Il y a trois mois, le monde entier l’a découvert allongé dans une immense corbeille de fruits et de fleurs, en plein banquet, le corps peint en bleu, chantant « Nu » lors de la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques. Quand on rencontre Philippe Katerine ce mercredi d’octobre, la fièvre est tombée, mais l’image est toujours là. « C’est moi qui ai proposé l’idée à Thomas Jolly. Je travaillais avec Victor Le Masne sur mon album, donc évidemment j’ai entendu parler des JO. Et cette chanson me paraissait particulièrement appropriée, je voulais donner au monde quelque chose d’un peu innocent et grotesque. Même si au début j’aurais voulu chanter nu avec un orchestre nu et un public nu… »
Une fois la fête terminée, les réseaux sociaux sont en effervescence autour de la prestation de Philippe. « Quand j’ai vu qu’Elon Musk lui-même avait quelque chose à dire, ça m’a inquiété. Est-ce qu’il a aimé ? J’ai vite compris que non, tout comme Donald Trump, Erdogan ou Marion Maréchal-Le Pen. Et ça a été un vrai soulagement pour moi, car si ces gens avaient trouvé ça bien, mon été aurait été gâché. Ou je me serais immolé par le feu. » Il n’y a aucune allusion à la religion dans cette performance, ni aucune volonté de choquer. « Je n’ai jamais eu recours à la provocation, remarque Philippe, même si certains n’y voient que cela. Je regrette un peu qu’on parle plus de mon « caractère » que de ma Musique. Mais je ne peux rien y faire… »
La poésie sans la prétention du poète
Philippe Katerine
Côté musique en revanche, il y a beaucoup à dire. De ses débuts timides en 1991 avec « Chinese Weddings » jusqu’à l’explosion hystérique qu’était « Robots After All » en 2005, Katerine n’a cessé de proposer, de se réinventer, d’aller voir si le ciel était plus bleu ailleurs. De « Zouzou », le onzième album en plus de trente ans de carrière, Philippe dit avoir fait de son album « le plus Souchonesque, dans la mesure où il est attaché au réel. C’est la poésie de la vie qui coule quotidiennement. Enfin une poésie sans la prétention du poète.
En seize chansons (et un intermède), Katerine évoque ses enfants, son chien (c’est elle, Zouzou), son bob, ses amis perdus, mais aussi son sexe et même la mort… Tout est écrit avec malice, franchise et humour, et chanté. sur des rythmes électro-pop bien ficelés. Alors oui, il s’adresse à son pénis, parle des poils blancs de ses testicules, mais aussi de la joie d’une vie de famille folle et terriblement joyeuse. « Il est bien plus facile de choquer aujourd’hui qu’il y a trente ans », remarque-t-il.
Chirurgie cardiaque à 8 ans
À l’époque, on disait : « De toute façon, personne ne peut être choqué ». Mais on se trompe toujours quand on pose ce genre de diagnostic… Ferré chantait sur ses testicules, les rappeurs n’arrêtent pas de parler de leurs parties intimes, avec un vocabulaire bien plus élaboré que le mien, ironise-t-il. Ma nature est de toujours voir le pire arriver. Comme ça, je ne peux avoir que de bonnes surprises. »
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Interrogée sur les origines de cet état d’esprit – à côté de son faste pour les uns, un peu fou pour d’autres – Katerine évoque cette opération du cœur qu’il a subie à l’âge de 8 ans. « J’ai définitivement vécu une renaissance, ou une seconde naissance. Quand je suis rentré de l’hôpital, j’ai pris une pelle et j’ai retourné toute la terre du jardin. Même si mes parents ne m’avaient jamais vu jardiner. J’avais compris des choses incroyables derrière la mort et je voulais revenir sur terre. Depuis, je vis un peu déconnecté, pas tout à fait de la réalité. »
De son adolescence compliquée, Philippe se souvient du « harcèlement » et trouve son salut dans la musique, le dessin ou la peinture. C’est ainsi que sont nées les chansons écrites dans sa chambre – « ma musique de chambre », dit-il – repérées par Alan Gac, alors jeune patron du label Rosebud. « Je n’avais ni rêves, ni ambitions, donc je ne pouvais pas être déçu. J’ai juste pris ce qui venait et j’ai vu que ça me faisait du bien de chanter, ça me permettait de continuer à vivre « à côté » du monde. Et rien n’a vraiment changé depuis. »
Julie Depardieu est une tornade de la vie
Philippe Katerine
Malgré tout, Philippe est père de trois enfants, une fille, Édie, 31 ans, et deux garçons, Billy et Alfred, 13 et 12 ans, qu’il a eu avec Julie Depardieu, sa compagne. « Julie est une tornade de vie, quelqu’un d’explosif. Mais elle ne m’a jamais dit que j’étais insupportable. Au quotidien, prendre le train ou faire du shopping est pour moi plus un accomplissement que donner un concert ou chanter à la cérémonie olympique. Faire mon travail est beaucoup plus sûr. »
Depuis plus de trente ans donc, Katerine s’impose fièrement au milieu du paysage musical français, en toute liberté, suivie et accompagnée par une maison de disques fidèle, une équipe restreinte mais dévouée. « La fidélité est importante, c’est même une valeur à laquelle je suis très attaché. Je n’ai jamais eu à rendre de comptes, jamais eu de cahier des charges, j’ai mesuré ma chance tout ce temps… » Alors que les carrières longues sont de plus en plus difficiles à mener, la douce folie de Philippe Katerine inspire aujourd’hui Aujourd’hui une jeune génération, d’Angèle à Julien Doré. « Je n’aime pas les débats, je n’aime pas avoir raison ou tort et je n’aime pas l’idée de faire changer d’avis quelqu’un. Soit tu suis ce que je fais, soit tu réussis. Je me débrouille avec ce que je suis et c’est tout… » Des mots d’un sacré zouzou.
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