Meurtres, disparitions, violences sexuelles, enlèvements, tortures, mauvais traitements, déplacements forcés… Dans un rapport intitulé Fosses communes, violations des droits de l’homme et abusPublié vendredi 30 août, la Mission d’appui des Nations Unies en Libye (MANUL) et le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH) sortent de l’oubli les crimes commis entre 2013 et 2020 par la milice Kaniyat contre la population civile de la ville de Tarhouna, et dénoncent « l’impunité dont jouissent les responsables de ces violations et abus des droits de l’homme » jusqu’à aujourd’hui.
Selon les données recueillies par les enquêteurs des autorités locales, au moins 353 corps ont été exhumés de fosses communes. Plus de 90 % d’entre eux ont été récupérés. « les mains liées et les yeux bandés » et présenté pour la plupart « blessures par balle »détaillent les enquêteurs. Début 2024, des centaines de personnes étaient toujours portées disparues. « Des fosses communes continuent d’être identifiées »le rapport explique, précisant qu’une centaine de fosses communes ont été découvertes grâce à l’imagerie satellite.
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Le règne de plomb des Kaniyat L’histoire de Tarhouna remonte à la chute du régime dictatorial de Mouammar Kadhafi en 2011. Il est arrivé à la tête des autorités locales grâce à sa participation au mouvement mouvement révolutionnaire connu sous le nom de « 17 février » et la dislocation du pouvoir central, la milice commandée par la famille Kani, composée de membres aux affiliations familiales et tribales diverses, a mis en place un nano-État, s’enrichissant « par la contrebande et la collecte d’impôts en échange de la fourniture de services publics, rendue possible par son contrôle sur les unités de police et militaires, le conseil municipal et le système judiciaire », Le rapport est basé sur des visites de terrain et des entretiens avec plus de cinquante survivants et proches de victimes.
Les premières violences documentées remontent à 2013 lorsque « des familles entières sont considérées comme ayant participé au meurtre » d’un membre de la famille Kani étaient « assassiné » et leurs corps « exposé publiquement pour semer la terreur dans la ville ». Malgré l’intégration de ces miliciens dans le 7et brigade du gouvernement d’union nationale de Fayez Al-Sarraj, basée à Tripoli et alors reconnue par la communauté internationale, elles continuent de cibler régulièrement « des civils, y compris leurs opposants, soit en exécutant des familles entières, soit en tuant uniquement les membres masculins de leurs familles. »
Les responsabilités des crimes restent « difficiles à établir »
À partir de 2019, les violences ont considérablement augmenté. Avec l’offensive lancée sur Tripoli par le maréchal Khalifa Haftar, à la tête de la Cyrénaïque, les Kaniyat ont changé de camp et ont prêté allégeance à son autoproclamée Armée nationale libyenne (LNA), devenant ainsi sa 9e armée.et brigade et recevant des armes et de l’argent. Bien que l’assaut sur Tripoli ait finalement échoué, les Kaniyat ont persisté à commettre des violations et des abus du droit international et des droits de l’homme.le rapport indique. Les images satellites montrent que c’est également à cette époque que la plupart des fosses communes de Tarhouna ont été creusées.
La reprise de la ville par les forces pro-gouvernementales lors de la contre-offensive, accompagnée également de graves violences contre les civils soupçonnés de rester fidèles aux Kaniyat, s’accompagne de nombreuses découvertes macabres et permet de prendre conscience de l’ampleur du système de terreur mis en place par la milice. La plupart de ses éléments ont fui vers l’est du pays, contrôlé par les forces du maréchal Khalifa Haftar. Certains d’entre eux ont été intégrés dans d’autres contingents de l’ANL.
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Aujourd’hui, « Les responsabilités pour les crimes commis à Tarhouna restent difficiles à établir », « Une liste des présumés responsables a bien été dressée par une commission d’enquête des Nations Unies (ONU) et des mandats d’arrêt ont été émis contre certains d’entre eux par la justice libyenne, mais ces efforts sont restés vains », regrettent les enquêteurs. « En partie à cause des allégeances politiques et des alliances de longue date entre les auteurs présumés, dont certains ont peut-être fui vers les pays voisins, et des acteurs puissants des institutions politiques et sécuritaires libyennes basées à l’est et à l’ouest », explique le rapport. En 2023, la mission d’enquête internationale indépendante sur la Libye avait déjà constaté « motifs raisonnables » de croire que les membres de la Kaniyat est connu pour « crimes contre l’humanité »mettant en cause la chaîne de responsabilité puisque les supérieurs hiérarchiques – l’état-major de l’armée nationale libyenne, dont le maréchal Khalifa Haftar – et les soutiens – dont des puissances étrangères comme la France – peuvent être tenus conjointement responsables de ces crimes.
En l’absence de justice, les enquêteurs de l’ONU s’alarment de la perpétuation du cycle de la violence. Dans une tribune publiée dans Mondeen date du 26 décembre 2023, l’Association des Familles des Victimes de Tarhuna, a fait le même constat : « Laissés pour compte, certains [habitants] avertissent qu’eux aussi risquent de rejoindre les rangs des milices et d’entraîner la région dans une nouvelle spirale de violence.