« L’aide humanitaire à Gaza est la priorité numéro 1 »

« L’aide humanitaire à est la priorité numéro un »

Publié aujourd’hui à 18h34

Catherine Colonna. On entend et lit ce nom partout depuis lundi. C’est que l’ancien chef de la diplomatie française a fait son rapport sur l’UNRWA. Son objectif était d’évaluer l’implication des employés de l’organisation onusienne dans les attentats du 7 octobre en Israël. Ses conclusions les exonèrent largement. Si l’UNRWA manque de neutralité, aucun lien avec le Hamas ne pourra être établi. L’organisation serait même indispensable et irremplaçable à Gaza.

Les réactions ont été rapides. Israël a critiqué le rapport indépendant, accusant ses auteurs d’ignorer la gravité de la situation. A l’inverse, l’Union européenne a appelé les donateurs à poursuivre leur soutien. Et la Suisse, qui a suspendu toute aide ? Elle analysera le rapport en détail. Avant toute décision de financement, les commissions de politique étrangère seront également consultées. Entretien avec Laurent Wehrli (PLR/VD), président du Conseil national.

Vous avez voté contre la réduction de l’aide à l’UNRWA. Le « rapport Colonna » confirme-t-il votre opinion ?

En partie. L’aide humanitaire est en effet essentielle à Gaza. Et ce n’est jamais un bon choix d’éliminer complètement et si rapidement les subventions, quelles qu’elles soient. Il n’y a eu aucun contact préalable avec l’UNRWA. Ce n’est pas une façon de faire suisse. Cependant, je pense qu’une agence des Nations Unies spécifique aux réfugiés palestiniens n’est pas nécessaire à long terme. Le Haut-Commissariat pour les réfugiés doit s’en occuper, comme il le fait pour tous les autres réfugiés.

La Suisse a-t-elle agi trop rapidement en suspendant son aide à l’UNRWA ?

Tout d’abord, je voudrais clarifier une chose. C’est le Parlement qui a pris cette décision lors de laadoption du budget 2024. Et pas le gouvernement. Le Conseil fédéral fut obligé de suivre. C’est ainsi que fonctionne la démocratie en Suisse. En tant que président de la Commission de politique étrangère, qui devra à nouveau se prononcer sur cette question, j’entends évidemment respecter la décision du Parlement.

Reformulons. Suspendre cette aide sans preuve tangible remet en cause la neutralité suisse. Berne a-t-elle écouté trop attentivement les défenseurs d’Israël ?

Le Parlement a souhaité disposer d’une analyse complémentaire, avant de décider du futur soutien à l’UNRWA. Elle est tombée hier (ndlr : lundi) partiellement. Le gouvernement pourra faire de nouvelles propositions aux commissions de politique étrangère. Et le plus tôt sera le mieux.

Le Parlement doit-il se dépêcher de débloquer les 20 millions de francs initialement budgétisés ?

Le montant final pourrait ne pas être de 20 millions. Le National a refusé toute aide à trois reprises. Il voulait passer de 20 millions à zéro franc. C’est grâce à une conférence de conciliation entre les deux Chambres que nous avons obtenu une suspension plutôt qu’un retrait du soutien. Je pense qu’une décision concernant l’aide humanitaire doit être prise le plus rapidement possible, car il y a une urgence à Gaza. Cependant, ce n’est pas au président de la commission de dire ce qui doit ou ne doit pas être accepté, mais à la commission.

Quel montant serait le plus approprié ?

C’est une question complexe. Pour certains, cela ne suffira jamais. Pour d’autres, ce sera toujours trop. Il faudra trouver un compromis capable de rassembler une majorité. D’autres questions restent également ouvertes. Faudra-t-il, comme jusqu’à présent, payer un montant unique ? Ou devrions-nous séparer l’aide humanitaire pour Gaza – la priorité numéro un du moment – ​​des ressources destinées aux autres actions de l’UNRWA en Cisjordanie, en Jordanie ou au Liban ? Une telle option permettrait de débloquer rapidement l’aide d’urgence. Compte tenu de la position très claire du National, je vois mal le Conseil fédéral revenir avec une proposition sans distinction.

Pensez-vous que le « rapport Colonna » pourrait changer les majorités ?

Je ne suis pas sûr. Le National a voulu supprimer tout soutien à l’UNRWA, avant même de connaître l’éventuelle implication de douze employés dans l’attentat du 7 octobre. Le problème est bien plus complexe. Elle est liée à la gestion des camps de réfugiés palestiniens et aux valeurs enseignées dans les écoles. Par ailleurs, même s’il blanchit l’UNRWA, le « rapport Colonna » émet quand même 50 recommandations. Il existe un potentiel d’amélioration.

De nombreux autres donateurs ont repris leur soutien. La retenue de la Suisse, dépositaire des Conventions de Genève, n’est-elle pas une tache ?

Le Conseil fédéral respecte la démocratie. Il ne peut pas siéger sur une décision du Parlement. La suspension du soutien suisse est peut-être une tache, mais elle le serait encore plus si le gouvernement ne respectait pas le Parlement. Et puis, tous les donateurs n’ont pas repris leur soutien. Les États-Unis viennent de supprimer 350 millions de dollars d’aide dans leur budget pour 2024. Ce n’est pas forcément un bon exemple pour la Suisse. Personnellement, je pense que nous devons travailler différemment. Mais cela montre que tous les pays ne soutiennent pas l’UNRWA.

Delphine Gasché est correspondante parlementaire à Berne depuis mai 2023. Spécialisée en politique, elle couvre principalement l’actualité fédérale. Auparavant, elle a travaillé pour l’agence de presse nationale (Keystone-ATS) dans les sections internationale, nationale et politique. Plus d’informations

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