Pour beaucoup, la simple consommation d’un verre de lait, de produits céréaliers ou de certains fruits et légumes rime avec ballonnements, maux de ventre, diarrhées et flatulences, dus à des intolérances alimentaires.
Jusqu’à 20 % de la population serait aux prises avec un problème lié au système digestif.
Pour ceux qui tentent de mettre le doigt sur le(s) aliment(s) qui empoisonnent leur vie, il existe une méthode simple. La meilleure façon d’identifier une intolérance alimentaire est d’essayer d’arrêter certains aliments et de voir dans les jours suivants s’il y a une amélioration des symptômes.
, explique la Dre Mélanie Bélanger, présidente de l’Association des gastroentérologues du Québec, AGEQ.
Fondamentalement, vous devez tenir un journal alimentaire, noter tout ce que vous mangez et surveiller vos réactions. Pour une intolérance alimentaire, les symptômes sont proportionnels à la quantité ingérée. Il est donc assez facile de supprimer un aliment et de constater une amélioration des symptômes.
Elle ajoute.
Elle n’est pas favorable aux tests d’intolérance qui, selon elle, sont peu disponibles et peu concluants.
Mais une entreprise propose toujours ses services. Intolérance alimentaire au Canada propose d’identifier les intolérances en testant des centaines d’allergènes, c’est-à-dire des déclencheurs d’allergies.
Mais les allergies et les intolérances sont deux problèmes complètement différents, tant en termes de mécanisme que de symptômes. Et selon la Dre Marie-Noël Primeau, l’usage du mot allergène
Vendre des tests d’intolérance sème la confusion.
Les allergies et les intolérances sont deux problèmes complètement différents
Allergie alimentaire | Intolérances alimentaires | |
---|---|---|
Mécanismes | Réaction du système immunitaire | Réaction du système digestif |
Quantités requises | La réaction n’est pas liée à la dose | La réaction est liée à la dose |
Symptômes | Démangeaisons, essoufflement, gonflement, urticaire, vomissements, difficultés respiratoires | Maux de ventre, ballonnements, diarrhée, flatulences |
Sources principales | Arachides, blé, lait, moutarde, fruits à coque, œufs, poisson, crustacés, mollusques, sésame, soja | Lactose, fructose, Fodmap (qui désigne les glucides contenus dans plusieurs fruits et légumes, céréales et produits laitiers) |
Les gens pourraient penser qu’ils peuvent diagnostiquer leurs allergies parce que nous testons les allergènes
, explique celui qui est vice-président de l’Association des allergologues et immunologistes du Québec.
Nous avons demandé aux Drs Primeau et Bélanger de parcourir le site Internet de Intolérance alimentaire au Canada. Les deux n’arrivent pas à croire les commentaires de l’entreprise.
Pour faire un mauvais jeu de mots, j’ai trouvé ce site complètement tiré par les cheveux
soutient la gastro-entérologue Mélanie Bélanger.
Exactement, Intolérance alimentaire au Canada utilise une méthode surprenante : l’analyse des cheveux.
En aucun cas une analyse capillaire ne peut révéler une intolérance, une allergie ou même une quelconque sensibilité à un aliment ou à un autre allergène ou à une autre substance.
, explique l’allergologue Marie-Noël Primeau.
Je pratique la médecine depuis environ 20 ans et je n’ai jamais entendu parler de tests capillaires pour mesurer ou surveiller une maladie, une intolérance alimentaire ou quoi que ce soit.
Dre Mélanie Bélanger, présidente de l’Association des gastroentérologues du Québec
Photo : Radio-Canada / Jean-François Vézina
Deux résultats différents pour la même personne
Pour tester les affirmations scientifiques de Intolérance alimentaire au Canadanotre projet est d’envoyer deux échantillons de cheveux d’un collègue qui souffre d’intolérances et d’allergies.
Nous achetons deux tests de base au coût de 39 $ chacun et envoyons les cheveux de notre complice à l’adresse fournie comme s’il s’agissait de deux personnes distinctes.
Quelques semaines plus tard, nous recevons les résultats. Ce qui est évident, c’est que les 32 intolérances détectées diffèrent énormément selon l’échantillon analysé.
En fait, seules trois intolérances sont identiques et trois autres sont relativement similaires. Par ailleurs, les huîtres, auxquelles notre confrère est très allergique, sont considérées comme une légère intolérance dans un test et n’ont pas été détectées dans l’autre.
Résultats différents avec les cheveux d’une même personne
Échantillon 1 | Échantillon 2 |
---|---|
INTOLÉRANCES IDENTIQUES | INTOLÉRANCES IDENTIQUES |
Champignons, persil, whisky | Champignons, persil, whisky |
INTOLÉRANCES SIMILAIRES | INTOLÉRANCES SIMILAIRES |
Fromage bleu, maïs, thé vert | Fromage Stilton, farine de maïs, thé blanc |
DIFFÉRENTES INTOLÉRANCES | DIFFÉRENTES INTOLÉRANCES |
Anchois, bêta-lactoglobuline, betteraves | Basilic, beurre salé, blanc d’œuf |
Cerises, chou-fleur, fraises | Blé cultivé, céréales, chevaux |
Fromage à la crème, cheddar, gouda | Chicorée, citrons, crevettes |
Fruit de la passion, gin, goyave | Épeautre, épinards, lait de chèvre |
homard, huîtres, laitue Boston | Lait fermenté, mélasse, olives vertes |
Lentilles, matière grasse du lait, moules | Pain complet, pleurotes, poivre blanc |
Navets, noix de cajou, pamplemousse | Porc, prosecco, romarin |
Poireaux, root beer, raisins rouges | Sel, tequila, truite |
Rutabaga, sole | Vinaigre, yaourt grec |
Mais il n’en demeure pas moins que de tels résultats induisent les patients en erreur et peuvent même s’avérer dangereux, selon les experts consultés.
