Ces défis économiques qui attendent Bassirou Diomaye Faye

L’emploi, la compétitivité économique et la souveraineté alimentaire sont les chantiers prioritaires qui attendent le nouveau président élu du Sénégal, Bassirou Diomaye Faye, estime l’économiste Mounirou Ndiaye. L’économiste et fiscaliste Mamadou Ngom, pour sa part, identifie l’augmentation du taux de pression fiscale comme l’un des défis majeurs pour la bonne mise en œuvre du […]

L’emploi, la compétitivité économique et la souveraineté alimentaire sont les chantiers prioritaires qui attendent le nouveau président élu du Sénégal, Bassirou Diomaye Faye, estime l’économiste Mounirou Ndiaye. L’économiste et fiscaliste Mamadou Ngom identifie, pour sa part, l’augmentation du taux de pression fiscale comme l’un des défis majeurs pour la bonne mise en œuvre des politiques publiques..

Par Demba DIENG

Quels sont les enjeux économiques pour le nouveau Président de la République, Bassirou Diomaye Faye ? L’économiste Mounirou Ndiaye considère la lutte contre le chômage comme la priorité du nouveau Président. En effet, malgré les taux de croissance obtenus depuis 2000, le chômage, affirme-t-il, n’a pas diminué. « L’emploi repose sur un mécanisme économique fortement dépendant du taux de création de richesse et de sa répartition. Cependant, l’économie sénégalaise a connu une croissance continue dont la moyenne a été supérieure à 3% sur la période 2000-2012 et à 5% sur la période 2012-2024. Or, le taux de chômage officiel, qui était d’environ 12 % en 2011, s’élève actuellement à près de 23 %. De même, le chômage des diplômés est passé de 16 à 34% durant la même période », explique le professeur Ndiaye. Mais l’économiste estime qu’il est important de se débarrasser de cette croyance selon laquelle la croissance économique crée des emplois. Pour lui, il faut aussi reconnaître qu’il n’y avait pas de politique de l’emploi digne de ce nom, mais des programmes qui n’étaient finalement que des artifices sans suite. «Aucun n’a été évalué pour soutenir techniquement ces programmes. Et donc ils ont tous échoué, comme l’a reconnu le président Macky Sall en mars 2021 », ajoute le spécialiste.

L’autre chantier à côté de l’emploi, estime le spécialiste, est la redynamisation de l’économie pour une plus grande compétitivité. « L’exécution du Pse à partir de 2014 est très illustrative : environ 11 000 milliards FCFA dépensés pour une croissance cumulée inférieure à 50% en 10 ans. La productivité de l’économie sénégalaise a été très faible et cela justifie son perpétuel besoin de perfusion », dit-il. Mounirou Ndiaye souligne qu’après les 3,927 milliards FCfa d’engagements obtenus au groupe consultatif de Paris en 2014 pour la phase 1 du PSE (Pap 1 : 2014-2018), des engagements de 7,356 milliards FCfa ont été obtenus en 2018 en vue de la phase 2 du PSE. le Pse. « Ainsi, la dette publique du Sénégal est passée d’environ 40% du PIB en 2014 à 67% en 2020. L’encours de la dette publique s’élève actuellement à 20 000 milliards FCfa, soit plus de 70% du PIB », fait-il valoir.

Développer le secteur agricole et préférence nationale

Avec les ruptures annoncées dans son projet social, le président Bassirou Diomaye Faye, assure le professeur Mounirou Ndiaye, pourrait mettre définitivement un terme à un paradoxe qui est le principal élément qui freine l’épanouissement du potentiel économique du Sénégal. L’agriculture, annoncée comme prioritaire face à l’extrême maigreur des ressources qui lui sont consacrées, pourrait, selon l’économiste, permettre le développement si les moyens budgétaires suivent. En 2024, le budget du secteur représente moins de 4,5% des dépenses publiques et moins de 6% du budget général de l’État. La loi de finances rectificative, attendue dans les prochaines semaines, devrait au moins permettre de monter à 10 % du budget de l’Etat en 2024, conformément aux accords de Maputo, selon Mounirou Ndiaye. “Il est possible d’atteindre 20% du budget de l’Etat en 2026 à raison de 5% de plus par an à partir de 2025”, ajoute-t-il. A ses yeux, il est impossible de relever les défis de création de richesses, de réduction de la pauvreté et du chômage sans une croissance accélérée des activités agro-sylvo-pastorales et de pêche. Afin de permettre au secteur agricole, au sens large, de fournir 80% des besoins en emplois, l’État, explique l’économiste, doit procéder aux ajustements nécessaires en termes d’occupation des sols, de modernisation et de professionnalisation du secteur. l’agriculture familiale, la régulation et la protection des marchés et débouchés locaux, le soutien aux transformateurs locaux et aux infrastructures de stockage et de conservation sur tout le territoire. Le successeur du président Macky Sall devra également favoriser le développement de la culture du riz et d’autres spéculations, car, soutient le professeur Ndiaye, la souveraineté et la sécurité alimentaires renforceront non seulement la résilience et la base économique du pays, mais constitueront également une contribution essentielle au développement du pays. notre position extérieure dans la perspective de l’autonomie monétaire. Toutefois, M. Ndiaye estime que cela doit s’accompagner d’un changement dans les habitudes alimentaires extraverties des Sénégalais qui constituent un terreau fertile pour les importations. « Par exemple, Israël devrait, l’Institut de technologie alimentaire (Ita), pouvoir proposer une farine à base de niébé, de mil, de sorgho et de maïs, en remplacement du blé importé où l’on injecte plus de 110 milliards de FCFA pièce. année », suggère-t-il.

