Greffe de rein de porc par un chirurgien suisse

Greffe de rein de porc par un chirurgien suisse
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« De nombreux patients m’ont demandé un rein de porc »

Publié aujourd’hui à 15h13

Alban Longchamp évoque sobrement « un événement singulier ». En réalité, ce chirurgien de 35 ans, originaire de la Riviera vaudoise, a participé à une première mondiale. Le trentenaire se spécialise depuis plus d’un an dans la transplantation rénale au Massachusetts General Hospital (MGH) de Boston. Dans ce contexte, le 16 mars, il participe à une opération chirurgicale révolutionnaire : la greffe d’un rein de porc sur un humain.

« La salle d’opération comptait relativement peu de monde et l’accès était contrôlé », explique-t-il. Nous étions entre quatre et cinq chirurgiens, selon les moments. Tôt le matin, le médecin vaudois a assisté au prélèvement de l’organe du porc génétiquement modifié. Il a ensuite suivi son transport et participé à l’opération de transplantation du patient qui s’est achevée dans la soirée.

“Un rêve”

Quelles émotions a-t-il ressenti ? « J’ai essayé de conserver une approche pragmatique et scientifique, mais l’enthousiasme était palpable. Toute l’équipe réalisait un rêve. Nous étions un peu plus stressés que d’habitude. Lorsque le rein a commencé à produire de l’urine sur la table d’opération, plusieurs personnes ont applaudi. »

Surtout, il se dit « très heureux et fier » d’avoir pu participer à cet événement. Le patient est en bonne santé : il a pu rentrer chez lui le 3 avril. Mais Alban Longchamp n’en dit pas plus : « M. La santé de Slayman reste bien entendu notre priorité et il a droit au respect de sa vie privée.»

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Le principal risque désormais est celui du rejet. Dans un tel cas, il serait possible de retirer le rein et de reprendre la dialyse. Mais quoi qu’il arrive, le chirurgien est certain que la science a fait un pas en avant.

Cette opération n’avait-elle pas un aspect « apprenti sorcier » ? « On ne se lance pas ainsi dans l’inconnu », s’exclame-t-il. Un protocole a été défini, réfléchi depuis plusieurs mois et basé sur des années de recherche. Nous avions des alternatives B, C, D, etc., selon les événements. De plus, tout s’est fait dans un cadre très strict et des rapports sont fournis aux autorités de contrôle.»

À l’entendre, ce n’est pas non plus un hasard si cette première se produit maintenant. Il y voit « une suite logique des travaux menés depuis des décennies », celui notamment du professeur Tatsuo Kawai, à l’origine de cette greffe. « Ces équipes ont consacré leur carrière à faire avancer la recherche dans ce domaine très particulier », insiste-t-il. Avant d’ajouter que Boston est un lieu à part, avec « un écosystème extrêmement solidaire, comprenant des médecins, des scientifiques et des partenaires privés de toutes origines ».

Un tournant en 2021

Selon lui, un tournant s’est produit en 2021, lorsqu’une équipe new-yorkaise a réussi à transplanter un rein de porc sur une personne décédée et maintenue sous vie artificielle. « Ce jour-là, nous avons compris que la première greffe sur un humain vivant était imminente. »

Depuis, les choses se sont accélérées. Avant cette greffe de rein, deux cœurs de porc ont été transplantés sur des patients vivants, à Baltimore en 2022 et 2023. Malheureusement, le premier est décédé au bout de deux mois, l’autre au bout de six semaines.

Alban Longchamp lui-même avait déjà réalisé des transplantations sur des porcs et des singes, en Suisse et aux Etats-Unis. « Entre le porc et l’humain, la qualité des tissus et l’anatomie des vaisseaux sont un peu différentes. Les artères de l’animal sont plus fibreuses. Ses veines sont plus fragiles. L’uretère est plus petit. En revanche, les techniques sont identiques.

Et il maîtrise ces techniques. À Boston, il a transplanté plus d’une centaine de reins en un an. « On travaille beaucoup, mais ça vaut le coup », constate-t-il simplement. Pourquoi vous êtes-vous spécialisé dans la transplantation rénale ? « Cette intervention a un impact énorme pour les patients. Cela peut transformer la qualité de vie d’une personne de manière significative et très rapide.

Et puis, la transplantation est un domaine qui ne cesse d’évoluer. « Nous vivons un âge d’or avec de nombreuses avancées technologiques. “C’est aussi un domaine dans lequel nous pouvons transférer assez rapidement les découvertes faites en laboratoire au chevet du patient.”

Les recherches, en tout cas, se poursuivent. Quelle place prendront les xénogreffes dans le futur ? L’objectif à long terme serait d’éviter complètement la nécessité de dialyse chez les patients souffrant d’insuffisance rénale terminale, une maladie qui touche plus de deux millions de personnes dans le monde. “Il est évidemment encore trop tôt pour le dire, mais on peut imaginer que cela pourrait aussi, dans certains cas, être une forme de passerelle, le temps de trouver un donneur humain de qualité suffisante.”

Prochains mois « cruciaux »

Mais il reste encore du chemin à parcourir. « Ces derniers jours, de nombreux patients m’ont demandé s’ils pouvaient avoir un rein de porc », plaisante Alban Longchamp. Évidemment, les choses ne sont pas si simples. Les régulateurs américains ont autorisé une procédure donnée sur un patient particulier. Pour l’instant, les médecins surveillent de près son évolution, et les prochains mois seront, dit-il, « cruciaux ».

Le médecin comprend néanmoins cet appel des personnes en insuffisance rénale terminale. « Pour eux, éviter la dialyse, même pendant une courte période, peut améliorer considérablement leur qualité de vie. Mais, évidemment, de nombreuses considérations doivent être prises en compte, notamment éthiques, financières et logistiques. Il s’agit donc d’évaluer la situation, à travers des études scientifiques rigoureusement menées, puis de décider ce qui semble raisonnable et approprié pour chaque patient. »

L’entretien, mené par téléphone, se termine sur une note plus personnelle. Alban Longchamp a étudié la médecine à l’Université de Lausanne. Il s’est formé en chirurgie vasculaire au CHUV et à l’Hôpital de Sion. Et même si, avant de partir pour Boston, il avait déjà obtenu un doctorat en sciences à Harvard, ses racines restent en Suisse.

Un jour, il se verrait bien mettre son expérience et ses compétences à profit dans une institution suisse. Il note cependant que des techniques telles que la xénogreffe nécessitent dans un premier temps des investissements financiers et logistiques importants. La Suisse est-elle prête ? Il conclut par un plaidoyer : « À moyen ou long terme, cette solution pourrait améliorer la qualité de vie des patients et réduire les coûts de santé. »

Caroline Zuercher est journaliste à la rubrique Suisse depuis 2005. Elle couvre notamment des sujets liés à la santé et à la politique de santé. Auparavant, elle a travaillé pour Swissinfo et Le Matin.Plus d’informations

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