Avenir du Mont-Sainte-Anne | L’offensive européenne prend forme

(Québec) Le groupe franco-suisse souhaitant reprendre le Mont-Sainte-Anne a soumis une proposition écrite au gouvernement du Québec, qui prévoit un investissement de 100 millions de dollars et la création d’un abonnement de 1 000 $ donnant accès à quatre stations québécoises.


Publié à 00h56

Mis à jour à 5h00

« Notre plan est solide. Nos ambitions sont grandes. Nous sommes prêts à prendre des engagements concrets, chiffrés et prévisibles dans le temps», écrit l’homme d’affaires franco-suisse Christian Mars, président de la Compagnie des montagnes de ski du Québec, dans une lettre obtenue par La presse.

Cette missive, envoyée jeudi dernier à Pierre Fitzgibbon, François Legault et plusieurs autres élus québécois, détaille le projet d’un grand groupe européen souhaitant reprendre la gestion du Mont-Sainte-Anne (MSA) et de Stoneham.

La Compagnie Québec Ski Montagnes a déjà repris le Mont Grand-Fonds, à Charlevoix, et le Mont Lac-Vert, au Saguenay–Lac-Saint-Jean. La société est une filiale du groupe franco-suisse e-Liberty, spécialisé dans la vente de forfaits de ski en ligne.

Ces investisseurs européens expriment depuis des mois auprès du gouvernement leur intérêt pour le rachat de MSA à Resorts of the Canadian Rockies (RCR). L’entreprise albertaine est la cible de nombreuses critiques de la part des skieurs et même des élus, qui dénoncent le sous-investissement depuis des années dans la montagne. Les critiques ont repris après la chute d’une gondole en décembre 2022.

RCR n’est pas propriétaire de la montagne, qui appartient à l’État, mais détient un bail de 99 ans qui lui permet d’exploiter la station jusqu’en 2093.

Mais cette accusation de la Compagnie des montagnes de ski du Québec intervient dans un contexte plutôt défavorable : Québec a affirmé cette semaine croire en une entente avec le RCR pour relancer la MSA et dit publiquement qu’il n’a pas l’intention d’exproprier le dirigeant actuel.

100 millions sur la table

La Compagnie des montagnes de ski du Québec a déjà mis la main sur deux stations québécoises. Mais les joyaux de la couronne, pour elle, sont le MSA et Stoneham, tous deux exploités par RCR.

«Nous proposons au gouvernement du Québec de reprendre l’exploitation de la station, avec un engagement d’investir 100 millions au cours des prochaines années», a écrit Christian Mars au gouvernement.

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PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, ARCHIVES LA PRESSE

La Compagnie des montagnes de ski du Québec exprime depuis des mois au gouvernement son intérêt à reprendre le Mont-Sainte-Anne aux Stations des Rocheuses canadiennes.

L’homme d’affaires assure aux élus qu’il a les poches assez pleines. Le groupe e-Liberty s’associe au groupe Baelen pour créer le fonds Mountain Next, destiné à acquérir des stations de ski dans le monde entier. Le but ? Devenez le troisième opérateur de la planète, derrière Vail Resort et Alterra, propriétaire de Tremblant.

“Le groupe Baelen réalise à lui seul un chiffre d’affaires annuel totalisant plus de 1,2 milliard de dollars et 160 millions de dollars en espèces”, indique la lettre.

De mystérieux investisseurs locaux

La Compagnie des montagnes de ski du Québec estime que le Mont-Sainte-Anne aurait besoin de 150 à 200 millions d’investissements. Outre les 100 millions qu’elle se dit prête à investir, la Société indique être en discussion avec « un groupe d’investisseurs locaux » prêts à injecter 20 millions.

Même si la lettre de M. Mars ne mentionne pas la nécessité de subventions, on peut en déduire qu’il manquerait entre 30 et 80 millions pour finaliser ce plan et « redonner au Mont-Sainte-Anne le niveau souhaité, ce qui inclut le chalet du sommet et la modernisation de l’ensemble du système d’enneigement.

L’entreprise souhaite « créer une destination de ski unifiée dans l’est du Québec, possédant la masse critique nécessaire à une visibilité continentale, voire mondiale ».

Avec la MSA, Stoneham, Grand-Fonds et Lac-Vert en portefeuille, elle aimerait vendre 30 000 abonnements saisonniers à 1 000 $, « pour un produit présentant 156 pistes et 300 kilomètres de ski de fond avec enneigement garanti, entre le régions de la Capitale-Nationale, de Charlevoix et du Saguenay–Lac-Saint-Jean.