MAMADOU NGOM, ECONOMISTE-TAXISTE

« Il va falloir repenser la structure des dépenses fiscales »

Sur le plan budgétaire, les priorités du cinquième président sont de divers ordres, selon l’économiste fiscaliste Mamadou Ngom. Pour lui, celui qui retient le plus l’attention est l’alignement sur le critère de convergence budgétaire de 20% dans l’UEMOA. « Certes, nous avons une position confortable par rapport aux autres pays de l’UEMOA, mais nous avons eu du mal à franchir le seuil des 19 % ces trois dernières années. Évidemment, l’atteinte de cet objectif repose sur la nécessité d’élargir notre assiette fiscale en apportant les corrections déjà prévues dans nos textes fiscaux », estime-t-il. Mamadou Ngom pour identifier plusieurs politiques prioritaires. Selon lui, il s’agit avant tout de corriger les abus du système d’exonération et de remises gratuites. Selon lui, même si les exonérations et réductions fiscales sont réglementées, il n’en reste pas moins qu’elles doivent avoir un impact positif sur l’économie. En d’autres termes, soutient-il, ces mesures devraient bénéficier davantage aux acteurs créateurs de haute valeur ajoutée ou d’emplois permanents. Énumérant les priorités, l’expert pense également qu’il faudra repenser la structure des dépenses fiscales en se basant davantage sur des critères d’équité fiscale. « La fonction de redistribution, qui a un caractère social, permet de redynamiser les institutions chargées d’administrer et de gérer les impôts et les cotisations sociales. Le problème de liquidité ne se pose pas ; il s’agit plutôt d’une allocation inefficace de ses ressources », dit-il.

Cela suggère qu’il faut innover en mettant en place des systèmes d’allocation efficaces et innovants, basés sur des critères de répartition optimaux, quelle que soit l’activité occupée par ceux qui y ont droit. « La valeur ajoutée nationale est en effet l’affaire de tous », souligne Mamadou Ngom. Dans cette optique, il estime important de mettre en place un cadre fiscal plus incitatif pour relancer l’activité industrielle nationale. Cette façon de faire n’exclut pas, selon lui, la mise en place d’un Statut PME plutôt qu’une simple charte moins rassurante, car nos PME traversent actuellement des situations financières et fiscales difficiles.

Selon Mamadou Ngom, le pays dispose d’autres niches fiscales à intégrer dans l’assiette pour alléger la pression fiscale dans certains secteurs d’activité. “Même avec les recettes non fiscales et douanières attendues dans les années à venir, il n’en demeure pas moins que nos recettes fiscales ne sont pas à leur niveau optimal”, constate l’économiste fiscaliste. Citant le ministère des Finances et du Budget, Mamadou Ngom note que les recettes fiscales non douanières, en 2023, sont de 2,206 milliards de FCFA et les recettes douanières pour la même période sont portées à 1,416 milliards de FCFA. Ces recettes fiscales nettes par rapport au budget 2023, fixées à 6 411 milliards FCfa, présentent un ratio recettes fiscales totales/budget de 57% en moyenne.

La stabilité, une exigence « collective » du secteur privé

Les attentes envers le secteur privé sont également nombreuses. Le plus important, selon le directeur exécutif du Club des investisseurs du Sénégal (CIS), Abdoulaye Ly, est le rétablissement de l’État de droit afin de disposer d’un cadre propice à la compétitivité économique. « C’est une revendication collective, car la paix et la stabilité sont des catalyseurs d’investissement. Nous avons beaucoup souffert de la violence. L’État de droit est nécessaire à la compétitivité du secteur privé. Ce secteur a été endommagé», analyse-t-il. Pour M. Ly, le futur Gouvernement devra également poursuivre des politiques de souveraineté économique et alimentaire, devenues des exigences depuis le Covid-19 et le conflit russo-ukrainien. « Il s’agit avant tout de tirer les leçons de la guerre en Ukraine et des effets persistants du Covid-19 à travers des problèmes d’approvisionnement », souligne-t-il. Selon lui, cette souveraineté tant désirée n’a de sens que si elle est durable et soutenue par le secteur privé. « Dieu nous a donné tous les atouts du monde. Nous avons de l’eau, des minéraux, 240 000 hectares de terres arables dans la vallée, le bassin de l’Anambé… Alors, en renforçant les politiques et les initiatives, nous pourrons assurer cette souveraineté alimentaire », estime Abdoulaye Ly. Concernant la création de champions nationaux, le directeur exécutif du Club des investisseurs du Sénégal appelle à la protection des industries émergentes. « Des entreprises et des industries, comme Amazon (États-Unis) et Ali Baba (Chine), ont été très tôt protégées par leurs États. C’est aujourd’hui une nécessité pour nos jeunes entreprises. Il faut également développer le secteur financier afin de faire du marché financier un outil de développement des petites et moyennes entreprises », a déclaré Abdoulaye Ly.

Source : https://lesoleil.sn/emploi-competitivite-souverain…

 
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