Le risque associé aux tests serait de penser que vous êtes allergique à quelque chose alors que vous ne l’êtes pas, ce qui pourrait conduire à des régimes inutiles ou inversement. [nous amener à] penser que vous n’êtes pas allergique à quelque chose alors que vous l’êtes, et peut-être continuer à y être exposé
précise le Dr Primeau.
Le point de vue de Intolérance alimentaire au Canada
Nous avons contacté Intolérance alimentaire au Canada pour les confronter à ces contradictions, mais personne n’était disponible pour répondre à nos questions, nous a-t-on dit. Elle affirme cependant garantir un remboursement à 100 % aux clients insatisfaits.
Attention : sur son site Internet, en petits caractères, il est écrit que les internautes qui s’appuient sur son contenu le font à leurs propres risques et que la biorésonance, la méthode utilisée par l’entreprise, n’est pas reconnue par la médecine traditionnelle.
Elle invite également le public à consulter un médecin.
Malgré cet avertissement, l’avocate Marie Annik Grégoire estime que le site Internet de Intolérance alimentaire au Canada est problématique au regard des lois sur la concurrence et sur la protection des consommateurs, en raison de l’impression générale qu’elle crée.
Elle note par exemple sur le site des photos de plusieurs personnes en blouse blanche et la mention de partenariat avec des laboratoires accrédités.
Il est bien clair ici que nous nous donnons un vernis scientifique. On n’a pas le droit, sur un site Internet, de faire croire qu’il y a une valeur scientifique à un produit alors qu’il n’y en a pas.
Une entreprise nébuleuse
Intolérance alimentaire au Canadasous ce nom, n’est pas une entreprise enregistrée au Québec ou en Ontario et n’apparaît pas non plus dans les principaux registres fédéraux.
Elle possède cependant une adresse à Toronto qui correspond à un espace de travail partagé. Mais quand on y va, on n’en apprend pas beaucoup plus sur elle.
Nous traitons simplement leur courrier, nous
répond le réceptionniste à l’étage quand on lui demande s’il sait Intolérance alimentaire au Canada.
Ouvrir en mode plein écran
La page Web de l’entreprise canadienne d’intolérance alimentaire
Photo : Radio-Canada / capture d’écran
De plus, nous avons découvert que plusieurs sites Web pratiquement identiques ciblaient des consommateurs ailleurs dans le monde en proposant des services similaires.
Leurs adresses civiques, dans certains cas, sont probablement… des boîtes postales.
Des indices nous portent à croire que les dirigeants du Intolérance alimentaire au Canada sont au Royaume-Uni. Mais il est impossible d’en être sûr.
Absence de recours
Interrogé sur les pratiques de Intolérance alimentaire au Canadal’Ordre des médecins et chirurgiens de l’Ontario affirme qu’il n’a pas d’opinion sur les tests d’intolérance.
De son côté, son homologue québécois, le Collège des médecins, prétend ne pas avoir compétence, puisque Intolérance alimentaire au Canada est à l’extérieur de la province.
Face à l’opacité de Intolérance alimentaire au Canadala prudence est de mise, d’autant plus que les cheveux contiennent des informations personnelles précieuses. années parce que nous développons des technologies liées à l’ADN. Là, on envoie notre ADN à une entreprise. On ne sait même pas où il se trouve. En tout cas, je trouve cela très inquiétant », « texte » : « On voit, on résout des crimes d’il y a 20 ans parce qu’on développe des technologies basées sur l’ADN. Là, on envoie notre ADN à une entreprise. Nous ne savons même pas où il se trouve. En tout cas, je trouve ça très dérangeant”}}”>Nous constatons que nous résolvons des crimes d’il y a 20 ans parce que nous développons des technologies basées sur l’ADN. Là, on envoie notre ADN à une entreprise. Nous ne savons même pas où il se trouve. En tout cas, je trouve ça très dérangeant
, estime Marie Annik Grégoire, avocate en droit de la consommation.
Le Collège des médecins du Québec et les médecins rencontrés invitent également la population à la prudence.
Je suis triste quand je vois des choses comme ça, car cela amènera les patients à se concentrer sur des solutions qui [ne] ne les aidera pas
conclut la Dre Mélanie Bélanger.
Je mettrais en garde la population contre tous les tests en général qui vous donneraient la réponse à tous vos symptômes sans même vous avoir rencontré, sans même vous avoir interrogé sur vos symptômes.
Le reportage de la journaliste Marie-France Bélanger et du réalisateur Jean-François Vézina sera diffusé ce mardi à 19h30. Le projet de loisur ICI-Télé.