Celle qui s’annonce comme « la fausse vraie avocate préf du Québec », Megan Lalonde, fait l’objet d’une enquête du Barreau du Québec après des plaintes de justiciables alléguant avoir été flouées.
Isabelle Mathieu
Collaboration spéciale
«Si des personnes ont été victimes d’exercice illégal de la profession juridique, nous souhaitons qu’elles nous appellent», insiste Hélène Bisson, directrice des communications du Barreau. Et si les citoyens soupçonnent une fraude, nous les encourageons à contacter leur corps de police. »
Agée de 24 ans, celle qui se présentait jusqu’à récemment sous le nom de Megan Lalonde sur Instagram (elle est devenue meg_lalo) affirme avoir obtenu son diplôme en droit de l’Université Laval en 2020.
Depuis plusieurs mois, elle publie régulièrement des photos et des vidéos d’elle dans différents palais de justice du Québec, vantant ses victoires.
«Une petite victoire au travail», se réjouit-elle en diffusant une image d’une salle d’audience virtuelle et même le visage du juge Thomas Jacques de la Cour du Québec, ce qui est interdit par un règlement de la Cour du Québec. « Ma deuxième maison », explique Megan en désignant l’entrée d’une pièce du palais de justice. Elle a également diffusé l’image d’un procureur de la Couronne, ajoutant que « c’est le quatrième encadré que je fais sur lui aujourd’hui. Je pense qu’elle va pleurer. »
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En janvier dernier, Megan Lalonde indiquait sur son profil LinkedIn qu’elle était avocate en droit criminel et familial chez Solution Avocat, à Montréal. Avocat pénaliste exerçant au sein de ce cabinet, Me Marie-Joëlle Demers, qui siège au Barreau de Longueuil, avait alors dénoncé cette publication trompeuse et alerté le Barreau.
Le Barreau aurait alors demandé à ses membres de ne pas rendre l’affaire publique pour ne pas nuire à l’enquête, selon ce qui a été évoqué sur un groupe Facebook d’avocats de la défense. Pourtant, le sujet anime régulièrement les discussions sur la toile entre avocats.
D’autres plaintes du public ont été déposées auprès de l’ordre professionnel ces derniers jours.
Le Barreau du Québec a finalement confirmé jeudi qu’il enquêtait sur Megan Lalonde pour exercice illégal de la profession juridique.
Il faut dire qu’une publication sur TikTok de l’avocate lavalloise Chanel Alepin avait soulevé beaucoup de vagues. Elle a mis en garde ses 40 000 abonnés contre les individus qui prétendent être des avocats et soutirent de l’argent à des clients en difficulté. Dans les commentaires, le nom de Megan Lalonde apparaît. Les victimes présumées contactent alors Me Alepin, disant qu’il a les preuves en main.
En prison
C’est une avocate se faisant appeler Megan Lapointe-Lalonde qui aurait contacté Danny (prénom fictif) au Centre de détention de Québec à la fin du mois de décembre. Il venait d’être arrêté pour détention d’arme.
Danny dit qu’il a fait confiance à la jeune avocate pénaliste parce qu’elle avait été recommandée par un ami. Il a donc décidé d’abandonner son cabinet d’avocat habituel.
«Nous avons convenu qu’elle me représenterait et mes amis ont payé 4 000 $ en mon nom», explique-t-il. Elle m’a dit : « Tu vas rentrer à la maison pour Noël. » »
L’ancien avocat de Danny a alors dû contacter Megan pour lui transmettre des informations. «Quand je la contacte, elle me dit qu’elle est à Drummondville», résume l’avocat qui ne souhaite pas être identifié. Elle dit qu’elle demandera au tribunal de se saisir de l’affaire. Je lui dis que ça ne marche pas comme ça. Le tribunal est automatiquement saisi, nous sommes des criminels. Je n’ai jamais pu procéder au remplacement d’avocate, elle ne s’est pas présentée. »
En conséquence, Danny aurait passé 14 jours supplémentaires en détention avant d’être libéré sous conditions. Et il dit que ses amis n’ont jamais revu leur argent.
La presse a appelé le même numéro que Danny a utilisé pour joindre Megan jeudi.
Elle répond, confirme qu’elle s’appelle Megan, qu’elle est avocate, mais qu’elle n’est pas Megan Lalonde ni Megan Lapointe. «Je suis inscrite au tableau d’ordre, mais je ne m’appelle pas Lalonde», répète-t-elle.
Megan prétend travailler dans une entreprise, pour un patron qu’elle préfère ne pas nommer, afin de ne pas remonter jusqu’à elle. Elle dit être l’une des avocates de la défense des individus arrêtés lors de l’Opération Scandaleux contre les gangs de rue, dans la grande région de Québec.
Elle insiste sur le fait qu’elle n’a absolument rien à voir avec les allégations de fraude répétées sur la publication TikTok de l’avocat Chanel Alepin et nie catégoriquement avoir pris de l’argent à qui que ce soit. “Les accusations de M.e Alepin, déplore-t-elle. Ma famille a peur en ce moment, il y a eu du vandalisme. »
Si des personnes ont été fraudées, il est important qu’elles le signalent, insiste le soi-disant avocat.
Megan confirme avoir rencontré le Barreau du Québec mercredi et elle compte collaborer. «Je ne fuis personne», assure-t-elle. Les gens qui doivent avoir mon identité, je le fais. »