Comment le tabac affecte le système immunitaire, même chez les ex-fumeurs

Comment le tabac affecte le système immunitaire, même chez les ex-fumeurs
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Arrêter de fumer permet de retrouver rapidement une meilleure santé pulmonaire. Mais le système immunitaire reste affecté pendant de nombreuses années. De nouvelles études mettent en lumière ces effets néfastes à long terme.

Arrêter de fumer est toujours le bon choix. Les bénéfices du sevrage sur la santé et la qualité de vie sont inestimables et unanimement reconnus. Cependant, les bonnes résolutions n’effacent pas les mois, les années, les mauvaises habitudes. Combien de temps faut-il pour que les goudrons et les produits chimiques accumulés dans les poumons disparaissent ? Surtout, disparaissent-ils complètement ?

Selon Tabacstop, qui décrit une chronologie précise des effets positifs de l’arrêt du tabac sur la santé, le mécanisme de nettoyage de l’organisme se déclenche. dès le premier jour du sevrage. Par la suite, l’odorat et le goût s’améliorent et l’essoufflement pendant l’exercice diminue. Le risque de maladie cardiaque diminue de moitié après un an, le risque d’accident vasculaire cérébral après cinq ans et le risque de développer un cancer après dix ans. Après quinze ans, enfin, les risques de maladies cardiaques et de décès sont pratiquement identique pour un fumeur que pour une personne n’ayant jamais touché à une cigarette.

Une étude française contredit quelque peu cet optimisme. Animé par le consortium Milieu intérieur de l’Institut Pasteur et publié en février 2024 dans Naturecela suggère que fumer a effets persistants sur l’immunité adaptative ex-fumeurs. Les réponses immunitaires diffèrent considérablement d’un individu à l’autre en fonction de l’âge, du sexe et de facteurs génétiques. Cependant, les variables qui déterminent ces différences dans la production de cytokines, substances impliquées dans l’activation de la réponse immunitaire, restent mal définies.

Mémoire immunitaire affectée

Les chercheurs ont étudié 1 000 personnes en bonne santé, âgées de 20 à 70 ans, et analysé 136 variables (dont le sommeil, les vaccinations et les maladies infantiles) pour identifier celles qui pourraient avoir un impact sur la réponse immunitaire. Il est apparu que le tabagisme, le poids et l’exposition prolongée au cytomégalovirus (CMV, qui entraîne des complications chez les patients immunodéprimés) sont des facteurs déterminants. facteurs aussi déterminants que l’âge, le sexe et la génétique.

Le tabagisme influence les réponses immunitaires innées et adaptatives. Les effets sur les réponses innées (première ligne de défense contre un pathogène) s’estompent très rapidement dès l’arrêt du tabac, mais ceux sur les réponses adaptatives (qui se construisent au fur et à mesure de la progression de l’infection) persistent. long terme. En bref : l’inflammation disparaît rapidement mais la mémoire immunitaire reste altérée. En effet, si l’ADN n’est pas spécifiquement modifié par le tabagisme, cela affecte la manière dont s’expriment certains gènes. Ce dysfonctionnement pourrait durer entre dix et quinze ans après avoir arrêté de fumer et promouvoir le développement d’infections, de cancers et de maladies auto-immunes. Dans quelle mesure ? L’étude de l’Institut Pasteur ne répond pas à la question. Cette hypothèse devra faire l’objet de recherches plus approfondies.

« Le tabagisme, dans l’ensemble, produit une inflammation chronique des poumons. Des études montrent que les fumeurs ont une moins bonne immunité et développent plus fréquemment des infections, confirme le professeur Renaud Louis, pneumologue et allergologue au CHU de Liège. Chez les personnes asthmatiques, on observe également un phénomène de rebond après l’arrêt. Ceci s’explique par le fait que Le tabac agit comme un frein au système immunitaire. A l’arrêt, le système immunitaire reprend des forces. Or l’asthme se caractérise justement par une hyperréactivité du système immunitaire.

« Des études montrent que les fumeurs ont une immunité plus faible et développent des infections plus fréquemment. »

Renaud Louis, pneumologue et allergologue (CHU de Liège).

Des cellules saines en renfort

L’étude de l’Institut Pasteur représente une avancée importante dans la compréhension des effets néfastes du tabac sur la santé. Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), le tabagisme est responsable de huit millions de décès chaque année dans le monde, dont sept sont liés à la consommation directe de tabac. En Belgique, elle tue environ 20 000 personnes par an.

En 2020, une autre étude, également publiée dans Nature, a confirmé que nos poumons sont capables de se régénérer après avoir arrêté de fumer. La fumée de cigarette contient environ 60 substances cancérigènes qui endommagent l’ADN, provoquent des mutations génétiques et augmenter de 30 fois le risque de développer un cancer du poumon. Le tabagisme est en effet responsable de 1 000 à 10 000 mutations par cellule.