La RCR ferme la porte

Cette offensive n’est pas la première pour reprendre le MSA. Le Groupe Le Massif avait fait une offre d’achat aux gestionnaires de la montagne. RCR avait indiqué que ses deux montagnes de la région de Québec n’étaient pas à vendre. Le Massif a depuis retiré son offre.

L’entreprise albertaine a réitéré mercredi qu’elle n’avait pas l’intention de vendre le MSA. “La montagne n’a jamais été à vendre et elle ne l’est pas aujourd’hui”, indique dans un email à La presse Cretin, vice-président et directeur général, région Est, du RCR.

RCR avait proposé en 2023 un plan de réinvestissement dans la station vétuste, autrefois joyau du ski dans la province. Le projet était conditionnel à la participation de l’État québécois.

«Le plan d’investissement que nous avons annoncé en avril 2023 est toujours d’actualité et actuellement toujours à l’étude», indique M. Cretin. Ce plan d’investissement a été partagé avec les représentants du secteur et a été largement endossé par l’ensemble des acteurs consultés. »

Si RCR refuse de vendre, une autre avenue s’offre à un éventuel acheteur : l’intervention de Québec pour exproprier le gérant. Mais le gouvernement québécois a toujours refusé cette solution, ce que le ministre de l’Économie et de l’Énergie a réitéré mardi lors de l’étude des crédits à l’Assemblée nationale.

« M. Mars dit que nous allons prendre le MSA et que nous allons investir. Parfait, mais pour moi, à moins qu’on exproprie le RCR de la MSA, ce que je ne ferai pas comme ministre, il faut que le propriétaire puisse travailler avec les autres», a répondu Pierre Fitzgibbon à une question du député libéral Frédéric Beauchemin.

Le Québec avait publiquement fermé la porte aux investissements publics pour soutenir le RCR. Mais mardi, M. Fitzgibbon a entrouvert la porte.

« La montagne a clairement besoin d’investissements de l’ordre de 100 à 120 millions de dollars, nous en sommes conscients. Nous sommes même prêts à aider, à accompagner cet investissement avec rigueur », a révélé le ministre.

Le ministre s’est dit « relativement confiant » que le plan de relance du RCR verrait le jour. «Mais ce n’est pas encore fait. Nous sommes sur le dossier. »

Puis M. Fitzgibbon a eu cette phrase, qui a dû plaire à certains skieurs de la grande région de Québec : « Étant moi-même skieur, le Mont-Sainte-Anne, à mon avis, est la plus belle montagne de ski du Québec, n’en déplaise aux gens. de Mont-Tremblant. »

Qui se cache derrière la Compagnie Québec Ski Montagne ?

La Compagnie des montagnes de ski du Québec possède déjà deux stations au Québec : le Mont Grand-Fonds et le Mont Lac-Vert. Elle aimerait maintenant mettre la main sur le Mont-Sainte-Anne et Stoneham. Mais qui se cache derrière ce groupe ? Il s’agit en fait du groupe franco-suisse e-Liberty, qui se définit comme « leader européen spécialisé depuis plus de 17 ans dans la vente de forfaits de ski en ligne ». L’entreprise distribue désormais des pass pour plus de 200 stations en Europe, dont Chamonix, Courchevel, Verbier et Val d’lsère. E-Liberty est membre du groupe Baelen. Déjà, la Compagnie des montagnes de ski du Québec se targue d’avoir injecté 20 millions à Grand-Fonds. « En six mois, avec l’aide des entreprises québécoises Doppelmayr et HKD, nous avons injecté 20 millions de dollars au Mont Grand-Fonds pour acheter un télésiège débrayable six places, un traîneau sur rail, de nouveaux canons à neige performants et un système complet de contrôle d’accès. » , indique l’entreprise dans sa lettre aux élus.

L’histoire jusqu’ici

1994

Le gouvernement libéral de Daniel Johnson a privatisé le Mont-Sainte-Anne, jusqu’alors géré par la Société des établissements de plein air du Québec (SEPAQ). Le bail de 99 ans prévoit que le secteur privé exploitera la station jusqu’en 2093.

1999

Le complexe est vendu à Resorts of the Canadian Rockies (RCR).

2020

Plusieurs incidents se sont produits ces dernières années avec la télécabine, installée en 1989, la plus ancienne télécabine à huit places au Canada. En 2020, un arrêt brutal a fait 21 blessés. Deux ans plus tard, une cabane vide s’est détachée et est tombée au sol.

2022

Le Groupe Le Massif a déposé une offre formelle d’achat pour acquérir la station (offre qu’il a depuis retirée). Des groupes citoyens, comme les Amis du Mont-Sainte-Anne, réclament que Québec intervienne.

 
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