. C’est surprenant. On apprend plus facilement. »ajoute l’employé de 20 ans. Un avis partagé par Jawad Mohamed Habane : « Souvent, dans les formations traditionnelles, les participants n’osent pas essayer les exercices et sont passifs, par peur de ce que les autres vont penser. Ici, personne ne vous regarde, chacun a son casque et vit sa propre expérience. »

Aujourd'hui, huit personnes travaillent quotidiennement au développement de D'un seul geste. Plus de 15 000 personnes issues de 300 entreprises et collectivités locales ont été formées à cette méthode, et une centaine de formateurs – souvent des pompiers ou d'anciens pompiers – délivrent aujourd'hui des certifications. « Nous avons également des partenaires qui utilisent notre solution, comme l’Union nationale des associations de sauveteurs et sauveteurs des groupes La Poste et Orange (Unass) et des organismes de formation privés. »conclut Emmanuel Bourcet, qui espère voir son innovation d’utilité publique prospérer en France, et pourquoi pas à l’étranger.

*Le groupe Dassault est propriétaire du « Figaro »


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