Les effets profonds du tabac sur le génome des cellules cancéreuses du poumon sont connus depuis longtemps. Ce qui était jusqu’à présent moins documenté, ce sont les conséquences sur l’épithélium bronchique, la barrière qui protège les poumons des corps étrangers transportés par l’air et qui contribue au maintien du système immunitaire.

L’équipe de chercheurs internationaux a analysé les gènes de 632 colonies de cellules tapissant les bronches de seize patients. Chez un fumeur, la grande majorité des cellules apparaissent très endommagées. Pour l’instant, rien de très surprenant. Ce qui n’avait pas été démontré auparavant, cependant, c’est que les poumons des ex-fumeurs sont capables de se régénérer. Chez eux, la proportion de cellules pulmonaires saines, qui n’ont jamais muté, est de l’ordre de 40%. Un tarif équivalent à celui présenté par un individu n’ayant jamais touché à une cigarette. C’est la présence de cellules souches restant au repos dans le tissu pulmonaire, qui ont échappé aux mutations et qui remplacent les cellules mutées, qui rend possible cette régénération des parois des voies respiratoires.

Même après le sevrage, le tabac continue d’avoir des effets néfastes sur l’organisme, notamment sur l’immunité. © BELGAIMAGE

Dans sa pratique clinique quotidienne, le professeur Renaud Louis constate des effets bénéfiques assez immédiats chez les fumeurs repentis. Au moins parmi une certaine catégorie. « Chez les patients qui présentent une bronchite chronique, qui toussent et produisent des crachats, nous constatons que ces problèmes se résolvent assez rapidement. En revanche, pour ceux qui souffrent d’emphysème, caractérisé par une destruction du parenchyme pulmonaire (NDLR : partie du poumon contenant les alvéoles, les vaisseaux sanguins et le tissu de soutien pulmonaire), aucune reconstruction n’est possible. La capacité pulmonaire est définitivement perdue.

Le professeur Dimitri Leduc, chef du service de pneumologie à l’hôpital universitaire Erasme (ULB), appelle à la prudence. Les études, notamment celles qui évoquent le rôle cicatrisant des cellules souches multifonctionnelles, sont une bonne nouvelle et ouvrent la voie à d’autres explorations. Mais ils ne reflètent pas encore la réalité clinique: “Ces cellules peuvent effectivement remplacer les tissus manquants si l’on permet à l’organisme de récupérer après une période de tabagisme, mais cette restitution n’est pas du tout la règle”, précise-t-il. Chez les personnes qui développent des lésions pulmonaires plus rapidement, cela peut être relativement faible. Le professeur Leduc rappelle également que le goudron et les substances chimiques contenues dans les cigarettes “tatouer” les poumons et que ces stigmates ne disparaissent jamais vraiment. Le tabac laisse des traces à vie.

Éteindre sa dernière cigarette avant 40 ans permet de retrouver une espérance de vie quasi normale, c’est aussi ce qu’affirment les auteurs d’une troisième étude, également publiée en février dernier dans le New England Journal of Medicine. Les chercheurs ont examiné les dossiers de près de 1,5 million d’Américains, de Canadiens, d’Anglais et de Norvégiens âgés de 20 à 79 ans suivis pendant quinze ans.

Après avoir ajusté les données en fonction de l’âge, du niveau d’éducation, de la consommation d’alcool et de l’obésité, ils ont conclu qu’arrêter de fumer à tout âge, mais particulièrement avant 40 ans, est associée à une réduction de la surmortalité globale et des maladies vasculaires, respiratoires et néoplasiques. Les résultats bénéfiques sont même évidents dès les trois premières années après l’arrêt du tabac. Pour tous les âges et par rapport à l’arrêt continu du tabac, un arrêt de moins de trois ans permet d’éviter cinq années de vie perdues et dix en cas d’arrêt de dix ans ou plus, soit une survie similaire à celle des personnes n’ayant jamais fumé.

« Concernant plus particulièrement le cancer du poumon, il a été prouvé que la durée du tabagisme est un facteur important. Tout comme l’âge : le risque sera plus faible pour un patient ayant fumé entre 10 et 30 ans que pour celui ayant fumé entre 20 et 50 ans. C’est pourquoi les bénéfices de l’arrêt sont plus grands s’il intervient avant l’âge de 20 ans. 40 ans, même s’il ne s’agit évidemment que d’un âge approximatif », illustre le professeur Louis.

Malheureusement, il arrive aussi que des non-fumeurs ou des fumeurs très occasionnels développent un cancer. Au CHU de Liège, nous avons collecté les chiffres pour déterminer si ces cas étaient fréquents. Parmi les patients venus se faire soigner, 93 % étaient des fumeurs, dont une majorité de femmes. Cela confirme le caractère très rare, et en partie lié à la génétique, de ces cancers chez les non-fumeurs.

 
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