Fusillades collectives contre un festival de black metal

Des élus, des groupes communautaires et des militants antifascistes condamnent la programmation d’un festival de black metal qui accueillerait à Montréal des groupes associés au mouvement néonazi. Des accusations que les organisateurs contestent fermement.

Ce que vous devez savoir

Un festival de black metal présentera ce week-end à Montréal quatre groupes controversés, accusés d’avoir des liens lointains ou directs avec le mouvement néo-nazi.

Le rendez-vous annuel de la Messe des Morts et les artistes ciblés affirment rejeter toute affiliation politique ou discrimination.

Des militants antifascistes prévoient de manifester pour annuler les concerts du vendredi soir, notamment celui de la tête d’affiche suédoise Marduk.

La réunion annuelle de la Messe des Morts doit présenter son 12e édition ce week-end au Théâtre Paradoxe, situé dans une ancienne église du boulevard Monk. Dans une lettre envoyée à l’organisateur Sepulchral Productions, une vingtaine d’acteurs des arrondissements du Sud-Ouest et de Verdun ont demandé l’annulation des représentations des groupes de black metal Horna, Marduk, Sargeist et Akitsa.

« Nous comprenons et soutenons fermement la liberté artistique, mais nous pensons qu’elle cesse […] lorsque ces discours incitent à la haine ou à la violence », écrivent les signataires, qui estiment que quatre groupes présents sur le projet de loi « jouent sur cette ligne fine ».

Tous les groupes pointés du doigt, accusés principalement d’affiliations ou d’associations passées, nient appartenir à une quelconque idéologie politique.

La missive a notamment été signée par les maires du Sud-Ouest et de Verdun, Benoit Dorais et Marie-Andrée Mauger, les députés solidaires Guillaume Cliche-Rivard et Alejandra Zaga Mendez, le député bloquiste Louis-Philippe Sauvé et la Corporation de développement commercial de Monk. Boulevard. Les tables de concertation du secteur figurent également parmi les signataires.

Selon Montréal-Antifasciste, la Messe des Morts marque le « retour du Black Metal National Socialiste (NSBM) » à Montréal. Le groupe anonyme a lancé un appel à l’action sur son site Internet fin octobre. Sous-genre marginal, le black metal national-socialiste exploite des thèmes ou des valeurs associés au fascisme.

« Si l’administration du Théâtre Paradoxe ne prend pas ses responsabilités en annulant cet événement, c’est la mobilisation populaire qui devra s’en charger », soulignent sur Facebook les organisateurs de « Pas de scène pour la haine », un événement qui est qui doit avoir lieu vendredi.

Les manifestants – 185 personnes se disent « intéressées » sur Facebook – envisagent de perturber la fête avant la prestation du trio suédois Marduk, tête d’affiche du festival. Le groupe de black metal doit présenter l’album complet à Montréal Panzer Division Mardouksorti en 1999. Division Panzer désigne la division blindée de l’armée allemande durant la Seconde Guerre mondiale.

Dans ses déclarations, Marduk soutient que ses paroles et son esthétique inspirées du Troisième Reich découlent strictement d’une passion historique.

« Marduk n’a pas [de programme] association politique ou idéologique, qu’elle soit du national-socialisme ou autre », a déclaré le groupe en 2018.

L’année dernière, Marduk s’est séparé de son bassiste, Joel Lindholm, après avoir fait un salut nazi à la foule, des actes jugés « intolérables » par ses collègues. L’un des cofondateurs, le parolier et guitariste Shatraug, a créé le projet Sargeist, qui fait également partie des groupes visés par la lettre.

Deux autres groupes dans le viseur

Le groupe finlandais Horna est une cible récurrente des antifascistes, qui lui reprochent principalement ses relations passées. Son chanteur actuel, Spellgoth, était claviériste du groupe français Peste noire, associé au NSBM à travers les saluts nazis et les paroles prônant l’extrême droite.

« Nous ne nous intéressons pas à la politique, qu’elle soit de gauche ou de droite », a défendu le groupe norvégien dans une publication sur Facebook.

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PHOTOGRAPHIE DE STEFAN BOLLMANN, TIRAGE

Le groupe de black metal Horna en 2018

Quant à Akitsa, il faut remonter à 2004 pour retrouver les premières plaintes adressées au groupe. Le groupe québécois aux accents nationalistes a ensuite enregistré la chanson aux côtés du groupe Satanic Warmaster. Six millions de larmesune allusion au nombre de Juifs exterminés pendant la Shoah.

Akitsa est également critiqué pour sa « camaraderie » avec le groupe NSBM Peste noire, ainsi que pour un EP sorti en 2013 intitulé Je m’en ficheun slogan fasciste italien. “Akitsa n’a jamais été et ne sera jamais un groupe raciste”, a déclaré le groupe dans une interview accordée à Vice en 2015.

Au moins un groupe à l’affiche du festival, Conifer, a annulé sa participation en raison de son malaise face à la situation, a-t-on appris La presse.

Un événement « musical »

La société de production à l’origine de La Messe des Morts, Sepulchral Productions, a indiqué sur Facebook avoir nié toutes les accusations, qu’elle juge « infondées, voire diffamatoires ». Elle a ajouté qu’elle réexaminait ses options juridiques.

Comme le savent les centaines de personnes qui assistent au festival chaque année, il n’y a aucun aspect politique dans la messe des morts, et nous n’avons jamais fait de discrimination à l’égard de ceux qui pouvaient assister au festival ou se produire lors de celui-ci.

Sepulchral Productions, sur Facebook

En 2016, un groupe d’« antifas » mobilisés par la présence du groupe polonais Graveland – également visé pour ses liens présumés avec le mouvement NSBM et l’extrême droite – avait torpillé la dernière soirée du festival. Des fumigènes ont été lancés et la police a dû intervenir.

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PHOTO BERNARD BRAULT, LA PRESSE ARCHIVES

Manifestation antifasciste avant le concert de Graveland, en 2016

Sepulchral Productions affirme avoir contacté le Service de police de la ville de Montréal (SPVM), entre autres intervenants, afin que l’événement se déroule « dans un environnement sécuritaire et respectueux de tous ».

Une salle en tumulte malgré elle

«Nous avons reçu des commentaires durs, voire agressifs sur la tenue de l’événement», déplore par courriel Annabelle Simon, directrice adjointe du Théâtre Paradoxe. « Il s’agit évidemment d’une situation tout à fait inhabituelle pour notre organisation. »

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PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE ARCHIVES

Le Théâtre Paradoxe

La salle éco-responsable du Sud-Ouest est en effet plus axée sur l’entraide que sur la division ; elle fait partie du Groupe Paradoxe, un organisme communautaire d’économie sociale qui a aidé quelque 900 jeunes à sortir de l’exclusion, de la toxicomanie ou de l’itinérance depuis 27 ans. Le Théâtre Paradoxe n’est ni le promoteur ni le producteur du festival, souligne Annabelle Simon.

Dans le cadre de son contrat avec Sepulchral Productions, qui organise la messe des morts, la salle loue uniquement l’espace, sans avoir son mot à dire sur la programmation. “Nous sommes sensibles aux commentaires reçus, mais déplorons d’être pris à parti par certains pour un aspect qui relève entièrement de la responsabilité du producteur”, explique l’assistant réalisateur.

 
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